En créant la surprise avec un score historique de 6,4 millions de voix et 17,9 % des suffrages, Marine Le Pen s’impose « à la table des puissants », comme elle l’a assené le soir du premier tour. Mieux : elle devient l’arbitre du second tour et se place en pôle position pour les législatives de juin.
« Le soir tombait ; la lutte était ardente et noire, sa lunette à la main, le sondeur observait, parfois le centre du combat, point obscur où tressaille la mêlée, effroyable et vivante broussaille, et parfois l’horizon, sombre comme la mer. Soudain, joyeux, il dit : « Mélenchon ! » - C’était Marine. L’espoir changea de camp, le combat changea d’âme, La mêlée en hurlant grandit comme une flamme. »
On nous pardonnera ce pastiche de Victor Hugo, mais il a le mérite de résumer mieux que n’importe quel discours la manière dont les « analystes » ont suivi la fin de campagne de la candidate du Front national.
Ces trois dernières semaines, sondeurs, médias et observateurs politiques se sont acharnés à nous vendre Jean-Luc Mélenchon comme le vrai « troisième homme », annoncé au coude à coude avec Marine Le Pen et la reléguant même parfois, avec un petit 14 %, dans les poubelles des études d’opinion. Partant de ces projections, les doctes commentateurs sous-entendaient gravement que le vote utile primerait en faveur des candidats institutionnels ; que le Front de gauche représentait la vraie colère populaire ; et qu’il ne servait à rien de voter pour « l’extrême droite ».
Comme souvent, les vraies gens, les « invisibles », ne se sont pas laissé mener en bateau. On les attendait à la pêche à la ligne, ils se sont précipités aux urnes. Avec près de 80 %, la participation a été massive. François Hollande arrive certes premier avec 28,63 %, mais il n’a qu’un point et demi d’avance sur Nicolas Sarkozy (27,18 %), alors que les sondages annonçaient des écarts bien plus importants. Le candidat de l’UMP, lui, réalise une contre-performance en étant le premier président sortant incapable d’arriver en tête pour sa possible réélection.
De fait, ainsi que l’ont noté tous nos confrères – de « Libération » au « Figaro » –, la véritable « surprise » réside dans le brillant résultat de la candidate du FN, qui a le plus profité de cette mobilisation record et a créé la surprise en recueillant 17,9 % des voix, largement devant Mélenchon, plafonné à 11 %.
Le score de Marine Le Pen est le plus haut – en valeurs relatives et absolues – jamais réalisé par un candidat du Front national à une élection présidentielle. Il grandit encore si on le replace dans le contexte d’une forte participation qui