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2015, année du réveil français

En politique – comme en métapolitique –, il est un principe de base : il faut achever l’adversaire lorsqu’il est à terre. Or la gauche est à terre, politiquement et surtout intellectuellement. Pour 2015, la mission est donc simple : l’empêcher de se relever. Feu à volonté ! Ce serait dommage de laisser souffrir un animal blessé…

L’histoire des idées politiques retiendra peut-être qu’en Fran­ce, en 2 014/2015, Eric Zemmour a perdu iTélé mais a gagné… la France. A l’heure du passage de témoin entre les deux années, où nous écrivons ces li­gnes, le mal, enfin le bien, est sans doute déjà fait. Il est difficile de savoir s’il s’agit d’une victoire culturelle ou bien simplement d’une victoire du réel sur l’idéologie. Le phénomène tient sans doute des deux à la fois. Bien entendu la présence médiatique et le talent d’un Eric Zemmour ont contribué à la contre-offensive idéologique engagée depuis quelques années con­tre l’hégémonie culturelle de la gauche depuis les années 1960. Une hégémonie culturelle qui est en fait la toile de fond, l’explication, la grille de lecture centrale qu’il nous propose dans son Suicide français.
Mais le succès de cet ouvrage est aussi le fruit d’une contestation politique, les deux phénomènes venant se répondre. De nombreux Français sont allés acheter le livre de Zemmour com­me ils vont mettre un bulletin Front national dans l’urne : pour adresser un énorme bras d’honneur au système. Et là encore, dans les deux cas, leur changement de perception (dont découlent ces actes de « rébellion ») est peut-être davantage lié à la situation de leur quartier, de leur ville, du pays qu’aux arguments développés par tel polémiste ou telle pasionaria des « oubliés ». Pour le dire autrement, cette année, Mehdi Nemmouche aura fait autant qu’Eric Zemmour pour déconstruire le discours des « déconstructeurs » !

La France Orange Mécanique vote Bleu Marine
Des rayons des librairies (où le succès d’Eric Zemmour est venu prendre le relais de ceux de Lorant Deutsch ou de Laurent Obertone) aux urnes, quel­les que soient les raisons qui ont précipité le basculement, celui-ci est bien là. La gauche au pouvoir, la gauche qui détient l’Elysée, la quasi-totalité des ré­gions, l’immense majorité des départements ne parvient même plus à être présente au deuxième tour d’une législative partielle ! Ce n’est pas seulement qu’elle n’arrive plus en première ou deuxième position, c’est qu’elle ne recueille même plus 12,5 % des voix des électeurs inscrits ! Ah si, elle y est parvenue une fois depuis 2 012 (hors Français de l’étranger) : à Saint-Pierre-et-Miquelon… Sinon, le second tour op­pose désormais UMP et FN avec une régularité de métronome, et on attend avec gourmandise les législatives partielles du Doubs (1er et 8 fé­vrier) et de l’Aveyron, dont les dates ne sont pas encore fixées.
C’est dire si, dans les couloirs de Solferino, au siège du PS, dans ceux de Matignon et de l’Elysée, dans les salles de rédaction d’ITélé ou des « Inrocks », on n’en mène pas large. On imagine aisément la panique des spécialistes consacrant leurs journées à décortiquer, une à une, les enquêtes d’opinion. Car si, sur le plan électoral, les résultats et les sondages ont de quoi déprimer les socialistes, sur le plan idéologique, c’est l’ensemble du spectre de la gauche morale et intellectuelle – « y compris la droite », comme le dit si bien Eric Zemmour – qui peut commencer à réellement avoir peur d’un réveil français.
Interrogés par l’institut Odoxia pour ITélé et « Le Parisien » en septembre 2014, 68 % des Français sondés se déclaraient favorables à la suppression du regroupement familial, 67 % au fait de réserver les aides sociales et les allocations familiales aux seuls Français, et 65 % exprimaient leur ac­cord avec l’idée d’un rétablissement d’un contrôle aux frontières intérieures de l’Europe. En novembre 2014, lors­que l’Ifop demanda aux Français s’ils éprouvaient « un sentiment de ras-le-bol fiscal », ce sont 83 % des sondés qui ont répondu oui ! Des Français qui ne se sentent plus protégés (ni physiquement, ni même symboliquement, dans leur essence de peuple et de nation), et qui semblent de moins en moins consentir à l’impôt – la question centrale que beaucoup se posent étant de savoir pour quoi, et pour qui, ils paient –, on n’est plus très loin de la jacquerie…
Et la jacquerie se fait sentir dans les urnes : ceux qui subissent la « France Orange mécanique » décrite par Laurent Obertone – qui publie le 15 janvier un nouveau document, « La France big brother », nouvelle enquête sur un sujet tabou, « le conditionnement d’une nation », qu’il décrit comme « la terreur politique, médiatique et idéologique qui accable notre pays » – tout comme ceux qui se verraient bien enfiler à leur tour un bonnet rouge se retrouvent à glisser un bulletin Bleu Marine dans l’urne ! En 2014, le FN aura engrangé de vrais succès avec les élections municipales, les élections européennes (qui l’ont vu arriver en tête d’élections générales pour la première fois de son histoire), et même l’élection de deux sénateurs FN, première historique là aussi mais découlant logiquement des succès locaux de mars.
Sur le terrain électoral, l’année 2 015 – avec les élections départementales de mars et les élections régionales qui se tiendront en octobre ou décembre – sera sans doute une année encore plus terrible pour la gauche. Chef de la ru­brique politique de « Sud-Ouest », Bruno Dive, parlant d’un « vent de panique » parmi les stratèges du PS, écrit : « Selon l’un d’eux, qui a réalisé des projections fondées sur le résultat des dernières élections européennes, corrigées par l’implantation locale des sortants, la gauche ne conserverait que 16 départements en mars prochain. Les plus optimistes vont jusqu’à 20, ce qui revient tout de même à un effondrement : la gauche, qui dirige aujourd’hui 60 conseils généraux, en conserverait à peine le tiers. » Son article est titré : « La gauche rayée de la carte ? » C’est Manuel Valls qui, en juin, avait lâché : « Oui, la gauche peut mourir. »

La revanche de La Manif Pour Tous
Au-delà des résultats électoraux, les génies du PS ont sans doute eux-mê­mes contribué à se préparer des lendemains encore plus difficiles, en of­frant au camp conservateur des gé­nérations de cadres prêts à l’emploi. Un problème pour la gauche, mais aussi dans une certaine mesure pour les appareils politiques de la « droite » eux-mêmes comme plusieurs événements récents l’ont démontré.
Ceux qui ont voulu n’y voir qu’une « diversion » se sont manifestement lourdement trompés. Et si telle était réellement la volonté de François Hollande, il s’agit alors d’un terrible échec ! La loi Taubira, dite « mariage pour tous », adoptée le 7 mai 2013, pourrait bien être une jolie illustration de l’effet papillon, ou l’étincelle qui embrase la plaine. L’ouverture du mariage et de l’adoption aux personnes de même sexe est ve­nue heurter et donc réveiller des fran­ges de la population qui se croyaient à l’abri, redonner corps à un catholicisme militant qui est parvenu à s’affranchir – en partie – du politiquement correct mais aussi de certains oripeaux quelque peu caricaturaux, et a surtout permis à des centaines de milliers de jeunes de prendre goût à la politique. Ceux et celles qui auraient pu jusqu’ici se contenter d’être de bons chefs scouts, voire d’excellents danseurs de rock dans les « rallyes » se sont retrouvés organisateurs de manifestations et ont même parfois connu les joies des gaz lacrymogènes, quand ce n’est pas carrément des cellules.
Alors que les futurs cadres, intellectuels, militants, de la gauche se sont recrutés pendant des années dans les rangs du syndicalisme lycéen et étudiant et que chaque grand mouvement de contestation (Mai 68, loi Devaquet, CPE, etc.) a fourni son lot de futurs ministres, la génération Manif Pour Tous pourrait bien elle aussi porter ses fruits en politique. De l’UMP au FN, dé­jà, certains premiers visages apparaissent. Et les conséquences sont mê­me bien plus larges que cela. Au-delà de la constitution et de l’impact de Sens Commun au sein de l’UMP, la promotion éclair de Laurent Wauquiez au poste de secrétaire général du parti peut aussi être perçue en partie comme une répercussion politique du mouvement social de défense des familles.
De la même façon, les positions des uns et des autres face à cette mobilisation – et singulièrement celles de Florian Philippot et de Marion Maréchal-Le Pen, diamétralement différentes – ont été perçues comme l’un des marqueurs forts dans le cadre des élections au comité central du Front national. Et dans la continuité du congrès, il n’est pas anodin non plus de constater que c’est dans le cadre de la nomination du militant LGBT, ex-UMP certes mais surtout cofondateur de GayLib, Sébastien Chenu à la tête du Collectif consacré à la culture au Rassemblement Bleu Marine que Marine Le Pen a dû faire face à la plus importante fronde qu’elle ait connue depuis son accession à la tête du Front national.
C’est la première fois que l’un de ses choix politiques a été aussi clairement et publiquement contesté. La « diversion » (de la loi Taubira) est devenue facteur de division au sein du parti.
En fait, comme l’avait justement pressenti Béatrice Bourges, égérie du Printemps français, cette nébuleuse agitée de la contestation du « mariage pour tous » réputée proche de l’Action française, il semble bien que l’attitude face à la « rupture anthropologique » entraînée par la loi Taubira et ses conséquen­ces soit aujourd’hui une ligne de fracture qui traverse tous les appareils p­o­litiques. Songeons par exemple à la façon dont a été marginalisé par ses amis d’EELV José Bové, écologiste con­séquent, pour son opposition ferme à la PMA et la GPA.

La gauche regarde passer les trains
Auteur de l’essai Le Mai 68 conservateur, sous-titré « Que restera-t-il de la Manif Pour Tous », le politologue Gaël Brustier – spécialiste français du gramscisme – déclarait récemment dans un en­tretien au « Figaro » : « Le mouvement conservateur tel que nous le connaissons est actif à la base et entend agir sur tous les partis politiques, de l’UDI au FN. C’est cette organisation “à la base“ qu’il faut prendre en compte si on veut en saisir la puis­sance. Pour la première fois depuis 1945, nous faisons face à un mouvement authentiquement conservateur, organisé, puissant, qui parvient à exercer une pression constante sur les élus de droite et d‘ex­trême droite, est actif à la base et reçoit un écho de la part de la société. Son discours porte. »
« Nos idées sont dans toutes les têtes », répètent souvent les identitaires qui, à leur manière, incarnent dans certaines de leurs idées et dans leur activisme moderne à la Greenpeace une avant-garde de cette « révolution conservatrice » qui fait si peur à la gauche intellectuelle, morale et politique.
Pour autant, des têtes au geste il y a encore une distance importante à parcourir, pour transformer la victoire culturelle en victoire politique. Ce chemin, ce n’est donc peut-être plus tant au peuple de le faire mais aux partis eux-mêmes, en adaptant leur « offre » politique, finalement bien plus tiède et molle que ce qu’attendent une majorité de Français dans de nombreux domaines, à commencer par la préservation de l’identité.
Alors que la gauche est absente d’ab­solument tous les champs, incapable de produire le moindre discours autre que répétitif et inopérant, les deux seu­les expressions à avoir fait intrusion dans le débat politique et intellectuel, jusqu’à faire la une des journaux, sont le mot « remigration » et la formule ô combien parlante de « grand remplacement ». La gauche, elle, hurle, vitupère, conspue et lapide. Dans le langage des vaches, ça s’appelle regarder passer les trains.    
Lionel Humbert

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