Marine Le Pen s’apprête à l’annoncer dans les prochaines heures : Sébastien Chenu, cofondateur de GayLib et conseiller national de l’UMP, a rallié le Rassemblement Bleu Marine (RBM). Mieux (ou pire) : la présidente du Front national veut lui confier la présidence du Collectif Culture ! Et selon nos informations, Marine Le Pen ne veut pas renoncer à cette nomination qui a commencé à se propager dans les hautes sphères du FN où elle suscite de très vives oppositions.
En octobre dernier, Jean-Yves Narquin, délégué général du RBM, avait confié que la composition du Collectif Culture, alors en gestation et annoncé pour décembre, allait « en scotcher plus d'un ». On pensait que c’était le monde de la culture qui allait être surpris, pas celui des cadres et des militants du Front national auxquels il a été répété que GayLib était un « lobby homosexualiste » et communautariste dont il fallait exiger la dissolution…
Qualifié de « cheville ouvrière du militantisme gay à l’UMP », Sébastien Chenu était, avant que Nicolas Sarkozy n’en soit élu président et ne remodèle l’organigramme, secrétaire national de l’UMP « en charge de l’exception culturelle ». Et peu avant la présidentielle de 2012, il avait été à l’origine d’une tribune libre dans « L’Express » dans laquelle six jeunes secrétaires nationaux de l’UMP – dont son futur associé Florian Silncki et lui-même –, demandaient à Nicolas Sarkozy d’inscrire le mariage aux couples de même sexe dans son programme. « L'actualité récente, les clins d'œil appuyés du Front national vers l'électorat gay et les promesses électoralistes du candidat socialiste l'imposent », écrivaient-ils.
A la tête de la société LaFrenchCom’, Sébastien Chenu, conseiller en communication politique, a un beau CV dans « le système » comme on dit au Front national. Il a notamment été conseiller en communication de Nicole Guedj, secrétaire d’Etat au Commerce extérieur dans le gouvernement Raffarin, chef de cabinet de Christine Lagarde dont il affirme avoir écrit les discours, directeur de la stratégie de la chaîne France 24 et, de 2008 à 2012, conseiller auprès du Service d’information du gouvernement, années durant lesquelles il se flatte d’avoir élaboré la stratégie de communication de François Fillon.
A 41 ans, celui qui avait créé GayLib en 2001 au sein de Démocratie libérale est, si l’on ose dire, resté fidèles à ses premières amours. Pour les municipales de mars dernier, comme l’avait relaté « Le Monde », « il avait soutenu NKM à la primaire et l'avait présentée à toute la communauté gay », dans laquelle il demeure particulièrement introduit, espérant obtenir la tête de liste dans le IIe arrondissement qui lui avait échappée. « Le Journal du dimanche » l'avait même présenté comme l’homme « qui gère les réseaux homos de la candidate ».
C’est encore lui qui, après la primaire et contre toute attente, négociera le ralliement de Franck Margain à Nathalie Kosciusko-Morizet en raison de ses liens étroits avec le candidat du Parti chrétien-démocrate (PCD), et cela alors même que Sébastien Chenu, en raison de son militantisme LGBT, a toujours été un adversaire résolu de Christine Boutin, pour ne pas dire un ennemi. En avril dernier, il avait même exigé, en compagnie de Florian Silncki, son associé à LaFrenchCom, que celle-ci soit condamnée pour des propos sur l’homosexualité.
On comprend mieux maintenant le sens de la tribune qu’il avait publiée le 7 octobre dernier dans « Les Echos » (« La classe politique piégée par La Manif pour tous »). Deux jours après le dernier défilé parisien de La Manif pour tous, il s’en prenait violemment au parti dont il était pourtant toujours secrétaire national (« Caricaturale et disqualifiée sur ces sujets, l'UMP paye aujourd'hui le prix de ses préconisations parfois outrancières sur ces sujets de société : la parole homophobe longtemps tolérée du député Vanneste, les attaques haineuses du député Dhuicq sur l'autorité parentale, le relativisme de l'esclavagisme occidental du député UMP Mariani ») tout en ménageant la « voix libre » de Marine Le Pen.
Sébastien Chenu écrivait que Marine Le Pen « a toujours pris soin de ne jamais provoquer ou ostraciser les gays (cf son discours : “il y a des quartiers où il ne fait pas toujours bon être une femme, un homosexuel…"), et [que], bien que défavorable au mariage pour tous, [elle] a toujours précisé son souhait de reconnaître un cadre légal aux couples de même sexe, de leur apporter une protection juridique, un statut légal et de ne jamais jouer sur le registre de l'exclusion, s'en tenant à un discours parfaitement républicain et s'abstenant de défiler ».
Initialement, le lancement du Collectif Culture devait être effectué au cours du premier trimestre 2015. Décision a été prise d’accélérer les choses. Histoire d’allumer un contre-feu à la polémique naissante sur la défense de la torture, par Marine Le Pen, en cas de risque terroriste élevé ? A l’heure où nous écrivons ces lignes, c’est en tout cas au FN que le feu est en train de se propager, donnant raison à « Minute » qui, dès janvier 2013, avait titré sur le « lobby gay au Front national ».
Antoine Vouillazère