Une salle de shoot vient d’ouvrir à Paris. Une autre suivra le mois prochain à Strasbourg. A la grande joie des toxicos et… des dealers ! Car une circulaire du ministère de la Justice autorise autour de ces salles un périmètre de « tolérance » où les détenteurs de drogue ne seront ni poursuivis ni inquiétés ! Entre autres délires.
On le redoutait, le gouvernement l’a fait : lundi 17 octobre, pour la première fois en France, une salle de shoot a ouvert ses portes aux drogués, quatre ans après que la décision en avait été prise lors d’une réunion interministérielle à une époque (décembre 2012) où le premier ministre s’appelait Jean-Marc Ayrault. Ce lieu de défonce a été aménagé à l’hôpital Lariboisière, dans le Xe arrondissement de Paris, sur le modèle des dizaines de centres semblables ouverts en Suisse – pays pionnier en la matière –, aux Pays-Bas – où ça pue le shit à tous les coins de rue –, en Allemagne, en Norvège, au Luxembourg et même en Espagne.
C’est la Sécu qui paye
Le mardi précédant l’ouverture, Marisol Touraine, ministre de la Santé à l’origine de la loi autorisant la débauche, et Anne Hidalgo, maire socialiste de la capitale, s’étaient rendues sur place pour se féliciter d’une telle innovation, qui est supposée « favoriser l’entrée des usagers de drogues dans un processus de réduction des risques » et, selon Jean-Jacques Urvoas, le ministre de la Justice, « réduire les nuisances et troubles à l’ordre public » ! Moyennant quoi le garde des Sceaux vient de donner pour consignes, comme on va le voir, de surtout préserver le désordre public que cette salle de shoot va engendrer…
A droite, la pilule est dure à avaler. Dans un communiqué, Isabelle Le Callennec, vice-présidente des Républicains et député d’Ille-et-Vilaine, rappelle fort justement que le gouvernement amène aujourd’hui les contribuables à financer la toxicomanie : « Pour cette salle de shoot, le département de Paris a mis 850 000 euros sur la table et le million d’euros de frais de fonctionnement sera pris en charge par… la Sécurité sociale ! » C’est en effet le FNPEIS, le Fonds national de Prévention, d’Education et d’Information sanitaires, qui dépend de la Caisse nationale d’assurance maladie, qui assure l’essentiel du financement ! D’un côté la Sécu paye pour faciliter le « shoot », de l’autre elle payera pour en soigner les conséquences…
Encore plus juste, Isabelle Le Callennec souligne que, pour faire plaisir aux junkies et aux associations qui les soutiennent, l’Etat est devenu hors-la-loi : « Force est de constater que l’installation de salles de shoot crée des zones de non droit où la consommation de drogue est autorisée à l’intérieur mais la possession de drogue “tolérée“ dans un certain périmètre […]. Reste à connaître ce périmètre ! Les riverains ont le droit de savoir ! »
C’est effectivement tout le (gros) problème. Car une salle de shoot est un endroit où un drogué peut venir se piquer, sous surveillance médicale, à la condition d’apporter ses produits stupéfiants et illicites (le « matos » n’étant pas encore fourni par l’Etat…). Dans ce lieu, protégé par la loi Touraine de décembre 2015, il bénéficie de l’immunité : il ne peut pas être poursuivi pour « usage et détention illicites de stupéfiants ». Jusque-là, tout va (à peu près) bien…
Cela étant, avant d’accéder à cet espace protégé, le toxico doit emprunter l’espace public, où, aux yeux de la loi, il est condamnable pour « détention illicite de stupéfiants ». Dans la salle de shoot, il est blanc comme neige, mais à l’extérieur, il demeure un délinquant. Alors, pour noyer le poi(s)son, le ministère de la Justice a pondu une hallucinante circulaire à l’adresse de tous les procureurs de France et de Navarre, que nous avons décortiquée avec effarement.
Impunité pénale pour les drogués
Datée du 13 juillet 2016, cette circulaire est relative à l’ouverture des « premières salles de consommation à moindre risque, espace de réduction des risques par usage supervisé » (c’est le nom politiquement correct des salles de shoot). En jouant habilement sur les mots, elle invite les procureurs à définir autour des salles de shoot un périmètre où les camés seront intouchables : « Aux abords de la structure réglementée, seules les personnes fréquentant les salles de consommation pourront bénéficier, non d’une extension d’immunité pénale, mais d’une politique pénale adaptée. » Mais encore ?
Dans ce même document, au chapitre des « contrôles de police réalisés aux abords des salles », on comprend que cela veut dire… que les policiers devront regarder ailleurs : « Dans ce périmètre défini par les procureurs de la République, la poursuite des personnes se rendant à la structure pourra être considérée comme inopportune » ! Et comment détermine-t-on si le gars qui se trimballe avec de l’héroïne dans la poche se rend à la « structure » ou passe juste dans le coin ? Mystère !
D’ailleurs, d’après une indiscrétion du journal « Le Monde », « les policiers ont en outre reçu pour instruction du procureur de la République de Paris de tolérer les usagers de drogue aux abords de la salle » de l’hôpital Lariboisière, ce qui aura au moins pour avantage de leur éviter de perdre du temps en procédure puisque celle-ci ne peut que finir, comme ils en ont déjà l’habitude, dans la poubelle du Palais de justice…
Conséquence de cette « tolérance » ? Dans ce périmètre (qu’il appartiendra au procureur de la République de délimiter sur sa carte – est-ce que je mets aussi les numéros impairs ? Et cette ruelle adjacente, je l’intègre ou je l’intègre pas ?), où la police n’interviendra donc pas, les dealers et toxicos des quartiers voisins vont rappliquer, puisqu’ils bénéficieront de l’immunité accordée aux « clients » de la salle de shoot.
Des bus pour camés dans toute la ville
Pire encore : les abords de cette salle de shoot ne seront pas les seuls lieux où les toxicos pourront se balader en toute impunité. « Il est probable », écrit le ministère de la Justice avec un degré d’incertitude qui laisse pantois, que les usagers de la salle, qui seraient « pour la plupart âgés et désocialisés » – « âgés », alors qu’il suffit d’avoir dix-huit ans pour y être admis ? – ne parcourront pas de longs trajets pour s’y rendre. Toutefois, ce qui est « probable » est loin d’être certain…
Aussi est-il envisagé de créer des « dispositifs itinérants », autrement dit des lignes de bus qui feraient office de salles de shoot mobiles, car il apparaît que, « dans les agglomérations », « plusieurs quartiers sont fréquentés par des toxicomanes vivant principalement dans des squats » ! Sans rire ? Et ceux-là, que, apparemment, on ne veut pas virer à grands coups de pompes dans le train des immeubles qu’ils occupent de façon illégale, on peut les ramasser sur la voie publique ? Pas plus !
Dans cette même circulaire, dont tous les procureurs et présidents de tribunaux ont été destinataires, Jean-Jacques Urvoas ordonne qu’« un périmètre [soit] défini de manière identique aux abords des sites d’arrêt de la salle mobile », afin qu’ils n’encourent pas le risque d’être contrôlés et poursuivis ! Ce serait, là aussi, « inopportun »… Si vous voyez un rassemblement de camés en bas de chez vous, avec des tapes dans les mains et des billets qui s’échangent, je te file cent balles, tu me files ma dose, inutile d’appeler la police, c’est que le bus va passer !
Se piquer, oui ! Fumer un clope, non !
Et là, il n’y aura même pas de trêve dominicale. Pour sortir les enfants, il va falloir viser juste. La salle de shoot et les prochains « dispositifs itinérants » avec leurs stations de ramassage bénéficieront d’horaires d’ouverture « adaptés aux modes de vie des publics concernés », qui ne sont pas les riverains mais les chers zombies. Ce sera donc opérationnel sept jours sur sept ! Et à partir du coucher du soleil ?…
On en rirait presque si ce n’était si pathétique : dans son délire normatif et laxiste à la fois, le ministère de la Justice a prévu des cas où les drogués – pardon, les « usagers de drogues » – pourraient être renvoyés de la salle de shoot. Ce serait le cas… s’il leur prenait l’envie d’allumer une cigarette ! Authentique ! Le règlement édicte « l’interdiction, comme dans tout lieu accueillant du public, de consommer du tabac à l’intérieur des locaux (y compris la salle et les postes de consommation) », afin de garantir « la sécurité des non-fumeurs » !
La circulaire ajoute cette phrase qui va rassurer tout un chacun : « La consommation de tabac aux abords des locaux ne doit pas être une source de nuisance pour les riverains »…
Lionel Humbert