Du lundi 10 septembre au vendredi 14 septembre, dans le Var, à Fréjus, se sont déroulés les premiers jeux pénitentiaires. Sous prétexte de réinsertion, c’est le grand n’importe quoi !
Lundi 10 septembre, 10 heures du matin. A Fréjus, sur la base nature, un espace de liberté de 120 hectares en bord de mer, qui porte le nom de l’ancien ministre François Léotard, se déroule un spectacle insolite : de la musique brésilienne, des jongleurs et autres troubadours, des taulards en short qui défilent, des officiels en costume qui applaudissent… C’est la cérémonie d’ouverture des premiers jeux pénitentiaires. Organisés par le CROS (Comité régional olympique et sportif) de la Côte d’Azur et la Direction interrégionale des services pénitentiaires des régions PACA et Corse, ils réunissent une centaine de détenus, sélectionnés dans 12 prisons du coin, plus une délégation francilienne de la maison d’arrêt de Fresnes, opposés à une centaine de magistrats, gardiens et éducateurs de prison. Au programme, de l’athlétisme, du foot, du volley, du basket, de la boxe, et un tournoi de pétanque. Avec l’apéro ? Ne riez pas, tout cela est très sérieux ! L’intitulé de la compétition en atteste : « Des JO de Londres aux Jeux de Fréjus, l’insertion médaillée par le sport. » Avec une charte digne du baron de Coubertin : « les Jeux pénitentiaires auront pour essence même de transmettre les valeurs telles que le respect de soi, des autres et des règles, la confiance et le dépassement de soi dans l’effort. »
Le journal sportif « L’Equipe » et France Télévisions n’ayant pas d’envoyés spéciaux, difficile de suivre ces jeux, clos le vendredi 14 septembre. Heureusement, il y avait le site Internet du CROS. On pouvait ainsi y lire, presque en direct, le compte-rendu de la journée d’ouverture : « Après le défilé de chaque délégation, le coup d’envoi de la première épreuve fut donné ! La première, 10 km hommes et femmes ! La course fut très serrée. (…) A 11 heures, nous avons pu assister à la remise des récompenses. Une médaille toute particulière a été remise au plus jeune participant âgé de 13 ans, ainsi qu’au vétéran ayant fêté ses 65 printemps. L’athlétisme a laissé place au tournoi de pétanque qui se déroule en ce moment… »
Un financement honteux, que personne ne veut assumer
Et pour jouer les Nelson Monfort, il y avait une correspondante de l’AFP, dont les dépêches ont permis de connaître les réactions et impressions des athlètes. Yacine, détenu à Nice, et participant au mini-marathon, a déploré un manque d’entraînement : « On n’a pas la condition physique pour se lancer dans ce genre d’épreuve. Même si je suis un fou de sport, en prison, on n’en fait pas assez. » Mohamed, de la prison de Luynes, s’est montré plus philosophe : « Pour moi, l’important, c’est de participer. Si je gagne, c’est la cerise sur le gâteau. » Quant à Raouf, un autre Niçois, il s’est dit tout heureux d’avoir pu embrasser sa femme : « C’est la première fois qu’on se voit en deux ans en dehors du parloir. Si ce n’est pas la liberté, ça y ressemble ! ».
Tout cela est bien sympathique, mais une question se pose : combien cela coûte-t-il d’organiser de tels jeux ? « Minute » a contacté le CROS Côte d’Azur, qui assurait le service de presse. La responsable nous a précisé que la manifestation était soutenue par le conseil régional de PACA, la Direction régionale des sports et de la cohésion sociale, la fondation SFR, la mairie de Fréjus… Très bien, mais à quelle hauteur ? « Les comptes ne sont pas arrêtés… Et je ne suis pas autorisée à vous les communiquer », s’est-on entendu répondre. « Mais diable, il s’agit pourtant d’argent public ! », a-t-on rétorqué. Alors le numéro de portable d’Alain Koubi, président du CROS, nous a été communiqué. Las, sur sa messagerie, nos demandes d’entretien sont restées lettres mortes. Il y aurait comme un malaise.
Ainsi, que ce soit sur les sites du ministère de la Justice (qui pourtant aime faire la promotion de ces opérations ahurissantes), de la région PACA, de la fondation SFR ou de la ville de Fréjus, aucune publicité n’a été donnée à ces premiers jeux pénitentiaires. Aurait-on pris conscience que financer de tels jeux, c’était envoyer le bouchon un peu loin, même avec un tournoi de pétanque ? A Fréjus, dont le maire est l’UMP Elie Brun, nous avons contacté un conseiller municipal d’opposition, David Rachline, membre du FN. Il nous a dit sa surprise : « Comme vous, je viens d’apprendre l’organisation de ces jeux ! Jamais en conseil municipal le sujet n’a été abordé. Au prochain conseil, ils vont entendre parler de moi. Pourquoi avoir organisé ces jeux en catimini ? Auraient-ils honte de dilapider ainsi l’argent des contribuables ? » Si ce n’est pas de la honte, ça y ressemble…
Le jour de la cérémonie d’ouverture, parmi les officiels en costume, il n’y avait aucun membre de la majorité municipale UMP. Seule était présente la conseillère municipale Elsa Di-Meo, membre du… PS !
Pierre Tanger
Pierre Tanger