Fin septembre, sortira Quelques heures de printemps, un film de Stéphane Brizé avec Vincent Lindon, Hélène Vincent et Emmanuelle Seigner. La critique ne devrait pas manquer de saluer cette laborieuse apologie de l’euthanasie, d’autant que le Parlement débattra sous peu des « droits des malades en fin de vie », dans le but de mettre en œuvre une promesse de François Hollande, favorable au « suicide assisté ».
Quelques heures de printemps est, contrairement à ce que son titre pourrait traîtreusement laisser supposer, un film long, sinistre, macabre, morbide et terriblement pesant. Gageons que la critique branchouille lui réservera donc un accueil élogieux lors de sa prochaine sortie en salles ! D’autant que ce pensum du réalisateur Stéphane Brizé (Je ne suis pas là pour être aimé, Mademoiselle Chambon) vient à point pour appuyer la promesse n° 21 du programme du candidat François Hollande : « l’aide à la fin de vie », alias le suicide assisté, ou, pour parler clairement, l’euthanasie. Comme par hasard, la durée de vie du film – si l’on ose dire – coïncidera d’ailleurs avec les premières escarmouches du débat parlementaire annoncé à ce sujet pour l’automne. Avec ses acteurs connus et un bon battage médiatique, Quelques heures de printemps, salué lors de sa première, fin juillet, par le ministre de la Culture Aurélie Filippetti, sera à coup sûr brandi comme un étendard par tous les défenseurs de la culture de mort.
C’est l’histoire d’Alain Evrard (Vincent Lindon), 48 ans, demi-chômeur mutique – limite sociopathe –, tout juste sorti de prison après une petite condamnation pour un minable trafic de drogues et obligé de retourner vivre chez sa mère, Yvette (Hélène Vincent), à peine moins antipathique que lui. Cette cohabitation forcée fait resurgir toutes les lourdeurs d’une relation qui n’a visiblement pas été rose tous les jours entre la maîtresse de maison froide, taiseuse, aigrie et maniaque, et le fiston rustaud, brutal et bas du front.
Vient le tournant du film : tout en fricotant avec Clémence (Emmanuelle Seigner), Alain découvre que sa mère est atteinte d’une tumeur au cerveau et qu’elle a décidé de se faire euthanasier avant de perdre le contrôle d’elle-même. Le gaillard a beau être particulièrement brut de décoffrage, ça lui fiche quand même un choc… Cette petite nouveauté introduite dans leur morne quotidien ne manque pas de les interpeller au niveau du vécu (sans parler du mouru) et de poser quelques questions existentielles du genre : d’ici le moment fatidique, la mère et le fils seront-ils capables de trouver les mots pour se réconcilier ? Bien que le dialogue ne soit pas le point fort de la famille Evrard, la réponse est oui, évidemment ! Et ce, grâce au minutieux compte à rebours mortifère entamé par maman.
Une exécution indolore, dans un chalet pimpant
Brizé prétend ne défendre aucune thèse et n’avoir « aucune légitimité pour donner un avis sur un sujet comme celui-là ». Il n’empêche que son film pourrait servir de publicité pour les organisations « d’aide à l’auto-délivrance » (sic) pratiquant l’euthanasie dans des pays comme la Suisse, où cette démarche est légale.
Dans ce film ennuyeux à mourir, dont le déroulé est en soi une véritable incitation au suicide, le mot « mort » n’est pas une seule fois prononcé. Les médecins, sans approuver, « entendent » la « volonté » d’Yvette d’aller au bout de son « choix ».
On parle de « chemin », de « fin de vie », de « décision », de « délivrance », mais jamais de suicide, de décès, de tombe et de tous ces gros mots qui font généralement réfléchir jusqu’aux plus obtus partisans du politiquement correct. Sémantiquement, Stéphane Brizé rejette d’ailleurs le terme « euthanasie », qu’il juge « fondamentalement différent du suicide assisté » (il faudra nous expliquer pourquoi).
Toutes les objections légitimes au « choix » d’Yvette Evrard ne servent en fait qu’à justifier son suicide. Les longs plans silencieux et répétitifs sur les appareils médicaux, les scanners de la tumeur, l’ambiance bleutée et blafarde du milieux hospitalier, les crises d’angoisse de la malade remplissent le même rôle.
Tout comme l’impuissance et la relative passivité du corps médical face au mal qui se répand inexorablement.
Du côté des tueurs, en revanche, tout est parfait. Les papiers sont faciles à remplir. Les représentants de l’association suisse, particulièrement prévenants et responsables. On peut prendre son temps. Le processus de mise à mort – pardon, de délivrance – est réversible jusqu’au bout (ou presque). L’exécution, indolore, a lieu dans un pimpant chalet de montagne, très suisse, avec des fleurs et tout le confort d’un bon établissement de cure. La date et l’heure étant connues, les candidats au cercueil ont tout loisir de mettre leurs affaires en ordre, voire de faire un ultime bisou au fils prodigue – et ici perclus de tics, comme toujours avec Vincent Lindon, mais c’est évidemment purement anecdotique. Au moment où ce dernier s’en retourne en France, conduisant mélancoliquement sa voiture à travers d’immenses champs ensoleillés, on quitte la salle en se disant que Brizé a décidément réalisé un film ressemblant furieusement à un clip pédagogique pour valoriser ce qu’il appelle avec tact « le protocole d’aide au suicide. » Au point qu’au lieu de faire financer son film par la région Bourgogne et l’Union européenne, il aurait mieux fait de demander des fonds aux différents lobbys de l’euthanasie ! Seule note d’espoir : le film est tellement lent, mauvais et partisan que, même si vous êtes suicidaire, il devrait vous faire passer le goût du pin.
Patrick Cousteau