Vous aurez beau disposer du véhicule le plus puissant, du moteur le plus performant, sans lui, le moindre kilomètre tournera au supplice. Ses rivaux, comme la chenille des chars d’assaut ou celle des bulldozers, pour ne rien dire de la roue d’acier du train à grande vitesse, rendent certes d’immenses services, mais leur efficacité demeure limitée : dans le meilleurs des cas, ils défoncent le chemin qu’ils empruntent, ou demeurent esclaves des rails, leur domaine exclusif. Le pneumatique lui, va où il veut, sans causer de dégâts, ni se limiter à un réseau prédéterminé. Il est libre, le pneu. Il y en a même qui disent qu’ils l’ont vu voler, ou du moins aider les avions à décoller.
Rien de plus terne pourtant que cet étrange anneau de matière caoutchouteuse. Le pneu ne connaît guère que les couleurs sombres, le noir, le plus souvent. Son odeur, quand on s’en approche d’assez près, n’est pas spécialement plaisante. Pire encore, on ne pense à lui que lorsqu’il commence à nous faire des misères, ou, au mieux, lorsqu’il risque de nous en faire. C’est alors que nous vérifions sa pression, l’état de ses sculptures ou ses éventuelles fissures.
Dans notre ingratitude pour cet humble auxiliaire de la route, nous ne sommes même pas fascinés par l’étonnant spectacle de son changement. Ce n’est pourtant pas rien que cette roue rhabillée d’une enveloppe noire en quelques minutes. Cela va même contre tout bon sens de découvrir le gonflement de cet habillage à la bonne pression. Où est passée la bonne vieille chambre à air ? Comment cet espace ainsi rempli d’air pourra-t-il supporter le poids de notre voiture et le nôtre pendant des centaines de kilomètres ? Il est des technologies qui donnent le vertige.
Mais s’agit-il seulement de technologie ? Le pneu après tout ne fait que se greffer sur l’invention plusieurs fois millénaire de la roue, c’est-à-dire sur cette véritable révolution qui a donné un élan nouveau à ce souci constant de l’humanité qui est de se déplacer le plus vite possible d’un point à un autre. Avec elle, plus besoin de marches ou de courses harassantes, plus besoin non plus du long et périlleux apprentissage de l’art équestre. La roue à elle seule permettait de faire circuler hommes et marchandises sur les longues routes des grands empires, chinois ou romain. La roue était devenue le moyen le plus rentable de transformer l’énergie primitive en éliminant au maximum la résistance des forces de frottement.
Mais, qu’elle concernât le carrosse ou la rustique charrette, la roue demeurait synonyme d’inconfort, de cahots et de voyage pénible. Le train avait certes diminué ces inconvénients, mais pour les remplacer par d’autres. Coûteux à installer, il restait tributaire des vieilles voitures à cheval dès son entrée en gare. Et lorsque le vélo et l’automobile sont entrés en scène, ils ont eu besoin du pneumatique et de sa complice, la chambre à air, pour réaliser ce vieux rêve de l’humanité : se déplacer sur un nuage ou, plus précisément, sur un coussin d’air.
D’une certaine façon, le pneu participe du fantastique, un certain fantastique industriel qui nous a permis, en des temps pas si lointains, de croire que tout était possible grâce à la technique. Avec lui, finis les pavés qui manquent de trous ou les trous qui manquent de pavé. Le contact ancestral avec la chaussée a changé de nature et même le chemin le plus inégal se trouve comme apaisé. Le pneu a remplacé le tapis volant des Mille et une nuits.
Mais le rêve réalisé a un prix. Le pneu nous a permis de rêver devant les modernes bolides. Les « gommes » font partie de la légende de la F1, mais on s’aperçoit que cet auxiliaire précieux de la modernité présente de graves inconvénients, au-delà même de sa relative fragilité. Hors d’usage, il se révèle fort mauvais compagnon avec les métaux lourds fortement polluants qui entrent dans sa composition. Son recyclage est des plus complexes et, les experts cauchemardent non sans raison sur une humanité asphyxiée par ses propres pneus.
Mais l’histoire du pneu ne nous raconte-t-elle pas l’éternelle histoire des contes pour enfants devenus d’authentiques films d’épouvante ?
Rien de plus terne pourtant que cet étrange anneau de matière caoutchouteuse. Le pneu ne connaît guère que les couleurs sombres, le noir, le plus souvent. Son odeur, quand on s’en approche d’assez près, n’est pas spécialement plaisante. Pire encore, on ne pense à lui que lorsqu’il commence à nous faire des misères, ou, au mieux, lorsqu’il risque de nous en faire. C’est alors que nous vérifions sa pression, l’état de ses sculptures ou ses éventuelles fissures.
Dans notre ingratitude pour cet humble auxiliaire de la route, nous ne sommes même pas fascinés par l’étonnant spectacle de son changement. Ce n’est pourtant pas rien que cette roue rhabillée d’une enveloppe noire en quelques minutes. Cela va même contre tout bon sens de découvrir le gonflement de cet habillage à la bonne pression. Où est passée la bonne vieille chambre à air ? Comment cet espace ainsi rempli d’air pourra-t-il supporter le poids de notre voiture et le nôtre pendant des centaines de kilomètres ? Il est des technologies qui donnent le vertige.
Mais s’agit-il seulement de technologie ? Le pneu après tout ne fait que se greffer sur l’invention plusieurs fois millénaire de la roue, c’est-à-dire sur cette véritable révolution qui a donné un élan nouveau à ce souci constant de l’humanité qui est de se déplacer le plus vite possible d’un point à un autre. Avec elle, plus besoin de marches ou de courses harassantes, plus besoin non plus du long et périlleux apprentissage de l’art équestre. La roue à elle seule permettait de faire circuler hommes et marchandises sur les longues routes des grands empires, chinois ou romain. La roue était devenue le moyen le plus rentable de transformer l’énergie primitive en éliminant au maximum la résistance des forces de frottement.
Mais, qu’elle concernât le carrosse ou la rustique charrette, la roue demeurait synonyme d’inconfort, de cahots et de voyage pénible. Le train avait certes diminué ces inconvénients, mais pour les remplacer par d’autres. Coûteux à installer, il restait tributaire des vieilles voitures à cheval dès son entrée en gare. Et lorsque le vélo et l’automobile sont entrés en scène, ils ont eu besoin du pneumatique et de sa complice, la chambre à air, pour réaliser ce vieux rêve de l’humanité : se déplacer sur un nuage ou, plus précisément, sur un coussin d’air.
D’une certaine façon, le pneu participe du fantastique, un certain fantastique industriel qui nous a permis, en des temps pas si lointains, de croire que tout était possible grâce à la technique. Avec lui, finis les pavés qui manquent de trous ou les trous qui manquent de pavé. Le contact ancestral avec la chaussée a changé de nature et même le chemin le plus inégal se trouve comme apaisé. Le pneu a remplacé le tapis volant des Mille et une nuits.
Mais le rêve réalisé a un prix. Le pneu nous a permis de rêver devant les modernes bolides. Les « gommes » font partie de la légende de la F1, mais on s’aperçoit que cet auxiliaire précieux de la modernité présente de graves inconvénients, au-delà même de sa relative fragilité. Hors d’usage, il se révèle fort mauvais compagnon avec les métaux lourds fortement polluants qui entrent dans sa composition. Son recyclage est des plus complexes et, les experts cauchemardent non sans raison sur une humanité asphyxiée par ses propres pneus.
Mais l’histoire du pneu ne nous raconte-t-elle pas l’éternelle histoire des contes pour enfants devenus d’authentiques films d’épouvante ?
Jean-Michel Diard