En ce dimanche six janvier 2013, jamais la République française n’aura connu autant de rois et de reines. Comme tous les ans, les vitrines des boulangers se garnissent de galettes et de couronnes en carton. Ces couronnes sont d’ailleurs plus ou moins fantaisistes. Certaines – encore la majorité pour l’instant – ressemblent à de vraies couronnes, mais d’autres font carrément référence aux mythologies les plus frelatées, de Mickey à Titeuf. On a les royaumes que l’on mérite.
Elles remontent pourtant bien loin, ces couronnes éphémères puisque, dès le XIIIe siècle, Adam de la Halle parle d’une couronne de paille (un « capel de festus ») dans son Jeu de Robin et Marion. De papier ou de foin, la couronne nous renvoie à l’universel jour des fous, au temps de carnaval qu’ouvre l’Epiphanie, le temps du renversement des choses et des conditions.
Le serviteur est roi et le roi serviteur, tandis que dans les églises, l’âne est accueilli en procession. Aujourd’hui, les hommes défilent pour se marier entre eux et avoir des enfants…
Comme toutes les manifestations parodiques, cette couronne est grotesque, mais aussi fatale. C’est une couronne d’osier que l’on retrouve sur la tête de la Jeanne d’Arc de Carl Dreyer, et c’est d’une couronne de papier que Marguerite d’Anjou coiffe Richard d’York, tombé à sa merci, dans la troisième partie du Henry VI de Shakespeare. Il faut, avant de l’occire, lui apprendre ce qu’il en coûte de convoiter le trône des Lancastre. La dérision se termine souvent fort mal.
Dans cet ordre, il faudrait aussi évoquer la couronne d’épines, la plus glorieuse et la plus terrible puisqu’elle symbolise à la fois la dérision et la plus grande royauté.
Est-ce d’ailleurs un hasard si la couronne est surtout l’apanage des royaumes chrétiens ? Les anciens empereurs de Chine, tout comme le Tenno japonais, se sont toujours passés de cette coiffure métallique, à vrai dire fort inconfortable. En d’autres contrées, on se contente d’un diadème ou d’une coiffe raisonnablement somptueuse. Pour trouver la première véritable couronne, il faut chercher du côté des pharaons avec le « pschent », cette coiffe qui combine la mitre blanche de haute Egypte et la « couronne » plate de basse Egypte.
Ensuite, viendront Alexandre le Grand, puis les généraux triomphants de la République romaine, qui arboreront la couronne de laurier. Ce sera d’abord
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- Publié dans le numéro : 2596
- Auteur : Jean-Michel Diard
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