Au cours de ma carrière professionnelle, comme tout le monde, j’ai parfois été en conflit avec l’un ou l’autre des mes employeurs. Après tout, c’est bien normal dans la mesure ou employé et employeur ne partagent pas toujours le même intérêt. La plupart de ces petits conflits, traités entre adultes de bonne foi, se sont néanmoins terminés par le choc… de deux verres à l’heure de l’apéro. Avec l’un d’eux cependant, un véritable gangster, éditeur-négrier de son état, j’en suis venu aux mots et même, je dois le confesser, à l’insulte. L’idée de le décapiter puis de faire exploser son échoppe ne m’a pourtant jamais effleuré l’esprit.
C’est quasiment dans une optique de dialogue social raté que Yassin Salhi a expliqué son geste. En substance : « Mon patron m’avait grondé, j’ai voulu discuter avec lui mais le dialogue est parti en eau de boudin et je lui ai finalement coupé la tête. » Sans compter que sa bonne femme le faisait suer et menaçait de divorcer (c’est halal, le divorce ?). Les drapeaux islamistes encadrant la tête coupée ? Le cri d’Allahou Akbar ? Le « selfie » envoyé comme preuve en Syrie ? C’était pour déconner. Après les « déséquilibrés », voici l’heure des folkloristes, des amoureux de la mise en scène, en attendant celle du « happening » et de l’art pour l’art. Il n’en reste pas moins, ainsi que « Minute » l’avait prévu, que l’on décapite désormais sur le vieux sol de France.
« Le meilleur rempart contre le terrorisme, ce sont les musulmans de France » s’est empressé de déclarer le ministre de l’Intérieur, tandis que le président de la République, dans un combat d’ores et déjà d’arrière-garde, mettait en garde contre « les suspicions intolérables ». S’il est probable que les musulmans de France ont été en majorité choqués par cette décapitation, il est pourtant deux faits que les déclarations padamalgamiques de nos dirigeants ne réussiront pas à masquer longtemps : de nombreux musulmans l’approuvent d’ores et déjà et ces derniers seront nécessairement de plus en plus nombreux à le faire dans les mois à venir. La logique ouverte par ces attentats, avec lesquels il faudra composer « des années » selon les mots de Manuel Valls, est une logique de radicalisation, celle précisément voulue par les terroristes qui gagneront sur ce point.
Partant du principe que cette guerre est pensée par l’ennemi, il faut se poser la question du refus de la revendication par Yassin Salhi. Certes, l’attentat était techniquement raté (il s’agissait de faire sauter l’usine et de tuer une quarantaine de personnes comme en Tunisie). Mais plus encore, il fallait faire passer le message suivant : tout musulman sur le sol de France, surtout s’il est « normal » et sans histoires, est susceptible de passer à l’acte et de tuer son voisin, son patron, un employé de mairie, un inconnu dans le métro, etc. Si l’on réfléchit bien, cette terreur est bien plus efficace que celle qui consiste en des commandos ciblés s’attaquant à des symboles de l’Etat ou à des « ennemis de l’islam ». Elle rend en effet la suspicion non seulement tolérable mais légitime et ce sera bientôt aux musulmans qui ne veulent pas être suspectés de connivence terroriste à inventer leur manière d’y échapper (se convertir ? partir ?). Les autres seront en effet suspects et cette suspicion les radicalisera et les poussera à soutenir ceux qui vengent leur humiliation quotidienne.
Dans un rapport officiel sur « les jeunes tentés par le djihad », remis au premier ministre la semaine dernière, le député Malek Boutih évoque d’ores et déjà « une lame de fond ». Malheureusement, au constat lucide, il oppose des solutions dérisoires : enseigner le « véritable islam » à l’école républicaine (sic) et « financer des projets pour les jeunes ». De quoi faire trembler Daech. On nous dit : il ne faut pas tomber dans le piège des terroristes. C’est une plaisanterie. Il ne s’agit pas d’un piège mais d’une guerre que l’on nous a déclarée (quelles que soient par ailleurs nos responsabilités en tant qu’Occidentaux) et à laquelle on ne peut par conséquent se soustraire. Imagine-t-on un résistant de 1940 refusant de « tomber dans le piège » tendu par l’Allemagne ?
Quand le Japon a bombardé Pearl Harbor, tous les Japonais vivant aux Etats-Unis ont été internés dans des camps par crainte d’une cinquième colonne.
Quand un peuple est attaqué, il se défend, c’est une loi de l’Histoire. Le nôtre se défendra bientôt et personne ne pourra le lui reprocher.
Au lendemain de l’attentat de Sousse, des rescapés en maillot de bain ont déposé des fleurs et des messages sur les lieux de la tuerie. Sur l’un d’eux était écrit « Why ? », ce qui en l’occurrence est la question la plus idiote qui soit. Beau symbole d’un Occident qui se croyait sorti de l’Histoire et pensait pouvoir bronzer tranquillement avant d’attaquer la paëlla et de finir en boîte de nuit. La question aujourd’hui n’est pas « pourquoi ? » (laissons cela aux historiens) mais « comment ? ». Quelle politique ? Quelle tactique ? Quelle stratégie ?
Informations supplémentaires
- Publié dans le numéro : 2727
- Auteur : JULIEN JAUFFRET
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