Entendre les socialistes évoquer « le patriotisme » pour fustiger la fuite à Varennes de Bernard Arnault relève évidemment du surréalisme, eux qui ne cessent à longueur de temps de conchier ce même patriotisme et ne sont pas loin de trouver suspect d’aimer son pays. Du reste, quand l’un des leurs met son magot à gauche, c’est le silence radio. Il n’empêche que, dans cette polémique, la droite parlementaire a globalement encore fait preuve d’un rapport très élastique à la morale (mais la morale, c’est un truc de pétainiste, comme l’a rappelé Luc Chatel).
Le capitalisme à la française a une particularité, c’est que la plupart des fortunes privées se sont créées sur de l’argent public. Celle de Bernard Arnault n’échappe pas à la règle. En 1984, cet héritier d’une entreprise familiale du bâtiment réussit à convaincre le premier ministre Laurent Fabius qu’il est le candidat idoine pour racheter Boussac, le géant de l’industrie textile du Nord. En deux ans, le gouvernement Mauroy avait injecté un milliard de francs de subventions dans le groupe ! Objectif : sauver les 21 000 emplois. L’Etat était donc propriétaire de fait. Pour emporter le morceau, Arnault s’engage par écrit à garantir la « pérennité de l’entreprise et l’essentiel des emplois ». Fabius accepte. L’Etat abandonne sa créance d’un milliard de francs, le subventionne à hauteur de la moitié, et roulez jeunesse. Dans Argent public, fortunes privées, Histoire secrète du favoritisme d’Etat (éd. Denoël, 2 003), le journaliste Olivier Toscer s’est penché sur la situation : « Comment devenir milliardaire en assurant la “pérennité” d’un groupe industriel sous perfusion continue d’argent public ? En le dépeçant minutieusement. Tout simplement ». Arnault s’empresse en effet de démanteler l’empire Boussac pour ne garder que les deux perles : le Bon Marché et surtout la maison de couture Christian Dior, à partir de laquelle il bâtit le groupe LVMH. La commission européenne lui demandera bien (treize ans plus tard !) de rembourser une partie des aides publiques dont il avait bénéficié, mais à ce moment-là, le roi du luxe est déjà multimilliardaire. Merci Fabius, merci l’Etat. Ce même Etat que l’on cherche à fuir quand il vous réclame une contribution exceptionnelle pour crise exceptionnelle ! En temps de guerre, Arnault serait fusillé.
C’est que les riches se portent plutôt bien, malgré la crise (grâce à la crise ?). Insolemment bien, serait-on même tenté de dire. Après Los Angeles, voici qu’un deuxième palace pour chiens va ouvrir ses portes aux Etats-Unis, à Manhattan, New York : le D-Pet Hôtel. « Le Figaro » se pâme. « Nos amis canins disposeront bientôt de leur propre palace », se réjouissait une mégère dégoulinante dans le supplément économique du 21 août. Pensez, le service est « fâaaabuleux ». Les chiens disposent d’une chambre sublime (à laquelle les trois-quarts de l’humanité n’auront jamais accès) : lit double, table et lampe de chevet, « oreiller moelleux en forme d’os », tableaux au mur, télévision à écran plat et lecteur de DVD… Leurs maîtres (que l’hôtel appelle les « parents ») peuvent ainsi leur faire visionner des photos d’eux et de leur environnement habituel pour qu’ils n’aient pas trop le cafard…
Informations supplémentaires
- Publié dans le numéro : 2581
- Auteur : Julien Jauffret
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