2- Le prince Orllie-Antoine de Tounens est nommé roi
En octobre 1860, Antoine de Tounens, incorporé à une caravane de commerçants, franchit le fleuve Bio-Bio. L’homme est grand, près de deux mètres, âgé de 35 ans. Ses cheveux noirs, épais et longs tombent sur ses épaules et rejoignent sa barbe de prophète. Il est vêtu d’une redingote cintrée à la française sur laquelle est jeté un poncho mapuche ; il porte un sabre de cavalerie à la ceinture. De l’autre côté de la frontera l’attend Quilapan, le chef des tribus Moluches établies sur le flanc oriental de la cordillère des Andes. Lui déteste les Chiliens et veut l’unification des guerriers à tout prix. C’est le fils du toqui Manil que Tounens a rencontré quelques mois auparavant à Valparaiso et qui vient de mourir. Manil a combattu l’armée chilienne pendant vingt ans. Sur son lit de mort, il a fait jurer à son fils de ne jamais se soumettre.
Accompagné de Quilapan, Antoine de Tounens traverse le pays en direction du Sud et rencontre de nombreux caciques. Un mois à peine après avoir pénétré en Araucanie, face à l’accueil enthousiaste des chefs indiens qui ont compris quel symbole épatant ce roi donnait à leur lutte, Antoine de Tounens prend son tout premier décret : « Nous, prince Orllie-Antoine de Tounens, considérant que l’Araucanie ne dépend d’aucun autre Etat, qu’elle est divisée par tribus et qu’un gouvernement central est réclamé par l’intérêt particulier aussi bien que par l’intérêt général ; décrétons ce qui suit : art. 1. Une monarchie constitutionnelle et héréditaire est fondée en Araucanie ; le prince Orllie-Antoine de Tounens est nommé roi. Art. 2. Dans le cas où le roi n’aurait pas de descendants, ses héritiers seront pris dans les autres lignes de sa famille, suivant l’ordre qui sera établi ultérieurement par une ordonnance royale. Art. 3. Jusqu’à ce que les grands Corps de l’Etat soient constitués, les ordonnances royales auront force de loi […] Fait en Araucanie, le 17 novembre 1860. Signé : Orllie-Antoine 1er. »
Le même jour, il décrète la constitution de la monarchie constitutionnelle en neuf titres et envoie copie de ces deux actes au « Mercure » de Valparaiso, au « Ferro-Carril » et à la « Revue catholique » de Santiago qui publient intégralement le premier ainsi que des extraits du second. La monarchie est créée. Respectueux des usages, Orllie-Antoine 1er (on ignore pourquoi il se faisait appeler Orllie plutôt qu’Orélie) avertit ensuite son Excellence le président de la République du Chili par courrier de son « avènement au trône que nous venons de fonder en Araucanie ». On imagine la tête de « son Excellence » en lisant le courrier…