A force de considérer la foi uniquement comme une évidence intérieure, qui, comme telle, serait par définition incommunicable, on la soustrait au monde réel. François Huguenin s’est-il avisé de cette déperdition de ferveur, provenant avant tout d’une intériorisation excessive et d’une sorte d’exténuation spiritualiste de la foi ? Dans une très belle anthologie du christianisme, il propose, au fil des textes, l’image renouvelée d’une Eglise qui établit un « nouveau rapport au monde », en présentant le christianisme non seulement comme une ressource de sens (ainsi que le concile Vatican II avait essayé de le faire sans succès probant), mais aussi comme une source essentielle de notre identité et en quelque sorte « l’antidote de la mondialisation ». Exemple ? Prenons-le extrême. Pour François Huguenin, même un Robespierre ne se comprend que comme chrétien : un chrétien dévoyé, farouchement antichrétien, mais chrétien dans son antichristianisme même (p. 470)…
Juste un regret : le goût de trop peu de ces quelque 800 pages ! Il aurait été intéressant de consacrer un livre à la doctrine chrétienne fondamentale et un autre aux rapports entre Eglise et modernité. Celui-ci fait les deux en un. Tout en un ? Pour beaucoup, cela peut constituer un argument de plus.
Joël Prieur
François Huguenin, Les voix de la foi, vingt siècles de catholicisme par les textes, éd. Perrin, 828 p., 29 euros.