Nous sommes en guerre : tel est le constat que l’avocat Thibault de Montbrial, président du Cercle de réflexion sur la sécurité intérieure, établit – après Aymeric Chauprade – dans son livre Le Sursaut ou le Chaos. Ces trois cents pages montrent comment nous avons changé de siècle et pourquoi les vieux discours sont simplement périmés. Un livre essentiel, à emporter dans vos bagages.
«L’histoire est redevenue tragique et nous l’avons oublié. » Dans Le Sursaut ou le Chaos, Thibault de Montbrial établit comment nous sommes en guerre, ce que plus personne ne peut nier. Cette guerre a pour moyen privilégié le terrorisme. Elle n’est pas menée par des soldats en uniformes mais par des civils, dont souvent l’aspect extérieur est le même que celui de l’ensemble des citoyens ; cette guerre est mondiale, elle n’a pas de motifs politiques mais des motifs religieux. Son but : imposer une loi médiévale qui discrimine les femmes, rend obligatoire toute sorte d’interdits alimentaires et établit une nouvelle échelle de valeur avec en haut les citoyens qui pratiquent cette loi, et en bas ceux qui refusent de la pratiquer.
L’ennemi est désigné, c’est nous !
On n’a pas le droit de le dire ? Ce scénario est excessif parce que nous, les « civilisés », nous n’en voudrons jamais ? Attention au complexe de supériorité que recouvre un tel déni. Montbrial cite le sociologue français Julien Freund : « Comme tous les pacifistes, vous pensez que c’est vous qui désignez l’ennemi. Or c’est l’ennemi qui vous désigne. Et s’il veut que vous soyez son ennemi, vous pouvez lui faire les plus belles protestations d’amitié. Du moment qu’il veut que vous soyez l’ennemi, vous l’êtes. Et il vous empêchera de cultiver votre jardin. »
L’attentat du 26 juin, qui a donné lieu à la première décapitation « artisanale » sur le territoire national depuis la Révolution française, montre bien que la guerre terroriste s’est installée en France comme dans les pays du Proche-Orient, et qu’il n’y a pas de raisons pour qu’il n’y ait pas d’autres scènes d’horreur de ce calibre sur notre sol.
Il faut lire Le Sursaut ou le Chaos : ce n’est pas une analyse parmi d’autres, qui défendrait telle conclusion plutôt que telle autre, avec le risque de se tromper ou d’apparaître comme partisan. C’est juste une suite de constats. Des faits, rien que des faits, parfois assortis de circonstances aggravantes. Ainsi, à plusieurs reprises, autour de Noël 2014, des voitures s’enfoncent à toute allure dans une foule agglutinée pour un Marché de Noël. Circonstance aggravante : « L’acte consistant à précipiter sa voiture volontairement dans une foule n’était jamais survenu dans l’histoire de notre pays. »
Voilà donc un signe parmi d’autres de ce que Madame Taubira appelle le changement de civilisation, mais Thibault de Montbrial ne parle pas de civilisation. Il se contente de noter que l’événement est absolument nouveau.
Un conflit aux dimensions du monde
Il n’est pas question de s’enfermer dans une problématique franco-française. La description que nous offre Montbrial est absolument mondiale (avec un manque : les pays du Proche-Orient), et chaque membre de la coalition engagée contre le djihadisme a droit au récapitulatif des attaques terroristes ayant eu lieu sur son sol, la France bien sûr, mais aussi l’Allemagne, le Royaume-Uni, le Danemark, l’Australie ou le Canada. Rien d’autre que des faits clairement établis et référencés.
On ne peut pas s’empêcher de penser que la guerre est mondiale, que la France est le pays occidental qui a fourni le plus fort contingent de djihadistes (1 562 personnes sont répertoriées), que nos armées mènent cette guerre en Afrique, que l’idéologie au nom de laquelle, partout, elle est menée, est un islamisme asséné à grands renforts de versets coraniques ou de références aux hadiths du prophète et que la raison pour laquelle les combattants d’Allah, moudjahidines et autres djihadistes trouvent des soutiens un peu partout dans le monde, est justement cette religion dont ils se prévalent et aussi la faiblesse des Européens égarés de manière anachronique dans la repentance à tout prix et dans le mythe du progrès.
Le livre que tout le monde devrait avoir lu
Ce livre s’avère un livre de salut public, un livre que tout le monde devrait avoir lu. Thibault de Montbrial ne se contente pas d’un état des lieux. Il n’est pas, comme tant d’autres, dans la déploration impuissante. Dans la dernière partie du livre, il montre ce qu’il faudrait faire pour sortir de l’ornière, parce qu’il n’est pas trop tard. La fermeté est de mise pour empêcher les communautarismes de prospérer.
« Le cercle vicieux du communautarisme ne pourra être brisé qu’en luttant sans faiblesse contre les signes ostentatoires qui en sont les marques. Les plus visibles en sont aujourd’hui le port du voile et certaines pratiques de prière et de ramadan. »
Il ne faut pas se tromper : le véritable enjeu de cette lutte, c’est la loi islamique s’imposant petit à petit sur le territoire national comme elle le fait déjà au Royaume-Uni.
La première manière de lutter, même si les canons de notre libéralisme sociétal traditionnel peuvent apparaître comme écornés, c’est d’interdire cette loi. Pour paraphraser la formule du comte Stanislas de Clermont-Tonnerre à propos des juifs de France à la fin du XVIIIe siècle : tout aux musulmans en tant que citoyens et rien en tant que peuple.
Le problème apparaît lorsque l’on risque de donner litière d’une manière ou d’une autre, au nom de la liberté de pensée, à un enrégimentement religieux symbolisé par la charia dans tous ses états.
En France, c’est le principe du sursaut qui doit prévaloir : il faut avoir le courage de dire qu’il n’y a pas d’autre loi que la loi française, comme le démontre Montbrial. Je ne dis pas seulement une loi abstraite qui s’appellerait la loi républicaine, mais la loi concrète, celle qui a fait les us et coutumes du peuple de France. Et sa prospérité.
Joël Prieur
Thibault de Montbrial, Le Sursaut ou le Chaos, éd. Plon, 316 pp., 14,90 euros.