Le 11 novembre 1918 fut un jour de liesse – et de soulagement – pour les Français. La guerre était finie, la France l’avait gagnée et l’Alsace-Moselle allait nous revenir. Certes. Mais au regard de l’Histoire, le 11 novembre 1918 fut aussi un jour de deuil pour l’Europe.
A cent ans de distance, les « hommes de 14 » nous sont presque aussi étrangers que les Grecs de Périclès. Moins qu’un siècle, ce sont plusieurs mondes qui nous en séparent, tous nés de cette catastrophe absolue. Pourtant, de guerres terribles, l’Europe n’a jamais été avare. Celle de Trente Ans aura vidé l’Allemagne d’un tiers de sa population entre 1618 et 1648, à l’unanime satisfaction de ses voisins français, danois ou suédois. Mais, une fois la paix signée, la vie reprenait, vigoureuse, comme fouettée par la saignée. Il ne semblait y avoir nulle limite à la puissance de l’essor européen. Ogre à la bonne conscience, dévorant le monde, peuplant ses cabinets de curiosité, ses zoos et ses entreponts de peuples, d’animaux et de forêts. L’Europe ne rêvait que d‘elle, ne vivait que pour elle. Elle était sa propre mesure.
Et puis vint 1 914. Une guerre mondiale en ce qu’on se battit partout, mais une guerre européenne, profondément européenne, car ce furent dix millions d’Européens qui fondirent au grand laminoir sous le regard ébahi