Trois livres importants viennent de paraître sur Jeanne d’Arc, comblant une vraie carence bibliographique. Jusqu’à présent, celui qui voulait découvrir Jeanne d’Arc avait le choix entre l’ouvrage de Régine Pernoud et Marie-Véronique Clin, publié en livre de poche, et l’ouvrage de Colette Beaune, publié chez Perrin. Au premier de ces ouvrages, on doit concéder une extrême connaissance des différents dossiers, qui n’est pas contradictoire avec un engagement farouche en faveur de Jeanne… Au second, on peut reconnaître la volonté de reprendre l’ensemble de la question à nouveaux frais. Hélas une approche extrêmement thématique empêche de saisir le fil biographique et la logique interne de la geste johannique. Exemple : une demie page sur la capture de Jeanne à Compiègne… C’est faible.
Le livre de Gerd Krumeich essaie de présenter une vraie biographie, dans laquelle les événements s’enchaînent. L’historien allemand a procédé avec une grande rigueur et une véritable économie de moyens, mais sans forcément résister à la tentation de jouer une sorte d’arbitre des élégances, sans forcément en avoir tous les moyens. « Jeanne aurait dû… Jeanne aurait pu… » C’est agaçant comme un journaliste de « Libé » faisant la leçon au RAID.
Beaucoup plus objective, tentant d’être vraiment exhaustive, ne négligeant aucun détail factuel est la nouvelle encyclopédie Jeanne d’Arc dirigée par ce spécialiste de l’histoire militaire et de la Guerre de cent ans qu’est Philippe Contamine. Un petit trésor, avec en première partie une histoire de Jeanne de 1 412 à… 2012, à la fois histoire et historiographie donc, c’est-à-dire histoire de l’histoire. Un dictionnaire vient ajouter les précisions de l’ordre alphabétique à l’ordre chronologique. Tout cela est ultraclassique ! A la fin, néanmoins, l’historien est obligé de rendre les armes : « Le problème des voix, quoique central demeure aujourd’hui insoluble. Le mystère subsiste ici, à la fois dérangeant et fascinant ». C’est bien ce mystère qui fait le caractère unique de Jeanne d’Arc dans l’histoire universelle !
Il faut enfin mentionner l’ouvrage d’Alain Bournazel. Moins timoré que l’historien de métier, ce haut-fonctionnaire est aujourd’hui l’un des meilleurs connaisseurs de Jeanne d’Arc. Faisant la part belle aux acteurs du procès, il démontre que le jugement de Jeanne, qui, par la volonté expresse de Pierre Cauchon son juge, apparaît comme un monument éditorial, est surtout un procès truqué ; des hommes d’Eglise, engagés politiquement pour la France anglaise, ont essayé de le couvrir de leur autorité spirituelle. Livre à lire impérativement si l’on veut avoir les idées claires !
Joël Prieur
Alain Bournazel, Jeanne d’Arc, la vérité sur un faux procès, éd. Artena, 256 p., 29,90 euros
Philippe Contamine, Olivier Bouzy et Xavier Hélary, Jeanne d’Arc, Histoire et dictionnaire, éd. Robert Laffont, collection Bouquins, 1 214 p., 37 euros
Gerd Krumeich, Jeanne d’Arc en vérité, éd. Tallandier, 256 p., 22,90 euros