Edmond Michelet, ancien ministre de la Justice, puis de la Culture sous De Gaulle, passe souvent pour l’exemple même du chrétien engagé en politique. On parle même de le béatifier. Bernard Zeller – le fils du général qui fit partie du quarteron dénoncé par De Gaulle – nous propose « un autre visage d’Edmond Michelet », qui fut littéralement sous l’emprise de De Gaulle, au point de pratiquer sans état d’âme le machiavélisme gaullien le plus ordinaire, à une époque douloureuse, celle qui vit l’indépendance ratée de l’Algérie. Ce livre est présenté ici par Michel Déon, de l’Académie française, auteur d’une superbe préface au travail de Bernard Zeller. Nous remercions l’éditeur, Via Romana, de nous avoir autorisés à porter ce beau texte à la connaissance des lecteurs de « Minute ». Nous laissons donc la parole ici à l’auteur des Poneys sauvages.
Voici un livre qui n’est ni un réquisitoire ni une plaidoirie, un livre qui éclaire d’une lumière singulière la crise morale qui fut fatale à l’union de la France et de l’Algérie. Hors des tentations de la polémique, Bernard Zeller montre les cyniques moyens avec lesquels un pouvoir s’acharne à transformer une victoire militaire en défaite politique et civile. De terribles conséquences en découleront, un quart de siècle plus tard, menaçant le fragile équilibre des nations du Bassin méditerranéen.
Des hommes n’ont pas vu venir la vague. Parmi eux, Edmond Michelet a joué un rôle dont les ambiguïtés restent à peine croyables de la part d’un chrétien hautement affirmé, ancien déporté à Dachau, qui ne dut peut-être sauver sa vie que grâce à sa foi et son courage.
La perte de l’Algérie demeure un des épisodes les plus douloureux de l’histoire de notre pays. Ce ne fut pas – et loin de là – une défaite sur le territoire, mais une défaite en métropole et dans les esprits fourvoyés par un formidable lavage de cerveau, autant que par une totale ignorance. La France ne s’est pas encore guérie du déni de ses traditions, de son rôle et de sa mission dans le pourtour méditerranéen. Edmond Michelet joua un rôle, certes secondaire et fort éloigné du théâtre des opérations, mais ses prises de positions troublèrent des esprits dangereusement friables. La guerre ne fut pas perdue en Algérie, mais en métropole, par une conspiration internationale, blâmant la France et lui imputant tous les péchés de la terre. Des politiciens comme Michelet ont laissé imputer à notre nation tous les péchés des pays autoritaires, alors qu’elle menait une action pacificatrice, avec, en 1958, un éclatant succès : qui n’a pas cru, un instant au moins, à des professions de foi, des mots célèbres : « Je vous ai compris », « De Dunkerque à Tamanrasset… » ?
Fallait-il pour cela réclamer une justice expéditive et joindre sa voix aux pétroleurs et pétroleuses, abandonner ses alliés de la veille pour remporter par un éclatant mensonge, une victoire à la Pyrrhus ? « On a triché avec l’honneur », s’écrie à son procès l’étudiant Lagaillarde, premier insurgé d’Alger. Edmond Michelet n’est pas le seul, mais de par sa notoriété et ses services, il est un des plus condamnables. La fin de