Je voulais vous signaler la réédition en livre de poche du Napoléon de Jacques Bainville. Sans doute le meilleur livre du célèbre historien et analyste d’Action française. Comment un royaliste conservateur voyait-il ce dictateur corse, issu de la Révolution française ? Cette biographie lui avait été commandée, quelques années avant sa mort trop précoce, par son ami, l’éditeur Arthème Fayard. Elle a les mêmes qualités de fluidité et d’allant que la biographie de Louis II de Bavière qu’il écrivit à 20 ans (et qui est également disponible en collection Texto). Pourquoi donc s’attarder sur des hommes aussi différents que peuvent l’être le psychotique Louis II et le génie Napoléon ? L’opinion finale de Bainville sur Napoléon est bien connue : « Sauf pour la gloire, sauf pour l’art, il eût probablement mieux valu qu’il n’eut pas existé ». Mais on connaît moins l’étonnant lyrisme de la suite : « L’aventurier fabuleux, l’empereur au masque romain, le dieu des batailles, l’homme qui enseigne aux hommes que tout peut arriver et que les possibilités sont infinies, le démiurge politique et guerrier, reste unique en son genre ». Un tel lyrisme est rare sous la plume du minutieux biographe, qui se targue d’être avant tout un observateur, et surtout, voilà peut-être la clé de son intérêt pour la biographie, « un psychologue ». Christophe Parry, le préfacier, cite Bainville sur Sainte-Beuve, l’auteur de Port-Royal : « Quel dommage que Sainte-Beuve n’ait pas écrit notre histoire nationale (…) Nul n’a mieux montré que l’histoire, c’était de la psychologie ». Quand on s’attaque à Napoléon, il est important de souligner que, dans l’épopée du héros, tout commence par de la psychologie et tout finit – à Sainte-Hélène – dans une longue auto-analyse. L’Empereur en devient plus grand et plus accessible en même temps.
J. P.
Jacques Bainville, Napoléon, coll. Texto, éd. Tallandier, 524 p., 12 euros.