Depuis le grand travail de Bartolomé Bennassar sur la Guerre d’Espagne et sur le Caudillo, après la belle biographie vulgarisatrice de Franco signée Michel Del Castillo, on doit reconnaître que le moment semble venu de sortir des schémas nécessairement binaires et des reconstitutions en noir et blanc de cet épisode sanglant de la guerre civile qui a déchiré l’Espagne entre 1936 et 1938.
Sylvain Roussillon propose ici une synthèse très bien documentée de tout ce que l’on sait sur les « Brigades internationales du franquisme », ces combattants irlandais, français, marocains (juifs et aussi musulmans), mais aussi bien sûr allemands et italiens, qui se sont enrôlés sous la bannière de Franco, soit suite à une aide officiellement accordée par Hitler et par Mussolini, soit dans un engagement volontaire d’une fantastique générosité, qui indique bien néanmoins (comme l’engagement symétrique au côté des Républicains) l’incandescence des passions politiques en Europe. L’Espagne va servir de champ clos pour un premier affrontement. Mais ce serait une erreur d’opposer d’un côté des nazis totalitaires et de l’autre des socialistes humanistes.
Les patientes investigations de Sylvain Roussillon, parfaitement présentées dans un ouvrage qui se lit comme le roman des droites sur le front, nous permettent de saisir l’extraordinaire diversité de ces combattants qui risquent leur vie dans un combat qui n’est pas le leur. La guerre d’Espagne est-elle un simple épisode de la « guerre civile européenne » diagnostiquée par Ernst Nolte ? Pour certains combattants, sans doute. Roussillon évoque par exemple l’extraordinaire combat subversif mené par la Cagoule française, au nom de l’antibolchevisme, au sein même des troupes républicaines. Mais parmi ces engagés, d’autres sont des soldats perdus, comme on en trouve dans toutes les guerres… Et rares sont ceux dont on pourrait dire qu’ils sont idéologiquement fascistes.
Joël Prieur
Sylvain Roussillon, Les Brigades internationales de Franco, éd. Via romana,
364 pp., 29 euros.