Jaurès n’est pas seulement un martyr dont on se demanderait « pourquoi ils l’ont tué ». C’est aussi un penseur et un merveilleux « metteur en mots ». Bernard Antony vient de lui consacrer un livre important. A la rencontre de la gauche perdue.
Il n’existe malheureusement pas d’histoires globales de la gauche comme il y a plusieurs synthèses sur les droites en France. C’est sans doute s’avisant de cette carence que Bernard Antony a essayé d’approcher le cœur idéologique de la gauche à travers le personnage de Jean Jaurès. Symbole de l’engagement intellectuel à gauche, Jaurès a beaucoup écrit ; la postérité l’adule. Pour Bernard Antony, il y avait là matière à un défi. Issu d’une famille de Blancs du Midi, ce jeune normalien, qui aurait pu figurer dans Les Déracinés de Barrès, se retrouve socialiste avec enthousiasme. Brillant élève, il aurait pu aspirer au professorat mais décide de s’engager en politique pour faire triompher ses convictions. Ce sera l’homme de l’unité dans la mouvance socialiste. Son journal « L’Humanité » accueillait toutes les tendances du socialisme en lien avec la Deuxième Internationale. Il ne voulait pas de la guerre. Sa mort tragique – il est assassiné à la veille du conflit mondial par un déséquilibré qui se prétend « nationaliste » – garde jusqu’aujourd’hui sa mémoire sans tache. Il est « le saint » de la cause.
La Révolution française comme matrice
Mais quelle est cette cause se demande en substance Bernard Antony. Le président de Chrétienté Solidarité et de l’Institut du Pays réel aime aller à la rencontre de ses adversaires. Il le fait avec cette chaleur et cette pointe d’accent qui le rendent irrésistible. Il le fait – c’est irremplaçable – en mobilisant toute sa culture, qui n’est pas étroite. Il le fait surtout en connaissance de cause, après avoir étudié attentivement ceux qu’il entend combattre. C’est ainsi qu’il a consacré des ouvrages fondamentaux à la franc-maçonnerie, à l’islam, où sa vaste culture et sa force de conviction se marient harmonieusement pour nous donner un état de la question, qui, le plus souvent, n’existe pas avant lui.
Son ouvrage sur Jaurès représente, on le devine, une prodigieuse somme de travail. Chaque jugement est argumenté et étayé par force citations. L’homme est jaugé. L’œuvre est analysée. Que reste-t-il du personnage ? Quel rapport y a-t-il du mythe à la réalité ?
« Si vous n’avez pas la vérité absolue, qu’est-ce que vous faites au pouvoir ? », lance-t-il un jour à Clemenceau. Cette apostrophe dit tout.
Jaurès était convaincu de lutter au nom