Alain de Benoist, figure emblématique de ce qu’il est convenu d’appeler la Nouvelle droite, se met à table. Il le fait avec l’élégance qui est la sienne ; dans Mémoire vive, son dernier livre, il nous dit tout, et un peu plus encore, sur les origines du mouvement de pensée qu’il anime. Sans jamais se trahir.
Mémoire vive, au milieu d’une production de circonstance où un livre chasse l’autre à la devanture des libraires, est une pierre milliaire, un ouvrage qui restera : à la fois bilan sans complaisance d’un chemin de pensée et confession personnelle, où la pudeur et la vérité se disputent comme deux sœurs jumelles.
Il y a deux livres en un dans Mémoire vive, je dirais même qu’il y a deux principes d’écriture opposés. D’un côté, Alain de Benoist pourrait dire comme Montaigne autrefois : « Je suis moi-même la matière de mon livre ». De l’autre, il ouvre cet ouvrage à tous ceux qu’il a lus, à tous les auteurs qu’il a fréquentés, que ce soit de visu ou bien à l’ombre de leurs écrits. Mais d’abord, il distille les confidences, non pas pour s’étaler complaisamment au regard du lecteur, mais pour tenter de répondre à cette question, presque sacrilège au moment où il l’a posée, je veux dire dans les années soixante-dix : comment peut-on être de droite ? Avec la plume classique et les traits de feu qu’on a déjà remarqués sous sa plume, Alain de Benoist s’emploie à répondre par petites touches à cette question informulée. Il entend bien montrer que le propre d’un intellectuel de droite c’est qu’il est capable d’être aussi de gauche, alors que l’inverse n’est pas souvent vrai. Certains ont cru pouvoir se réclamer d’un « ni droite ni gauche ». Alain de Benoist aimerait dire « et droite, et gauche », parce que décidément, rien de ce qui est humain ne doit lui rester étranger. Dans une approche résolument bienveillante des pensées et des penseurs, il entend faire son miel de tout, avec une double détestation initiale et non-négociable : le libéralisme, qu’il tient finalement