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Où Mélenchon cotise pour sa retraite de révolutionnaire

• Où Mélenchon cotise pour sa retraite de révolutionnaire

Ce type est dangereux : Hollande veut piquer leur boulot à tous les Français, du petit Sarko aux journalistes de « Minute ». Lundi encore, sidéré, je l’entendais déclarer sur France Info : « Je me mets dans la position de diriger la France demain, pas de faire un charivari. » J’espère bien, mon colon ! Chacun son métier et les socialos seront bien gardés. A mieux y re­garder, pourtant, c’est au camarade Mélenchon que s’adressait la sortie de Flanby le magnifique. La montée dans les sondages du candidat d’extrême gauche, couronnée par le succès de la manifestation organisée ce week-end, finit par inquiéter le champion de la gauche du système : si Mé­lenchon continue à prendre la Bastille, Hollande risque de se retrouver avec nini-peau d’chien d’électeurs. « Moi je veux gagner, je ne suis pas dans un jeu de rôles », rage-t-il. Une façon de dire que Mélenchon, lui, joue un jeu : celui du ré­volutionnaire à foulard rouge qui organise son défilé le jour anniversaire de la Commune de Paris, vilain merle moqueur perché sur l’imagerie d’Epinal du temps des cerises et des nèfles, chère aux bobos encanaillés, aux syndicalistes engagés de la fonction publique et aux journalistes du vieil Obs. Mais l’extrémisme n’est plus ce qu’il était et, même pour se monter la tête, on laisse aujourd’hui les piques au vestiaire. L’insurrection ? Oui, bien sûr, mais « civique ». La révolution ? Oui, mais « citoyenne ». Le di­recteur de campagne « mélenchonniste », François Delapierre, nous rassure : « Les symboles ouvrent nos imaginaires, ce ne sont pas des modèles d’action. “Reprenons la Bastille”, “Prenons le pouvoir”, ce n’est pas : sortons les piques et les fourches. C’est : arrêtons de consentir, sortons de la résignation. » En somme, il ne s’agit que d’une révolution à la Mé­lenchon, une insurrection à train de sénateur. Après avoir vu les images du défilé extrême gauchard et du raout saucisse-merguez de la Basto­che, je me suis offert une gourmandise en réécoutant ce dialogue entre Mé­lenchon et Jean-Michel Aphatie, diffusé sur RTL en 2010 :
Une question personnelle, Jean-Luc Mélenchon ?
– Vous avez été sénateur pendant vingt ans, vous avez liquidé votre retraite ? »
– Non.
– Vous allez le faire ?
– Je le ferai le moment venu.
– Parce que vous avez une retraite très avantageuse...
– Oui, c’est vrai.
– Vous allez en profiter ?
– En effet, je vais en profiter. Je suis assez heureux d’avoir pu avoir ça mais mes pauvres parents n’ont pas eu la même chose, ni mon grand-père qui est mort à la tâche.
Puisque pépé était prolo, j’ai bien le droit d’en mettre à gauche… A propos, les pauvres parents du miséreux Jean-Luc étaient-ils si pauvres que ça ? Bien qu’un journaliste du « Courrier In­ternational » frappé d’un accès de gauchonite hyperbolique fasse de Mélenchon le « fils de Gracchus Babeuf », son véritable père était receveur des PTT, tandis que madame sa mère exerçait l’honorable profession d’institutrice. Ce qui ne faisait certes pas d’eux des richards, mais tout de même d’honnêtes fonctionnaires dont le statut social n’avait que peu de choses à voir avec celui des mineurs de fond… Marianne V peut dormir tranquille, ce n’est pas encore notre révolutionnaire en charentaises qui menacera de lui couper le chou.

• Où Villepin n’est pas miraculé

Il avait dit : « Sauf miracle républicain, je n’aurai pas les signatures » ; et des témoins indignes de foi assurent que pendant les nuits qui ont précédé le dépôt des signatures au Conseil constitutionnel, on pouvait voir aux douze coups d’horloge une longue silhouette, portant loup noir et bonnet phrygien, processionner seul autour du Panthéon en psalmodiant le chapelet républicain, qui se compose com­me chacun sait de la Déclaration des droits et de dix Ave Marianne… Jusqu’à ces derniers jours, Villepin, ayant retenu de son éducation chrétienne qu’il n’y a que la foi qui sauve, était en effet persuadé de pouvoir fai­re des prodiges, comme multiplier les pains à Sarko, rendre la vue aux électeurs aveugles et même se faire élire président. Hélas ! En République laï­que, le miracle n’a pas cours et Villepin n’a pas obtenu les 500 signatures indispensables pour se ranger avec les heureux sélectionnés sur la ligne de départ de la présidentielle. Voulait-il vraiment « y aller » ? Il est permis de se poser la question... Quoi qu’il en soit, la bête noire de Sarkozy a buté sur cet obstacle théoriquement placé sur la route des candidats « fantaisistes » à la présidentielle, alors que Cheminade, lui, l’a passé. L’histoire retiendra donc que le dirigeant du groupusculaire parti Solidarité et Progrès est moins fantaisiste que l’ancien premier mi­nis­tre de Jacques Chirac, ce qui montre le sérieux de notre classe politique. Je ne suggèrerai pas de remplacer nos mi­nistres par les clowns du Cirque d’hiver pour ne pas paraître désobligeant vis-à-vis de ces derniers, qui, eux, ont du talent et savent faire rire les petits enfants. Même affublés d’un nez rouge, d’une perruque verte et de grands souliers, voilà beau temps que Villepin, ses pairs et ses compères ne font plus rire personne. A l’inverse de l’ex-premier ministre, Marine Le Pen, elle, a obtenu ses 500 signatures, ce qui a donné à certains confrères l’occasion de triompher : ils nous l’avaient bien dit, toute cette histoire n’était qu’un coup de bluff, à chaque élection les Le Pen nous font la même blague et sortent finalement les signatures de leur poche au dernier moment… J’ai suggéré à l’un de ces confrères de participer à une expérience amusante : un comparse lui plongerait la tête dans un baquet d’eau jusqu’à suffocation, tandis que j’annoncerais en le regardant se débattre : « Quel simulateur ! Vous verrez qu’il s’en tirera… » ; puis, à l’instant où le comparse le relâcherait au bord de la noyade, je conclurais triomphalement : « Je l’avais bien dit ! » Allez savoir pourquoi, le confrère a refusé de se prêter au jeu. En réalité, la règle des 500 signatures est conçue pour désavantager les candidats qui n’appartiennent pas au sérail politi­que agréé et favoriser au contraire les représentants du bipartisme à la française. Tandis que ces derniers peuvent se concentrer sur leur campagne et leur argumentaire, leurs rivaux s’é­puisent à mendier des signatures au­près des maires et ne parviennent pas à obtenir de crédits bancaires. Après tout, l’égalité est inscrite aux frontons des bâtiments publics : qu’elle y reste !

• Où Hollande est un candidat mythologique

Enfin une bonne nouvelle : visitant le Salon du livre, Hollande a déclaré : « Je suis infatigable, inépuisable. Ceux qui espèrent un relâchement n’ont aucune chance. » A vrai dire, l’information ressemble à un tuyau cre­vé : voilà quelque temps que l’on avait compris, hélas, que Hollande ne s’arrête jamais, et qu’il n’y a en effet aucune chance qu’il fasse une pause. Pour prouver sans doute qu’il a lu autre chose que La Princesse de Clèves, il a cité Camus et s’est assez curieusement comparé à Sisyphe, poussant sans trêve vers le sommet d’une montagne presque aussi haute que la dette française un rocher presque aussi lourd que le déficit public, et roulant au pied de la montagne sitôt parvenu au sommet. La comparaison est doublement judicieuse, parce que le supplice infernal de ce malheureux Si­syphe n’avait pas plus de chance d’a­boutir que le programme de Hollande et que cet individu peu recommanda­ble avait la réputation d’un maître fi­lou. Une différence, cependant : Si­syphe parvint à tromper la mort et l’enferma dans une tour, ce qui diminua la mortalité des mortels ; en fait de trompe-la-mort, Hollande, quant à lui, ouvre la porte à l’euthanasie, ce qui risque d’avoir l’effet inverse.
Reste à lui souhaiter, ayant commencé sa campagne comme Si­syphe, de ne pas la terminer comme Tantale, à tendre désespérément la main vers les fruits du pouvoir qui s’é­loignent lorsqu’il croit les atteindre.

François Couteil


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  • Publié dans le numéro : 2556

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