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Où le fantôme de Joseph de Maistre nous rend visite.

Si l’humanité parvient à passer ce siècle en dépit des catastrophes en tous genres qui la menacent – trous dans la couche d’ozone et finan­ces publiques, conflit nucléaire généra­lisé, collision avec un astéroïde géant, quinquennat socialiste et autres prévisions apocalyptiques annoncées par le calendrier mayas et les éphémé­rides shadoks –, et s’il subsiste en ou­tre un historien pour s’intéresser à ce début du XXIe siècle, il s’étonnera sans doute de la contradiction entre deux dis­cours po­litiquement corrects mais p­ara­do­xa­le­ment tenus par les mêmes person­nes : l’un fait miroiter aux yeux de nos contemporains les délices de la dif­fé­ren­ce et de la diversité ; tandis que l’au­tre tend à gommer toutes les différen­ces pour aboutir à un type uni­que d’individu asexué, sans race, nation, religion ni famille. En réalité, le premier n’est qu’une étape qui prépare le se­cond. J’ai récemment eu l’occasion de m’en entretenir avec le philosophe Jo­seph de Maistre, dont le fantôme, ve­nu visiter notre siècle, demeurait tout étonné de voir à quel point s’est vérifiée sa célèbre affirmation : « Il n’y a point d’homme dans le monde. J’ai vu dans ma vie des Français, des Italiens, des Rus­ses, je sais même, grâce à Montesquieu, qu’on peut être Persan ; mais quant à l’hom­me, je déclare ne l’avoir rencontré de ma vie ; s’il existe c’est bien à mon insu. » L’homme n’existe plus, en effet. En re­vanche, expliquai-je au bon maître en me conformant à l’enseignement officiel, les Français, les Italiens, les Rus­ses, ou même les Persans n’ont jamais existé non plus – sinon dans l’imagination naïve de nos aïeux qui croyaient encore, à une époque où n’existaient ni In­ternet, ni la mondialisation, ni la globalisation, que les Suédois étaient plutôt blancs et blonds et les Hottentots souvent noirs et bruns. Heureusement, nous savons aujourd’hui que les races n’existent pas et que nous som­mes tous absolument semblables ; à l’exception cependant des hommes politiques et des journalistes de télévision, qui sont tenus de compter dans leurs rangs un certain pourcentage de Noirs, difficiles à reconnaître au premier coup d’œil, mais sur lesquels on trouve d’u­tiles informations auprès d’un Conseil représentatif des associations noires de France. Comme on l’enseigne à nos en­fants dans les écoles, l’homme lui-mê­me, repris-je, n’existe plus, en tout cas tel qu’on avait cru le rencontrer pendant quelques siècles, nanti d’attributs malséants dont un ultime spécimen, as­sez primitif il est vrai, fit récemment un déplorable usage dans un hôtel d’ou­tre-Atlantique – témoignant ainsi de la survivance d’instincts animaux que certains nostalgiques ont cru de­voir regretter en criant : « Krokro, re­viens, tout est pardonné ! »
« Il n’existe donc plus, dans votre société, que des femmes ? », me demanda le fantôme. Pas plus de femmes que d’hommes repartis-je. Certaines philosophes attirées par les beautés de Les­bos se sont aperçues que l’espèce humaine ne descendait pas du primate comme l’avait imaginé Darwin, mais du colimaçon cher à Voltaire, et qu’à l’image de ce sage animal nous n’avons pas de sexe déterminé. Ainsi, nous avons supprimé l’archaïque « mademoiselle » de nos documents ad­ministratifs, en attendant d’en gommer – d’ici peu – les mentions « monsieur » et « madame ». Un seul genre pour l’être humain : voilà la clef de l’Egalité ! La même logique nous a con­duits à ne plus prêter attention aux anciennes différences pour célébrer les mariages, qui n’unissent plus un homme et une femme, mais con­tractualisent la relation entre deux in­dividus. De la sorte, nous avons récusé les billevesées obscurantistes qui en­seignaient : « Homme et femme Il les créa », pour les remplacer par la vérité nouvelle issue de notre religion laï­que : « l’Individu fut engendré du colimaçon. »

Où le trouple est l’avenir de l’Individu asexué. Ce dialogue avec de Maistre éclaire la polémique provoquée par le cardinal Barbarin, selon qui le mariage « gay » et l’adoption par les couples homosexuels auront des con­séquences « innombrables, parce qu’après ils vont vouloir faire des couples à trois ou à quatre, un jour peut-être l’interdiction de l’inceste tombera. » Les censeurs se sont immédiatement émus de ces « barbarinades », comme dit Nicolas Gougain, porte-parole de l’Inter-LGBT (Lesbiennes, Gays, Bi et Transsexuels). Le cardinal est probablement victime


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