Pour les médias français, les Italiens, jaloux que la France l’ait emporté alors que la Squadra azzurra ne s’était même pas qualifiée, auraient fait montre d’un intolérable racisme décomplexé. Dès le lendemain de la finale, l’AFP lançait l’alerte : « Déchaînement raciste en Italie suite à la victoire des Bleus ». C’est dans la Botte (jugée suspecte en France depuis que les Italiens ont voté pour des élus patriotes) que les pires coups bas auraient été donnés. Cependant, en examinant le dossier, on constate que l’accusation est légère.
Hormis quelques messages récupérés sur les réseaux sociaux (où les internautes transalpins comparent certains joueurs français à des animaux de cirque), on ne trouve pas grand-chose. La presse italienne n’a fait que relater les faits. Lors de la demi-finale France-Belgique, le grand quotidien sportif la « Gazzetta dello sport » avait ainsi publié un article intitulé « Francia-Belgio, la loro Africa. Radici nel Continente Nero », qu’on pourrait traduire par « France-Belgique à l’heure africaine. Leurs racines sont sur le continent noir ». Le journal expliquait, chiffres à l’appui et humour noir en prime, que les joueurs d’origine africaine avaient colonisé les sélections belge et française.
Après la victoire des Bleus en finale, « la Repubblica », le deuxième journal le plus vendu d’Italie, a titré, entre guillemets : « C’est l’Afrique qui a gagné ». Une vérité première que d’ailleurs on retrouve dans toute la presse africaine. Quant au « Corriere della Serra », journal le plus populaire de la péninsule, il a peint l’équipe de France comme « une équipe pleine de champions africains mélangés à de très bons joueurs blancs face à une équipe seulement de Blancs d’un pays (la Croatie, ndrl) au centre de trois grandes écoles de football, celle slave, allemande et italienne. »
En vérité, ce qui a le plus choqué dans l’ancienne Gaule, qui fut gallo-romaine avant de devenir la France, c’est qu’un sondage réalisé avant la finale annonçait que 90 % des Italiens soutenaient la Croatie – d’où l’on serait tenté de déduire qu’il y a 10 % d’immigrés en Italie… Pas de quoi en faire tout un plat.
Si, à travers les âges, les relations n’ont pas toujours été cordiales, l’Italie a plus d’atomes crochus avec la Croatie qu’avec l’Afrique noire, et pas uniquement à cause du catholicisme. Une émouvante page d’histoire en atteste. Quand, en 1797, Napoléon, vainqueur de la campagne d’Italie, a offert aux Autrichiens la république de Venise et sa fidèle Dalmatie (l’actuelle Croatie), plus de 101 Dalmatiens ont pleuré. Un historien rapporte qu’à Zara (actuelle Zadar), une messe fut donnée pour l’enterrement de la république de Venise, et que, sur les bannières de Saint-Marc, patron de Venise, les habitants pleurèrent : « Tellement des larmes tombées furent baignés les drapeaux qu’on aurait dit qu’ils avaient été plongés dans l’eau. »
Alors qu’aujourd’hui les Italiens aient soutenu des Croates dont les ancêtres ont pleuré la Sérénissime et dont tout au long de la coupe du monde les joueurs ont mouillé le maillot pour défendre leurs couleurs et valeurs, en bon français, on appelle cela de l’admiration et de la reconnaissance.