Ceux qui passent des examens et des concours ne l’ignorent pas : pour réussir, il faut bosser ses matières fortes et celles à fort coefficient.
L’inspecteur des finances Macron le savait : c’est sur l’économie qu’il pouvait creuser l’écart. Il a choisi d’en parler et d’insister sur ces questions lors du débat qui l’a opposé à Marine Le Pen.
Son challenger a fait un choix curieux : elle a choisi de livrer bataille sur le terrain de son adversaire.
Voici sa logique !
Mes électeurs s’intéressent à l’immigration : pouah, comme c’est politiquement incorrect – et que cela ne plaît pas aux médias –, je vais leur montrer ce dont je suis capable et leur présenter mon beau programme économique.
Le remplacement de l’immigration par l’euro
Le Grand Remplacement – démographique et civilisationnel – est un « fantasme complotiste », la sortie de l’euro, voilà l’alpha et l’oméga de mon projet ! Une première en science électorale : battre la campagne pour annoncer une dévaluation ! En bégayant les arguments germanophobes et europhobes de Seguin et de Chevènement dans les années 1990 contre « le franc fort ». Et ce dans la plus grande confusion intellectuelle.
Au demeurant, Marine Le Pen a des excuses : réunissez trois « experts » de l’euro, vous en ressortirez avec quatre ou cinq avis différents tant les questions monétaires sont complexes. Seuls les énarques, les financiers et les frères Philippot peuvent faire semblant de les comprendre…
Regardons maintenant les enquêtes d’opinion. Sur les autres sujets que la monnaie et l’économie, il y a une grande porosité idéologique et politique entre les électeurs des Républicains et ceux du FN : sur l’immigration, sur la sécurité, sur la lutte contre l’islamisation et le terrorisme, sur la défense de la conception traditionnelle de la famille, sur le retour des fondamentaux à l’école et la liberté scolaire. Mais pour Marine Le Pen et son âme damnée, « il n’y a bon bec qu’à gauche ». D’où une campagne de premier et de second tours aux accents principalement mélenchonistes.
Au soir du premier tour, 14 % des électeurs de Mélenchon envisageaient de se reporter vers Marine Le Pen, mais 33 % de ceux de Fillon et 60 % de ceux de Dupont-Aignan. Les trois quarts des réserves étaient donc « à droite » mais les électeurs eurent droit à quinze jours de tentatives de séduction… à gauche. Aux uns les risettes, aux autres les rictus. Etonnant non ? Pourtant, d’un point de vue électoral, il est aussi stupide de désespérer Neuilly que Billancourt !
Une seule exception : l’accord avec Dupont-Aignan qui comprenait une décision sage, différer la sortie de l’euro. Las, dès le lendemain, Florian Philippot déchirait ce « chiffon de papier » et annonçait – croix de bois, croix de fer, si je meurs je vais en enfer – que « dans huit mois, les Français pourraient acheter leur baguette en francs ». Waouh ! Toutes les mères et pères de famille étaient rassurés : en 2030, leur fille pourrait payer sa burka en franc. Vous êtes soulagés ? Moi aussi.
L’art de transformer l’or en plomb
Continuons notre métaphore sur les examens : pour réussir, il faut éviter les « impasses ». Dans une élection, il y a 15 millions de parents d’élèves (sans compter les grands parents) parmi les électeurs. Une paille ! Le fort en thème Macron le savait : dans sa profession de foi de deuxième tour, le candidat d’En Marche ! affirme que « son deuxième chantier sera celui de l’éducation et de la culture » avec comme priorité « la transmission des fondamentaux ». Des promesses en l’air sans doute ! Mais pas un seul mot – non pas un seul mot – sur l’école, la transmission, la liberté d’enseignement dans la profession de foi de Marine Le Pen. Comment expliquer une telle lacune ? Sectarisme ? Incompétence ? Malveillance ?
En tout cas, les résultats sont là : au premier tour, 21 % après avoir démarré à 28 % (score des élections régionales et intentions de vote dans les premiers sondages) ; au deuxième tour, 34 % après avoir démarré à 40 % ou 42 % des intentions de vote.
Une campagne électorale de Marine Le Pen sur la ligne Philippot, c’est moins 7 %. L’art de transformer l’or d’une situation politique en plomb électoral.
Quel gâchis !
Jusqu’où ? Jusqu’à quand ?
Ancien député au Parlement européen, Jean-Yves Le Gallou est le président-fondateur de la Fondation Polémia. www.polemia.com
Dernier ouvrage paru : Immigration : la catastrophe – Que faire ?, éd. Via Romana, 2016.
* Les intertitres sont de la rédaction.