Une campagne de presse, deux perquisitions, une convocation chez un juge, et voilà que les soutiens de François Fillon s’enfuient comme une volée de moineaux apeurés par un épouvantail. Et ce sont les mêmes qui veulent le pouvoir…
Deux salles, deux ambiances. Au Front national, ça ne moufte pas. On défend le chef, quelle que soit l’affaire, quelle que soit l’attaque et d’où qu’elle vienne. Des petits cafardages d’anciens militants aux révélations de « l’Obs », du « Canard » ou de « Mediapart », le Front national fait corps derrière sa candidate et dénonce en chœur – à tort ou à raison, là n’est pas la question – une persécution médiatique et une persécution judiciaire menée par une magistrature de gauche, dernier rempart d’un système aux abois. Comme me le disait un vieux frontiste, « heureusement qu’on ne déserte pas à chaque pépin judiciaire de Marine et avant elle de Jean-Marie, sinon, cela ferait longtemps qu’il n’y aurait plus personne au Front… »
Depuis dix jours, dans l’équipe Fillon, c’est une tout autre ambiance. Certes, on le savait, l’unité du mouvement au lendemain de la primaire était plus médiatique que réelle (mais le Front national est-il, dans le fond, plus uni ?) ; certes, l’affaire Pénélope apparaît dans l’esprit des Français comme plus grave que les procès en cours ou à venir de Marine Le Pen, mais tout de même… Est-ce que cela justifie ces départs massifs et médiatiques ?
Des bleu-bite qui se voyaient général en chef !
De Bruno Le Maire à Pierre Lellouche, de Gérald Darmanin à NKM en passant par les juppéistes et une partie des sarkozystes jusqu’à l’inénarrable Christian Estrosi, tous ces barons des Républicains ont quitté, avec pertes et fracas, la campagne de François Fillon. C’est à qui échafaudera le fameux plan B le plus crédible, B comme Baroin ou B comme Borloo, puisque le B comme Bordeaux a échoué, qui pourrait, enfin, « débrancher » le candidat Fillon. Bref, quand les juges, la presse et les sondages demandent le changement du candidat, les barons de la droite s’exécutent…
Force est de constater que cette équipe, à qui le pouvoir semblait immanquablement destiné, n’a pas tenu le choc. Alors imaginons-les au pouvoir. Imaginons-les, représentant la France et ses intérêts, obligés, par leurs fonctions, de tenir et de tenir bon, avec toutes les pressions qui font le quotidien d’un ministre.
Un exemple, celui de Bruno Le Maire. Le député de l’Eure a été l’un des premiers à quitter le navire. Dans l’organigramme de campagne, il était le responsable des affaires étrangères du candidat Fillon et donc un potentiel ministre des affaires étrangères. Comment ce même Le Maire, après avoir cédé devant le « Canard enchainé », aurait-il été capable de s’opposer sérieusement à l’administration Trump, à celle de Vladimir Poutine, ou, pire des cas, aux deux réunies ? Sans être offensant, Trump et Poutine, c’est quand même autre chose qu’un éditorial du « Monde » et le juge Tournaire !
Plus généralement, imagine-t-on un ministre impuissant dans une tempête électorale tenir le choc dans une crise internationale ? La réponse est non… Quand un sous-lieutenant n’est pas capable de réagir dans une embuscade, on l’imagine mal général en chef dans une guerre nucléaire !
Au moins les couards se sont-ils démasqués
Evidemment, ces désertions sont aussi l’occasion pour les perdants de la primaire de prendre leur revanche. Elles sont aussi des coups de poignard dans le dos d’un homme dont la victoire n’a toujours pas été digérée, ni des juppéistes, ni vraiment par les sarkozystes. Mais, elles sont aussi une nouvelle preuve de l’incapacité de la droite à assumer et à se battre
Avec ce qui s’est passé ces derniers jours, on comprend mieux pourquoi, quand elle est au pouvoir, cette droite, dite de gouvernement, ne fait pas ce pour quoi elle a été élue… C’est-à-dire… gouverner. On comprend mieux pourquoi tous les gouvernements de droite – y compris le gouvernement Fillon, d’ailleurs – ont été incapables de respecter leurs promesses, de remettre la France sur les rails, en surmontant toutes les difficultés, en s’imposant les efforts nécessaires et en passant outre l’impopularité concomitante à toute réforme. A chaque fois, et depuis trop longtemps, on constate et on regrette trop d’indécisions, trop d’hésitations, trop de renoncements, trop de peurs…
Il n’est pas question ici d’idées, mais tout simplement de courage, de volonté et de responsables politiques « taillés pour le job » ou pas. Visiblement, tous ces ex-futurs ministres n’étaient pas taillés pour le job.
Il y a quelques jours, évoquant Marine Le Pen, Philippe de Villiers déclarait au « JDD » : « Sa main ne tremblera pas lorsqu’il faudra prendre des décisions douloureuses. »
Ne pas avoir la main qui tremble quand il faut prendre une décision et résister à la tempête, c’est exactement tout le mal qu’on souhaite à notre prochain président de la République. Qu’il s’agisse de Marine Le Pen ou de François Fillon… mais avec une autre équipe que celle qui l’a lâché, et qui ne manquera de vouloir revenir si elle sent que le vent tourne. Il n’est jamais trop tard pour apprendre à claquer la porte à la gueule des sans couilles.
Jean Masson