Les juppéistes et les centristes ont abandonné Fillon, retirant leurs troupes de son quartier général de campagne ? Bonne nouvelle ! La nature a horreur du vide et, comble de malchance pour ceux qui ont déserté en pleine bataille, François Fillon avait besoin de gens efficaces. Résultat : les réseaux catholiques et sarkozystes ont pris la relève.
Arrivés au début du mois de janvier dernier dans la foulée de la primaire de la droite et du centre, les permanents venus des campagnes d’Alain Juppé et de Bruno Le Maire, comme Sébastien Lecornu, Marie Guévenoux, Maxime Costilhes ou Vincent Leroux, ont déserté sans coup férir le siège de campagne de François Fillon le jeudi 2 mars au lendemain du lâchage du candidat par Le Maire et par l’UDI. Le vent se lève ? Le navire tangue ? Courage… fuyons Fillon !
Pour l’équipe historique de fillonistes restée en poste (ainsi que quelques permanents sarkozystes), il a fallu sauver la situation et le candidat. La décision a été prise de convoquer un grand rassemblement le dimanche place du Trocadéro. A organiser… en quarante-huit heures ! Fastoche, non ? D’autant que dans le même temps, il fallait honorer un déplacement à Nîmes le vendredi et une rencontre avec un truc bizarre appelé la « société civile » le samedi à Aubervilliers. A Nîmes, les sarkozystes étaient présents : Luc Chatel à la tribune et un ancien proche collaborateur de Nicolas Sarkozy, Hugues Anselin, en coulisses.
Le samedi après-midi à Aubervilliers, on a vu entrer en jeu les réseaux catholiques de François Fillon : Madeleine Bazin de Jessey était sur la scène tandis qu’au premier rang de l’assistance, l’ancien ministre Charles Millon et son ami l’entrepreneur Charles Beigbeder, animateurs du réseau participatif conservateur l’Avant Garde, enchaînaient les interventions auprès des médias. L’ancien député français au Parlement européen Paul-Marie Coûteaux était également présent, tout comme l’ancienne égérie de la Manif pour tous, Virginie Tellenne, alias Frigide Barjot.
Sens commun a mouillé la chemise
Mais le gros morceau était l’organisation de la manifestation de dimanche (invitations, transport, sécurité, communication, technique, etc.), qui ne pouvait échouer : si l’affluence était au rendez-vous, le candidat conservait toutes ses chances ; si elle échouait, c’était la fin de partie assurée.
Heureusement pour François Fillon, il disposait de plusieurs relais militants au sein ou aux alentours du parti. Sens Commun tout d’abord, l’aile « catholique » des Républicains, issue de la Manif pour tous : son président national Christophe Billan et son responsable pour l’Ile-de-France Thibault de La Celle ont mouillé leur chemise jusqu’au dimanche soir, au sens propre comme au figuré. L’UNI, le mouvement étudiant de droite dont la direction est proche de Laurent Wauquiez, également.
Le président du groupe LR au Sénat, Bruno Retailleau, a pour sa part activé les anciens réseaux du Mouvement pour la France (MPF) dont il est resté proche malgré sa brouille avec Philippe de Villiers. Résultat : une centaine de cars de province et plusieurs dizaines de milliers de personnes place du Trocadéro et dans les avenues qui y mènent. En tout cas, visuellement, plus que Nicolas Sarkozy n’en avait réunies en 2012 au même endroit.
Des dizaines de milliers de personnes qui représentaient un bon panel des électeurs ayant plébiscité François Fillon lors de la primaire et qui relativisent le ralliement, annoncé par « Le Monde », de la « droite hors les murs » à Marine Le Pen : deux déjeuners ne font pas encore une levée en masse. Pas plus, d’ailleurs, qu’une mobilisation de l’ampleur de celle de dimanche ne fait une victoire à la présidentielle. François Fillon sait seulement désormais, s’il n’en avait pas conscience avant, sur qui il peut compter.
A. C.