Faut-il qu’on vous Lamballe ? En guise de cadeau de bienvenue dans la petite ville des Côtes d’Armor, le fils d’un ancien maire d’un village des environs a offert à Manuel Valls une giroflée à cinq pétales, dont l’ex-premier ministre est resté soufflet. Ce petit beigneur breton a en quelque sorte agi par délégation de 66 millions de Français. Si El Constipator était moins constipé, il aurait considéré que l’incident était clos ; il a donc porté plainte et, la justice républicaine sachant se montrer diligente quand il s’agit de venger les puissants de ce monde, le mornifleur a écopé d’une sanction à la mesure de son crime : trois mois de prison avec sursis et 105 heures de travail d’intérêt général. Le jugement n’a pas précisé si la gifle serait elle-même comptée parmi les travaux d’intérêt général, comme je l’avais d’abord imaginé. Le galopin, acquis, parait-il, aux idées régionalistes, a assorti sa tarte au beurre salé du cri : « Ici, c’est la Bretagne ! », qui a plaisamment titillé mes chromosomes armoricains : entre cette résurgence de chouannerie et la victoire de Le Cléac’h au Vendée Globe, le vieux pays commence noblement l’année. A en croire le parquet, l’insolent frappadingue avait déjà fait l’objet d’un rappel à la loi pour usage de stupéfiants en 2014, ce qui explique sans doute que son geste non moins stupéfiant ait mis Manuel en pétard ; sans compter le risque de devenir la principale tête à claques de la classe politique puisqu’en décembre, l’ancien vizir avait déjà été enfariné à Strasbourg. À force de rouler les Français dans la farine, il fallait s’y attendre.
Notre Barcelonais doit regretter amèrement que la duchesse Anne ait jadis cru bon d’épouser le roi de France (créateur du slogan « faites l’amour par la guerre »), ce qui lui aurait évité une cruelle déconvenue face au finistérien Hamon et un réveil, lundi matin, aussi douloureux qu’un lendemain de cuite au chouchen. Des deux gifles bretonnes, la plus grosse est sans nul doute celle que lui a infligée son ancien ministre de l’Education, qui lui a fait porter auprès des électeurs de gauche subsistant le chapeau (rond ?) des échecs gouvernementaux ; et le deuxième tour pourrait bien achever de le dégriser. Il pourra toutefois se consoler à la pensée que le triomphe de son probable vainqueur ne sera que le prélude au naufrage du parti : les derniers sondages donnent le candidat du PS, quel qu’il soit, bon cinquième à la présidentielle, derrière Fillon, Marine Le Pen, Macron et même Mélenchon. Ne restera guère derrière lui-même que l’improbable candidat des écolos rigolos, Yannick Jadot (un prénom breton !), qui a aussi peu de chances de sortir de l’anonymat que la veuve du soldat inconnu.
Je ne vois plus guère d’avenir aux socialistes qu’à Drouot, où est mis en vente ces jours-ci, lit-on dans « le Figaro », le squelette d’un plésiosaure marin « à mi-chemin entre une tortue et un serpent » et âgé de 66 millions d’années, ce qui laisse toutes leurs chances à Hamon, Valls et leurs copains. Hélas, « la vente de squelettes de dinosaures n’en est qu’à ses balbutiements en France », note le quotidien qui demande : « Qui voudrait d’un dinosaure de dix mètres chez lui ? » A plus forte raison, même en période de soldes, qui voudrait d’un squelette de socialiste ?
Où le macronomètre s’emballe
Parmi les naufragés du socialisme, la seule qui me fasse de la peine est Julie Gayet. Que restera-t-il du clown de la rue du Cirque, une fois tombée sa défroque si peu présidentielle, son nez rouge et son casque intégral ? La brioche sans les croissants… Flanflan prend déjà des habitudes de retraité aisé, qui, quand il ne va pas s’éclater chez Drucker pendant que ses camarades s’écharpent comme des candidats à « Question pour sept champions », s’offre des petites virées autour du monde le jour du vote. Certains commentateurs s’en sont étonnés et en augurent un soutien de dernière minute à Emmanuel Macron. Mais peut-être Hollande ne veut-il pas prendre le risque de se ridiculiser une fois encore en soutenant un « loser », en franglais dans le texte. A votre avis, qu’aurait fait le Prince charmant s’il avait dû embrasser sur la bouche, au lieu de Blanche-Neige, l’un des sept nains ? Je gage qu’il serait allé lui aussi passer la soirée chez Drucker avant de s’organiser un voyage au Chili ou à Zanzibar. Pour savoir qui Flanflan soutiendra, comme la corde soutient le pendu, sans doute faudra-t-il attendre le résultat final de l’affrontement fratricide des socialistes primaires.
En attendant, le macronomètre s’emballe chez les journalistes de gauche (c’est presque un pléonasme) en quête d’espoir, qui nous refont le coup éculé du « troisième homme ». L’enfant chéri d’Attali et de Rothschild incarnerait la dernière chance de la gauche, avec autant de chances de percer que Bayrou en 2012, 2007, 2002, 1876 et en deçà. Avant de miser sur Macron, les mêmes nous avaient aussi présenté Juppé en probable César, triomphant de Sarko pompé à la primaire de la droite. Or, il n’existe pas plus d’espace pour Macron que pour Bayrou avant-hier, ni que pour Juppé hier. Pour l’achever, s’il le fallait, l’éconocrate vient de recevoir l’appui d’Alain Minc, ancien conseiller de Sarko et soutien de Juppé à la primaire, qui colle à son image de financier arriviste aussi indécrottablement qu’un étron à une Weston. Pourquoi lui ? Parce qu’il est « le seul candidat authentiquement européen », à l’inverse de Fillon, qui – selon Minc – n’accepte pas « la construction d’une réalité supranationale ». Avec ce chantre du mondialisme à ses côtés, Macron a toutes ses chances… de retourner chez Rothschild. Pour faire bonne mesure, le bon Alain brosse des Français un portrait des plus flatteurs : « Si le pays grincheux qu’est la France élit un roi de 39 ans, l’image de notre pays changera soudainement », dit-il. S’il connaissait mieux l’histoire de France, il ne se serait pas risqué à ce genre de comparaison dans un journal paraissant le 22 janvier, alors que la veille étaient célébrées un peu partout en France des messes pour un roi de France qui était précisément âgé de 39 ans lorsqu’il monta sur l’échafaud. Qui donc a traité Minc de « chat noir » ? Tenant toutefois à montrer qu’il s’y connaît mieux en cuisine (politique) qu’en histoire, le nouvel ami de Macron a osé une métaphore intéressante à propos du centre, comparé à une omelette : « Si vous coupez les deux bouts de l’omelette, il faut que ce soit à peu près égal de chaque côté… » a-t-il déclaré en mettant en garde son nouveau candidat préféré contre la tentation de servir de radeau aux naufragés de la gauche : « Sans quoi Macron sera le candidat d’une omelette déformée. » De celles qu’on ne fait pas sans casser des œufs, inconsommable assurément.
Où Sarraute jacte dans la dignité
Sur le plateau d’On n’est pas couché, l’inépuisable journaliste de gauche Claude Sarraute a tenu à montrer toute la richesse de son vocabulaire pour évoquer la primaire de la gauche, qui, dit-elle « la fait ch… » (elle n’utilise pas les points de suspension). « Imagine que je vais voter pour n’importe quel connard et qu’après, mes enfants, mes petits-enfants et toute la France soient obligés de se le taper pendant deux fois cinq ans », a-t-elle philosophé en se demandant s’il était bien souhaitable qu’elle aille voter. « En même temps, je me dis : “T’es pas complètement débile, ton avis compte encore un petit peu.” » On demande des preuves. Il paraît que Claude Sarraute fait partie de l’association Mourir dans la dignité. Trop tard…