Le ministre de la Famille, Laurence Rossignol, peut toujours rager ; Yann Barthès peut toujours se moquer ; le gouvernement peut toujours interdire les sites d’information alternatifs sur l’avortement : il n’y avait jamais eu autant de manifestants à la Marche pour la vie que dimanche dernier à Paris. Reportage.
L’avortement est un sujet d’actualité. Entre le débat sur le sujet pendant la primaire de la droite et le projet de loi sur le délit d’entrave numérique, on n’a peut-être jamais autant parlé d’avortement en France depuis cinq ans. Est-ce pour cela que les manifestants étaient si nombreux dimanche dernier à avoir répondu à l’appel des organisateurs de la Marche pour la Vie ? Sans aucun doute. L’opposition au projet de loi était d’ailleurs l’une des revendications principales de la manifestation, avec la volonté de « demander aux responsables une politique de santé qui permette de baisser le nombre d’IVG incroyablement élevé en France ».
Ainsi, 42 ans après le vote de la loi Veil, au plus grand étonnement de tous, l’avortement est encore contesté. Et contesté par des jeunes qui n’étaient pas nés en 1975 ! Une incongruité pour beaucoup, à commencer par le ministre de la Santé, Laurence Rossignol, qui n’a pas pu s’empêcher de Twitter, rageuse : « Etre opposé à l’#IVG, ce n’est pas choisir la vie, c’est choisir le retour des avortements clandestins et des abandons d’enfants ». Déjà, le 12 janvier, elle s’inquiétait de la parution dans « Le Figaro » d’un encart publicitaire d’annonce de cette marche pour la vie : « Les anti-IVG à l’offensive ! Jusque dans les pubs d’un grand journal comme Le Figaro ! Inquiétant. »
La manif de la France bien élevée
Dimanche dernier, c’était « la France bien élevée », selon l’expression de l’éditorialiste de Boulevard Voltaire qui avait fait le déplacement. Celle qui ne manifeste que le dimanche après la messe, parce que la semaine elle bosse, celle qui est trop souvent moquée par les médias, vomie par les politiques et insultée quotidiennement… Des jeunes – beaucoup – enthousiastes, volontaires, parfois même survoltés par l’ambiance de la manif, de nombreuses familles, venues avec les enfants et les poussettes, des vieux, etc. Si vingt-deux évêques – et le pape François – soutenaient officiellement la Marche pour la Vie, aucun d’entre eux n’était présent dans la rue. En revanche, de nombreux prêtres et religieux avaient fait le déplacement avec leurs ouailles.
Côté politique : le grand vide. Des Républicains au FN, l’avortement reste un sujet tabou. Interdit d’en parler et surtout interdit d’en débattre. Les élus et responsables politiques étaient donc les grands absents de cette manifestation. Seuls quelques-uns étaient présents : Franck Margain et Nicolas Tardy-Joubert, conseillers régionaux du Parti chrétien démocrate (PCD). L’ancienne patronne du parti, Christine Boutin ; Xavier Lemoine, PCD lui aussi, maire de Montfermeil et candidat investi par Les Républicains dans sa difficile circonscription de Seine-Saint-Denis. Annoncé, Jean-Frédéric Poisson n’avait pas pu, au dernier moment, se libérer.
Pour la « droite hors les murs », on notait la présence de Patrick Louis, secrétaire général du MPF, venu en famille, de Karim Ouchikh, président du Siel, de Charles Beigbeder, de Charles Millon et de son épouse, Chantal Delsol. La journaliste Charlotte d’Ornellas, Charles de Meyer ou encore le politologue Guillaume Bernard. On pouvait également compter une poignée d’élus municipaux et régionaux du Front National, anonymes dans la foule, et que nous ne nommerons pas. Des deux élus que nous avons croisés, l’un a déjà été écarté de la circonscription législative qui lui était promise au motif qu’il est trop étiqueté catholique traditionaliste, l’autre siège dans le groupe présidé par Sophie Montel. Une délégation de Sens commun, menée par Madeleine Bazin de Jessey, fondatrice du mouvement et membre de l’équipe de campagne de François Fillon, était là, ce qui n’a pas manqué de faire tousser au sein des Républicains.
Notons enfin, en tête de cortège, la star du jour, Philippe de Villiers, visiblement heureux d’être là. Un Philippe de Villiers très en verve, pour son intervention devant la foule, en fin de manifestation. Pas d’évêque, pas – ou si peu – de politiques. Mais beaucoup de monde, entre 15 000 selon la police et 50 000 selon les organisateurs, preuve, s’il y en avait encore besoin que les partis politiques aujourd’hui comptent vraiment de moins en moins…
Au final, la manifestation s’est déroulée dans le calme le plus total – aucune contre-manifestation n’était annoncée ; aucune Femen n’a pointé le bout de son sein… Le froid sans aucun doute. Ce même froid qui a empêché les électeurs de la primaire socialiste d’aller voter, mais n’a pas fait reculer les manifestants pro-vie. Question de génération, sans aucun doute…
Jean Masson