Fillon, Macron, Mélenchon, et maintenant Hamon : Marine Le Pen va combattre tous les « on » ! Le petit Benoît a créé la surprise. Tel un autre célèbre Benoît, inventé par Peyo, il ne fait qu’une bouchée de ses adversaires les plus coriaces. C’est qu’il est fort. Très fort. Pour manœuvrer.
A l’heure où nous mettions sous presse, les résultats des Primaires citoyennes dans la coquette cité de Vivejoie-la-Grande n’avaient pas été communiqués. On imagine toutefois que la soirée de dimanche y fut marquée par la liesse, qu’il fallut aller quérir en quantité de quoi permettre à Monsieur Vladlavodka de célébrer dignement l’événement, que Jules Dussifflard, le chauffeur de taxi, se prit à rêver de conduire son meilleur ami à l’Elysée, et que le tonton Placide se vit sortir de sa retraite pour reprendre du service en qualité de garde du corps attitré du prochain président de la République, la consécration de toute une carrière au service de la France !
Car Benoît, l’enfant du pays, a gagné le premier tour de cette primaire et, si un rhume ne vient pas annihiler ses dons exceptionnels durant la semaine, il a toutes les chances, avec l’aide de son camarade Arnaud, de l’emporter dimanche prochain face à Manuel. N’écoutant que son courage – et son ambition, qu’on lui a découverte –, il a sauté encore une fois sur L’Ile de la désunion et, une fois encore, il l’a emporté contre les méchants ! Trop fort Benoît ! Peyo est mort trop tôt, sans avoir pu voir que Les Douze Travaux de Benoît Brisefer étaient treize, et que le dernier, qu’il n’avait pas osé imaginer, est celui qui resterait à jamais dans les mémoires.
Plutôt Mélenchon que Macron
Benoît Hamon, hélas, n’est pas tout à fait Benoît Brisefer, ce « petit garçon comme bien d’autres », « d’une politesse exemplaire », « studieux et appliqué », toujours prêt à rendre service, soulevant son béret pour dire « Bonjour madame » – c’est à ce genre de description comportementale qu’on remarque tout de suite qu’une bande dessinée est datée…
Certes, le probable candidat du Parti socialiste à l’élection présidentielle, du moins le temps d’établir un rapport de forces avec Emmanuel Macron, a été élevé chez maristes, en terre post-coloniale qui plus est – né en Bretagne, il a passé trois ans de son enfance au Sénégal –, mais lorsqu’il s’est agi de trouver une terre électorale, celle pour laquelle il a opté n’a rien qu’une « coquette cité » : ce fut Trappes. Il y est demeuré jusqu’à l’an dernier, avec tout ce que cela suppose de compromissions, lorsqu’on est de gauche, avec la population qui s’y est implantée, d’où la diatribe de Malek Boutih, l’accusant d’être lié à des islamistes.
Benoît H., c’est même le vilain petit camarade dans toute sa splendeur, qui, n’ayant jamais rien fait d’autre que de la politique dans sa vie, sait que plus on est retors, plus il faut se donner des airs, si ce n’est de premier de la classe – il est juste parvenu à attraper une licence d’histoire –, du moins de gendre idéal (le coup du béret et du « Bonjour madame »). Sauf que ça finit par se savoir – et par se voir –, au point que la crainte des socialistes n’est plus, s’il l’emporte, qu’il finisse par se désister pour Macron mais qu’il se retire au profit de celui avec lequel il a déjà établi des passerelles, d’autant plus aisément que leurs programmes sont proches, le camarade Mélenchon ! Qui a dit que cette présidentielle était ennuyeuse ?
Quand Hamon soutenait Valls
Sacré Hamon, qui ferait presque figure de sage face à Valls l’excité, ce passager du Taxi rouge que Benoît a déjà soulevé et qu’il s’apprête à balancer à la casse sous les vivats des électeurs de gauche aux yeux desquels l’ancien premier ministre, aussi surprenant que cela puisse paraître, est un homme de droite qu’il faut battre à ce titre. Perdu pour perdu, se disent-ils, mieux vaut tomber sur ses valeurs que sur celles de ses adversaires. Comme quoi le confusionnisme intellectuel est ce qui se porte le mieux en ce moment, avec les coups de billard (détail ici).
On a semble-t-il oublié, dans les rangs des trois électeurs et demi de cette primaire de la gauche socialiste, que lorsque François Hollande songea à se débarrasser de Jean-Marc Ayrault, c’est l’alliance Valls-Montebourg-Hamon qui força la décision et porta le Catalan à Matignon. Tel était, pour Benoît et pour Arnaud, le prix de leur promotion ministérielle, étape vers la candidature de l’un et l’autre à l’Elysée. Elle permit à Hamon de devenir ministre de l’Education nationale durant exactement quatre mois et 23 jours, dont les mois de juillet et d’août, qui ont pour avantage que les syndicalistes, comme les professeurs et les élèves, sont en vacances.
Moyennant quoi, deux ans plus tard, il s’associera aux « frondeurs » pour essayer de faire tomber le gouvernement Valls par une motion de censure à laquelle il ne manquera que deux voix pour être déposée, à la fureur de François Hollande qui, lui-même, n’avait jamais pensé que Hamon irait jusque-là. Il ira même plus loin puisqu’il résumera ainsi le mandat de Hollande : « Commencer le quinquennat par la promesse du droit de vote aux étrangers et le terminer sur la déchéance de nationalité des binationaux, une telle transhumance politique et intellectuelle déboussole. » A croire qu’il était en vacances pendant les vagues d’attentats…
A ce jeu de dupes dont le petit Benoît devrait sortir vainqueur, le perdant serait certes Manuel Valls, mais aussi Hollande, qui avait dit de lui, en mars 2015 : « Mais aujourd’hui, Hamon, il abandonne le PS, il est quoi ? Pas grand-chose. » Il ne l’a pas abandonné, il est en train de le prendre ! Enfin, ce qu’il en reste. Et pour combien de temps ? Avec sa force, Benoît Brisefer cassait « involontairement les jouets des autres qui, du coup, ne voulaient plus jouer avec lui ».
Marc Bertric