La 5e circonscription du Var, celle de Fréjus, l’une des meilleures pour le Front national, a trouvé preneur. Et l’heureux lauréat, qui portera les couleurs du FN pour les législatives de juin prochain, n’est pas un poulain de Marion Maréchal-Le Pen, dont c’est pourtant la zone d’influence. Il s’agit de Damien Philippot. Le frère de l’autre !
David Rachline, le maire FN de Fréjus et directeur de la campagne présidentielle de la présidente du Front national, la lui a proposée. Damien Philippot l’a demandée. Marine Le Pen la lui a accordée. Si rien n’avait encore filtré, le fait est certain – et l’information recoupée : la circonscription « réservée » de Fréjus (« réservée » car préservée de tout appétit local pour y parachuter un fidèle) échoit au frère de Florian Philippot, dont le transfert de l’Ifop ne se limitait donc pas à le voir intégrer l’équipe de campagne présidentielle de Marine Le Pen.
On ne sait pas encore pour qui le coup est le plus rude. Pour les militants frontistes varois, dont la sociologie ne correspond pas exactement aux positions défendues par Damien Philippot – qui est exactement sur la même ligne que son frère – et vont devoir, une fois le parachutage digéré, se faire violence pour mener sa campagne. Ou pour Marion Maréchal-Le Pen, qui se voit défiée dans ce qui est considéré, vu de Paris, comme son fief de Provence-Alpes-Côte d’Azur et ne l’est en réalité pas, tant elle n’y contrôle ni le Var – les investitures pour les législatives lui ont totalement échappé –, ni les Bouches-du-Rhône – sous le contrôle de Stéphane Ravier – et si peu les Alpes-Maritimes.
A moins que ce ne soit pour Jérôme Fourquet que la nouvelle soit le plus difficile à accepter. Le directeur du département « Opinion et Stratégies d’entreprise » de l’Ifop, qui intervient comme « expert » à la Fondation Jean Jaurès, proche du Parti socialiste, n’imaginait certainement pas, lorsqu’il cosignait avec le frangin Philippot des études sur le Front national, que celui-ci se retrouverait un jour en position d’être élu député de ce parti…
Florian et Damien ou Dupond et Dupont
Damien Philippot, c’est le grand frère de Florian. Le même avec quatre ans de plus et un parcours similaire : les années de collège et de lycée à l’Institution libre de Marcq-en-Marœuil, les classes prépa puis Sciences Po et Sup de Co, avant d’entrer à l’Ifop et d’y faire toute sa carrière. Jusqu’à ce transfert au cours d’un mercato d’hiver digne des négociations qui avaient abouti au passage de Florian Philippot du ministère de l’Intérieur au Front national. Du moins en apparence.
Car Damien Philippot connaît Marine Le Pen depuis aussi longtemps que Florian. Au dîner au cours duquel la présidente du FN tomba sous le charme de Florian Philippot, le futur vice-président du Front national était venu avec Damien. Qui n’a jamais cessé de se tenir au courant, à tout le moins, des affaires frontistes.
Témoin cette anecdote rapportée par Paul-Marie Coûteaux, qui présidait alors le Siel et s’efforçait de conseiller Marine Le Pen. Elle remonte à fin 2012. Le lendemain, Marine Le Pen doit tenir une conférence de presse pour présenter le Rassemblement Bleu Marine. Gilbert Collard appelle Paul-Marie Coûteaux. Il veut le voir toutes affaires cessantes. « Toi et ton Siel, vous êtes de mon côté contre les Philippot », lui lance Collard. « Les » Philippot ? Oui, déjà.
Il est 23 heures bien tassées quand Coûteaux, d’un taxi qui le ramène du dîner avec Collard, appelle Florian Philippot, pour l’entretenir des difficultés de dernière minute. Parler de ces choses-là au téléphone n’est pas aisé et, comme ils habitent dans le même quartier, Philippot propose de passer le voir. Le temps pour Coûteaux de regagner son domicile et l’entrevue nocturne a lieu : Florian Philippot déboule… flanqué de Damien. Il y a réunion de crise pour parler du Rassemblement Bleu Marine et les deux Philippot sont là ! Ce ne sera pas la seule fois…
En juin, Florian sera candidat à Forbach et Damien sera candidat à Fréjus. Et Daniel, le père, qui alimente déjà en notes la « direction de la stratégie et de la communication » du Front national ? Manquerait plus qu’il ait une circonscription dans le Nord…
Antoine Vouillazère