Les syndicats de policiers ? Débordés. La hiérarchie policière ? Conspuée. Le pouvoir socialiste ? Abhorré ! Dans toute la France, les policiers manifestent. Ils veulent du respect, des moyens et, surtout, qu’on leur permette de faire leur travail : arrêter le voyou pour qu’il soit jugé et condamné. Et, aussi, qu’ils aient le droit… de se défendre !
Les policiers sont dans la rue. Et le pouvoir, qui hésite entre compréhension démagogique et répression disciplinaire, ne sait plus que dire ni que faire. Feindre de les ignorer ou promettre d’hypothétiques améliorations lui sont également interdits, alors que les politiques en place ont les yeux fixés sur l’horizon électoral. François Hollande le sait bien qui, en les recevant ce mercredi, prend le risque de savonner davantage encore la corde raide sur laquelle il achève péniblement son quinquennat.
Le cocktail Molotov qui a grièvement blessé plusieurs fonctionnaires de police, le 8 octobre dernier, à Viry-Châtillon, et aurait pu les tuer, aura fait plus que de mettre le feu aux poudres. Parti de l’Essonne, le mouvement contestataire a rapidement atteint toute la région parisienne, pour se propager ensuite à l’ensemble du territoire national. Et si l’on a appris, avec soulagement, en début de semaine, que les deux policiers les plus grièvement atteints à cette occasion étaient désormais hors de danger, le seul fait qu’ils conserveront de cette agression d’importantes séquelles à vie suffit sans doute à justifier que le mouvement de protestation refuse de retomber.
Une ambiance de fin de règne
Certes, ce n’est pas la première fois que les fonctionnaires de police manifestent ainsi leur lassitude, leur ras-le-bol. Il y a tout juste un an, le 14 octobre 2015, les policiers s’étaient déjà fortement mobilisés, place Vendôme, à Paris, sous les fenêtres du ministre de la Justice de l’époque, Christiane Taubira, pour protester contre sa volonté législative d’ériger le laxisme en loi. Les policiers l’affirment désormais haut et fort : laxisme et violence sont les deux causes de leur malaise et de leur colère, l’une entraînant l’autre.
Etendard trop voyant de cette politique qui affecte tant de pans de notre société, Christiane Taubira est depuis passée à la trappe où Ubu-moi président précipite ceux qui n’ont plus l’heur de lui être utiles. Et il ne servirait certes à rien que son falot successeur Jean-Jacques Urvoas l’y suive, tant il est vrai que, au-delà de la pression idéologique, le quinquennat est aujourd’hui trop avancé, quasi expiré (pour ne pas dire expirant), pour qu’un homme politique ait, avec le temps, suffisamment d’énergie et d’âme pour redresser la barre.
Encore faudrait-il que le socialisme recèle encore dans ses rangs des hommes de cette trempe ! On peut légitimement en douter lorsque, pour succéder éventuellement à un François Hollande se rapprochant lui-même dangereusement de ladite trappe, l’appareil socialiste n’envisage pour le remplacer si nécessaire que son premier ministre Manuel Valls, qui n’est que son bras droit désarmé malgré l’ajout dérisoire de quelques coups de menton aussi vindicatifs qu’inefficaces, ou Ségolène Royal.
Eric Ciotti lynché par « Libé »
Cette agitation marque bien que, en tout état de cause, l’enjeu politique, pourtant clair et urgent, a déjà cédé le pas à la tambouille politicienne. Même si d’aucuns ici et là – Yannick Moreau, Jean-Frédéric Poisson, etc. – ont pris la mesure d’un problème qui demain risque fort de devenir une menace, le jeu électoral est ainsi fait que leurs voix, souvent ridiculisées au passage par une intelligentsia qui préférerait vendre la corde qui servirait à la pendre plutôt que de prendre le risque d’avoir tort, sont étouffées dans le brouhaha que l’époque a élevé au statut de pensée.
L’exemple le plus marquant de cette voix qui se perd dans un déluge de vociférations est sans doute celle du député des Alpes-Maritimes, Eric Ciotti. C’est « Libération » qui lui tombe aujourd’hui dessus pour avoir osé dire que les policiers ne pouvaient tirer que s’ils étaient menacés par une arme. Comme il l’avait fait il y a quelques mois à son encontre à propos du nombre de fonctionnaires de l’ordre à avoir été blessés, le quotidien gauchiste se gausse encore du député sur cette question de la légitime défense. Et c’est à gorges plus encore déployées qu’il lui rappelle qu’il a commis un rapport sur la question…
La mauvaise foi de nos confrères est patente qui semblent ignorer que, aujourd’hui, ce n’est pas le droit qui prime, mais la voix médiatique. Ne sont-ils pas parmi les premiers à dénoncer la violence policière pour ignorer que, contre ce droit qu’ils redécouvrent, toute la classe politico-médiatique n’hésite guère désormais à condamner le fonctionnaire ayant fait usage de son arme alors qu’il n’était pas lui-même blessé, ou en grand danger de l’être ?
Jean-Marc Falcone, le patron des policiers, a commis – volontairement ? – la même erreur de perspective en proposant de mieux armer ses fonctionnaires. Car, d’une part, il leur donne ainsi raison, sans pour autant pouvoir ignorer qu’ils ne seront pas à même de davantage s’en servir. Et, d’autre part, il ne prend pas leur défense face aux accusations démagogiques.
Face à un tel imbroglio, François Hollande peut certes assurer prendre la mesure du « malaise » des policiers. Il peut même recevoir les syndicats pour discuter des mesures à prendre. Ce ne sont là que paroles en l’air. D’abord parce que l’actuel locataire de l’Elysée, au-delà des reproches qu’il adresse à ses prédécesseurs, a fait la démonstration de son incapacité politique à régler la question. Ensuite, parce qu’il prétend évoquer le sujet avec des organisations représentatives dont un nombre grandissant de policiers manifestent, ces dernières semaines, qu’elles ne représentent plus grand chose.
En somme, François Hollande semble n’aspirer qu’à une fin lénifiante de son quinquennat. Si la boîte des pandores ne lui explose pas d’ici là au visage…
Philippe Ertzig