Faudra-t-il bientôt parler de l’« Affaire » Morano, comme on parlait naguère de l’Affaire Dreyfus ? Ce commencement malencontreux ne manquera sans doute pas de nourrir les commentaires des bien-pensants : « Couteil a comparé Morano à Dreyfus, que sous-entend-il par là ? Quels noirs insectes rampant au fond de son cortex forcément nauséabond ont-ils déployé leurs brunâtres élytres, aux couleurs des idéologies inavouables ? » Pour justifier ce rapprochement entre deux personnages sensiblement différents, j’évoquerai plus simplement le fameux dessin de Caran d’Ache : « Ils en ont parlé ! », sans toutefois convaincre les petits flics de la pensée toujours sur la piste de l’indicible. Ces braves gens savent mieux que moi ce que je dis, ce que pense et surtout ce que je cache.
Le commissaire politique Jean-Jacques Bourdin a administré une stupéfiante démonstration de leurs talents, le 8 octobre sur RMC, en convainquant d’hérésie deux auditeurs suspects, Sébastien et Gaël, qui s’étaient égarés sur sa sellette. Ils téléphonaient tour à tour pour faire part d’une croyance coupable à l’existence des races. Je vous demande un peu ! Sans mettre en doute l’unité de l’espèce humaine, ces petits misérables avaient l’outrecuidance de prétendre, à l’encontre de la doctrine antiraciste la mieux fondée, que ladite espèce humaine est néanmoins diverse et que ses différences l’enrichissent. Heureusement, Commissaire Bourdin veillait, pourchassant le déviationnisme sournois avec la capacité qu’on lui connaît. Au suspect Sébastien, qui confessait hypocritement sa conviction que les races existent, mais qu’il n’en est pas de supérieure aux autres, il ne l’a pas envoyé dire : « J’essaie de vous mettre devant vos contradictions. Et au moins j’essaie de vous mettre devant ce que vous avez au plus profond de vous-même, dans votre cœur : vous pensez que les races sont différentes, vous pensez qu’il y a des races supérieures à d’autres, vous le pensez mais vous ne le dites pas ! Parce que vous n’osez pas le dire, Sébastien… » Ainsi percé à jour, l’accusé tentait une défense maladroite : « Mais je n’ose pas le dire, puisque je ne le pense pas ! » Le ton était si sincère que n’importe qui, même moi, s’y serait laissé prendre. Mais on ne la fait pas à Commissaire Bourdin. Derrière le déni, il percevait l’envol strident des noirs insectes dans le cortex pollué de Sébastien : « Ce qui me gêne, mon cher Sébastien, c’est qu’à partir du moment où vous accolez au mot race un qualificatif, quel qu’il soit, c’est utilisé idéologiquement, et vous le savez très bien… » Et toc !
Mais cette race, euh… je veux dire ces gens-là, ont toutes les audaces. Quelques instants plus tard, le nommé Gaël appelait du Var (louche département gangrené d’hérésie marioniste…) pour protester contre le procès moscovite intenté à Sébastien. Ce dernier, disait Gaël, n’avait « à aucun moment exprimé de supériorité ou d’infériorité entre lesdites races, c’est vous qui lui avez mis dans la bouche des mots qu’il n’a pas prononcés ». J’avoue que c’est ce que j’avais cru moi-même. Heureusement, Commissaire Bourdin était là pour me détromper : « Non, je lui ai posé la question, il n’a pas voulu me répondre ». « C’est vous qui étiez en train de le pousser à sortir une bourde à l’antenne ! », rispostait l’infâme Gaël. Allons donc ! Si Bourdin poussait à la bourde, on l’appellerait Bourdiste ! Mais le Gaël lui-même cachait son vilain jeu. Et pour le confondre, Commissaire Bourdin sortait de sa manche un atout maître : son collaborateur, présent sur le plateau, était métis. Or, de quelle race est un métis ? Hein, mon petit Gaël ? Ben, des deux, répondait le misérable en se référant à un dictionnaire. Un dictionnaire, mon cher Gaël ? Quel dictionnaire ? Avait-il bien l’estampille du parti politiquement correct ? « Ma petite cousine aussi est métissée, M. Bourdin, je n’ai pas de problème avec ça », répondait l’accusé. Ach ! Trop facile, docteur Gaël ! S’il suffisait d’être cousin de métissée pour être réputé antiraciste, tous les racistes blancs (précision superflue) marieraient leurs sœurs à des noirs. Le coupable s’obstinait pourtant à nier : « Pour moi il n’y a pas de supériorité ou d’infériorité parmi les races, il y a des différences qui enrichissent le monde […] Les races, sur terre, c’est comme une boîte de crayons de couleur, c’est ça qui fait la richesse du monde ! » Pour la première fois, Commissaire Bourdin n’a pas saisi tout de suite l’occasion de confondre le malfaisant : il s’est passé quelques secondes avant qu’il ne réagisse (le temps, probablement, qu’un membre de son équipe lui fasse passer l’info…) et ne lance, d’un ton entendu : « La boîte de crayons de couleur ?… C’est Dieudonné, ça, Gaël ?… » Et pan ! Dans le mille. À la belle époque de tonton Joseph, ça lui aurait mérité douze balles ou un ticket sans retour pour les caves de la Loubianka (Si l’on ajoute que Caran d’Ache, pseudonyme d’Emmanuel Poiré, vient du russe Kadarandach, qui signifie « crayon », l’Affaire est dans le sac et son compte est bon).
Le condamné a pourtant tenté une dernière feinte : « Ah bon ? Peut-être. Je ne sais pas. Et alors, qu’est-ce que ça peut faire que Dieudonné ait dit ça ? Ça ne me dérange pas. » Ça ne le dérange pas ! Et la quenelle, hein, mon petit Gaël ? Qu’est-ce que tu penses de la quenelle, salopard ? Quoiqu’il en soit, la partie était gagnée. Un collaborateur de Commissaire Bourdin s’est chargé de l’exécution : « C’est l’avancée scientifique, Gaël, en 2015, qui nous dit clairement, noir sur blanc, il n’y a pas de distinctions de race entre individus de l’espèce humaine. Si vous voulez absolument penser le contraire, vous n’êtes pas en accord avec ce que dit la science aujourd’hui, Gaël. » Noir sur blanc, Gaël : Caran d’Ache ou pas, les crayons de couleur, ça n’existe pas !
(Nota : La bande son de ce procès stalinien peut-être retrouvé sur le site internet Fdesouche)
Où les ordures seront bientôt vidées
Bonne nouvelle, surtout pour les Parisiens : la guerre des poubelles n’aura pas lieu et la grève des éboueurs qui menaçait d’ensevelir la capitale sous les déchets a pris fin quatre jours après son commencement. On respire, au propre et au figuré. Mais toutes les ordures ne sont pas encore vidées. Certains prétendent que l’opération de grand nettoyage n’aura pas lieu avant le mois de décembre et les élections régionales, où Claude Bartolone, président de l’Assemblée nationale, sera tête de liste pour le Parti socialiste. Il est actuellement soupçonné d’avoir couvert un détournement de fonds publics lié à un emploi fictif au conseil général de Seine-Saint-Denis, à l’époque où il le présidait, mais dénonce la main sur le cœur et le cœur sur les roses une « campagne de calomnie ». Il paraît que pour défendre son honneur et ses intérêts, il a fait appel à Me Francis Szpiner, qui fut naguère l’avocat de Jacques Chirac et d’Alain Juppé, ces grands innocents. Tout ça n’a bien sûr rien à voir avec les poubelles de la République.
Où l’Arabie saoudite dialogue de main de maître
Dans une tribune publiée dans « Le Point », Sihem Souid, collaboratrice de Mama Doc au ministère français de la « Justice », célèbre les vertus du forum franco-saoudien pour le dialogue des civilisations, dont l’édition 2015 sera, à l’en croire, « consacrée à la sauvegarde de l’humanisme, au combat contre les stéréotypes, à la culture et à l’enseignement pour le dialogue des civilisations » et « a pour mission de proposer des solutions face à l’intolérance ». Lu par ailleurs dans « Le Point » : l’Inde a protesté auprès de l’Arabie saoudite à la suite de la punition infligée par un maître saoudien à son employée de maison indienne, qui, coupable de s’être plainte de ses conditions de travail, a été amputée d’une main. Le dialogue des civilisations est bien engagé.