« Il faut que l’on accepte de faire entrer des gens sinon ils iront ailleurs. Et ailleurs, ce sera chez Marion Maréchal-Le Pen. » Ainsi parlait Franck Allisio en juin dernier. Trois mois plus tard, c’est lui qui quitte l’UMP pour rejoindre… Marion Maréchal !
En juin 2015, Franck Allisio s’exprimait dans « Le Figaro », où il a ses entrées. Un an après avoir été nommé chargé de mission pour l’UMP dans la première circonscription du Vaucluse, il jetait l’éponge, dénonçant la sclérose de la fédération, la mainmise des « notables de la vieille droite avignonnaise », leur refus de « faire monter une nouvelle génération pour [les] futures élections »… « Les régionales par exemple »…
Dimanche dernier, c’est à nouveau dans « le Figaro » qu’il a annoncé son passage au Front national, tandis qu’il tenait une conférence de presse à Marseille avec Marion Maréchal-Le Pen, député… du Vaucluse. À 35 ans, il rejoint le Front national et sera candidat sur la liste FN aux élections régionales dans les Bouches-du-Rhône. Marion Maréchal en a aussi fait l’un de ses porte-parole de campagne.
L’ingratitude de Stéphane Tiki
« Certains font de la politique pour des valeurs, des idées, et d’autres uniquement pour des postes », a commenté, en guise de contre-feu, Stéphane Tiki, l’ancien président des Jeunes Populaires. Lorsque Tiki avait été débarqué pour cause de séjour irrégulier sur le territoire français, Allisio lui avait pourtant apporté son soutien en un tweet qui n’était pas passé inaperçu : « De par son amour de la France, Stéphane Tiki mérite d’être français bien plus que certains de nos concitoyens qui la rejettent »…
Franck Allisio, comme Stéphane Tiki, vient du VIIe arrondissement de Paris. Allisio a d’abord été délégué jeunes de l’UMP dans la 3e circonscription de Paris, qui a l’époque incluait le VIIe. Aux élections municipales de 2008, il est d’ailleurs directeur-adjoint de la campagne de Rachida Dati. Puis il est devenu collaborateur politique, d’abord de Roger Karoutchi, puis de Pierre Lellouche. Ces derniers temps, il touchait une partie de l’enveloppe parlementaire… de Nathalie Kosciusko-Morizet !
L’importance de son ralliement au FN tient au fait qu’il était aussi le président des Jeunes Actifs, l’autre mouvement de jeunes des Républicains. En 2010, deux ans après avoir tenté, sans succès, de devenir président des Jeunes Populaires, il s’était emparé, avec l’appui d’Éric Cesari, directeur général de l’UMP, de ce mouvement des trentenaires de l’UMP fondé par François Guéant, le fils de Claude.
Copé se méfiait de lui
Franck Allisio a essayé de positionner les Jeunes Actifs comme une force capable de rivaliser avec les Jeunes Populaires. Ce fut une réussite partielle. Ainsi, les Jeunes Actifs sont sur le devant de la scène des universités d’été de Marseille de septembre 2011, au même titre que les Jeunes Populaires : Franck Allisio prononce même un discours devant les militants. Mieux : en 2012, les Jeunes Actifs sont moins touchés par la crise interne alors que les Jeunes Populaires se volatilisent rapidement dans les mois qui précédent l’élection controversée du président de l’UMP.
Pourtant, le rapprochement d’Allisio avec Copé ne s’est guère révélé fructueux. Copé se méfiera de Franck Allisio, comme on le vit en 2012 lorsqu’il l’empêcha de lancer son mouvement interne. En 2013, lors d’une première réforme des statuts de l’UMP, les Jeunes Actifs ne seront même pas reconnus dans le texte qui régit son fonctionnement.
Il y aura aussi toutes ces tentatives infructueuses de trouver une implantation locale, que ce soit dans les Bouches-du-Rhône ou dans le Vaucluse. Il y eut même un vague projet d’implantation dans le IIe arrondissement de Paris… Le fait d’avoir ses entrées dans le parti et d’être un homme de couloirs ne suffit pas. Les barons de l’UMP ne sont pas prêts à partager leur territoire… En outre, Franck Allisio n’a pas eu non plus de vrai protecteur, ce qui pénalise en politique.
Benoît XVI en fond d’écran
Si le souci d’obtenir un mandat électif est patent, il faut se garder d’y voir un pur opportunisme. À travers son ralliement au FN, Franck Allisio veut aussi sanctionner ceux qui l’ont laissé poireauter si longtemps dans les couloirs de l’UMP. Quant aux convictions, elles ne sont pas aussi absentes qu’on voudrait l’affirmer. Franck Allisio n’a jamais caché son hostilité aux dérives sociétales qui ont pu poindre à l’UMP.
Ainsi, sa prise des Jeunes Actifs de l’été 2010 marque une nette volonté de se distancer des accointances gay-friendly de son ancien président, Gilles Laborde. Franck Allisio n’a pas mis sous le boisseau son identité de catholique assumé, comme pouvait témoigner, par exemple, le fond d'écran de son appareil portable : une photo de… Benoît XVI. Il n’est pas (du tout) un partisan du « mariage pour tous ». On ne s’étonnera donc pas de ses affinités avec Marion Maréchal. En même temps qu’il passe à « l’ennemi », Franck Allisio se positionne. Il veut se rapprocher de ceux qui incarnent les catholiques en politique, ce qui ne correspond pas à la ligne Marine-Philippot.
Franck Allisio n’a pas de réseau électoral, ni d’implantation dans la mesure où il n’est pas élu et cherche, justement, à le devenir. Sur ce plan, son départ des Républicains reste une prise mineure pour le FN. Il faudrait parler de second, voire de troisième couteau. En revanche, Franck Allisio est un bon connaisseur des arcanes des Républicains. Il connaît ses responsables politiques, ses instances locales et aussi ses permanents. Ses adversaires aux régionales ont baigné dans un milieu qu’il fréquentait il y a peu. Mais on se doute que dans sa nouvelle étape, Franck Allisio rencontrera de nouveaux adversaires. Au FN cette fois-ci.
Jean-François Beaufay