Depuis douze ans, Charles Simon, un cadre de la SNCF, est payé à ne rien faire ! Il explique avoir été mis au placard après avoir dénoncé la corruption qui règne au sein de l’entreprise. Une histoire vraiment étonnante…
« Minute » : La SNCF vous accuse d’être un tire-au-flanc qui refuse tous les postes qu’on lui propose.
Charles Simon : C’est faux. La SNCF tient à mon égard des propos fallacieux et mensongers. Je n’ai jamais rien refusé. J’ai au contraire postulé à six affectations. Mais à chaque fois, ma candidature a été rejetée.
Quand la SNCF avance que je joue la montre en attendant la retraite, et que j’ai profité du fait qu’un cheminot ne peut pas être licencié, c’est encore un mensonge pur et simple. Un cheminot peut être licencié ! Il y a même statutairement plus de possibilités que dans le secteur privé en fonction de la gravité des faits : licenciement, révocation, congédiement et radiation des cadres. C’est statutaire et vérifiable. En cas d’absence irrégulière, c’est le licenciement qui s’applique. Or mon inactivité régulière n’a jamais été remise en question.
La vérité, c’est que, pour ne pas faire de vagues, la SNCF a préféré depuis 12 ans me mettre à l’écart, me mettre sur la touche !
Revenons à l’origine de cette mise à l’écart. Qu’avez-vous découvert que vous n’auriez pas dû découvrir ?
En 2003, j’ai signalé à ma hiérarchie toute une série de malversations qui causaient un lourd préjudice à l’entreprise publique. L’article 40 du Code de procédure pénale stipule que toute autorité constituée qui acquiert la connaissance d’un délit est tenue d’en aviser sans délai le procureur de la République et de lui transmettre tous les renseignements relatifs. Or cette autorité constituée qu’est la SNCF n’a pas saisi la justice !
En revanche, pour avoir fait ces signalements, j’ai été catalogué comme un élément dangereux. Voilà pourquoi j’ai été placardisé, mis au secret.
Et je vous fais remarquer que dans la campagne de calomnie que la SNCF a lancée contre moi, il n’y a cependant aucun démenti concernant les faits de corruption que je dénonce.
Les faits remontent à 2003. Pourquoi vous réveillez-vous seulement aujourd’hui ?
Parce qu’aujourd’hui, je suis protégé par la loi. Après l’affaire Cahuzac, en 2012, une loi de moralisation de la vie publique a été votée. Elle est là pour protéger les personnes qui dénoncent un scandale : ils obtiennent alors le statut de « lanceurs d’alerte ». Elle stipule qu’aucune personne ne peut faire l’objet de sanction et de mesure discriminatoire pour avoir relaté des faits constitutifs d’un délit. Or c’est mon cas : depuis 2003, je suis victime de discrimination pour avoir relaté des actes de corruption. Je suis un lanceur d’alertes !
Est-ce que vous avez interpellé la classe politique pour lui faire part de votre situation ?
J’ai écrit à tous les parlementaires. Seuls le député Nicolas Dupont-Aignan et la sénatrice socialiste Marie-Noëlle Lienemann m’ont assuré de leur soutien et reconnu que j’étais bel et bien un lanceur d'alertes. En revanche Gérard
Larcher, le président du Sénat, m’a fait répondre par écrit que cela ne le regardait pas car pour lui, il s’agirait « d’une situation particulière dans une affaire qui relève uniquement de la SNCF ». La SNCF est pourtant une entreprise publique dont le fonctionnement regarde tous les Français.
Comme le chantait Charles Trénet, la France est un pays extraordinaire… Mais aujourd’hui, il faut revoir les paroles : c’est un pays extraordinaire où l’on fait des lois pour amuser le peuple.
Propos recueillis par Pierre Tanger
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