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Tartuffe écolo

Le 28 mai dernier paraissait dans le quotidien d’informations économiques « Les Echos » un article très louangeur sur les vingt premiers sponsors de la conférence de Paris sur les changements climatiques, 21e conférence des parties de la convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (COP21) qui se tiendra au parc des expositions du Bourget du 30 novembre au 15 décembre prochain (et dont on n’a malheureusement pas fini d’entendre parler). La veille, le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, avait rendu publique cette première liste d’entreprises « amies du climat » dans laquelle se trouve le tout CAC 40 : Engie (ex-GDF Suez), EDF, Renault-Nissan, Publicis, Suez Environnement, Air France, ERDF, Axa, BNP Paribas, LVMH, Ikea, etc.
Dans le but « de réduire le plus possible l’addition pour le contribuable », l’Etat a en effet sollicité des entreprises dont le soutien, financier ou en nature, devrait couvrir jusqu’à 20 % du coût de la conférence. Bien entendu ce mécénat vise surtout à assurer « un haut niveau d’exigence environnementale à la conférence elle-même » et les entreprises sollicitées fourniront ainsi quelques gadgets verts pour épater la galerie : Nissan offrira des véhicules électriques pour se déplacer « proprement » d’un site à l’autre tandis qu’EDF installera des bornes de recharge et que Suez Environnement se chargera de trier les déchets laissés par les grands de ce monde (les mouchoirs en papier seront dûment recyclés). Qu’ont à y gagner ces entreprises qui vont dégainer leur chéquier ? Un beau « greenwashing » comme disent les Anglo-Saxons, un « éco-blanchiment » dans la langue de Molière (enfin presque), une belle image d’« entreprise écolo » qui leur permettra de vendre plus… et de polluer plus. Le prix demandé pour cette formidable campagne de publicité est, à n’en pas douter, des plus attractifs si l’on en croit le nombre de candidats qui se bousculent pour devenir « mécènes ».
D’après « Le Canard enchaîné » du 2 juin dernier, l’article originel des « Echos » donnait la parole à des ONG pro-environnementales comme Réseau Action Climat qui critiquaient (vertement) la présence de gros pollueurs parmi ces sponsors, et notamment EDF ou Engie dont les centrales à charbon produisent à elles seules près de la moitié des émissions de gaz à effet de serre du pays. Mais la veille au soir, la direction du journal coupait le passage critique pour sortir un article unilatéral à la gloire de ces entreprises amoureuses de la nature. C’est que le jour même, EDF avait acheté six pages de pub dans « Les Echos » De quoi dire les choses avec des fleurs.
Total ne fait, hélas, pas partie des sponsors officiels (ça aurait pourtant été encore plus comique), ce qui n’empêche pas l’entreprise d’avoir lancé depuis quelques mois une formidable campagne institutionnelle qui s’étalera sur trois ans dans 21 pays du monde, touchant potentiellement 450 millions de personnes, sur le thème « committed to better energy » (« engagé pour une énergie meilleure »). Le groupe affirme ainsi bruyamment sa volonté de « produire toujours mieux […] une énergie plus sûre, plus propre, plus efficace, plus innovante et accessible au plus grand nombre ».
Au moment où se tenait l’assemblée générale des actionnaires de Total, il y a quelques semaines, Les Amis de la Terre et l’Observatoire des multinationales publiaient un contre-rapport intitulé : Total : le véritable bilan annuel, mettant à mal la gentille théorie du « gaz propre » diffusée par la multinationale. On y apprenait en effet qu’alors que sa production pétrolière décline depuis dix ans, « plutôt que de véritablement développer les énergies renouvelables, Total affiche sa volonté de forer toujours plus loin et plus profond, quitte à fragiliser l’Arctique, à menacer des parcs naturels africains, à multiplier les risques de marée noire en forant les sous-sols océaniques au large de l’Angola ou du Brésil ».
Au Nigeria, l’entreprise présente depuis les années 1960 a causé un désastre environnemental sur le territoire Egi, dans le delta du Niger, polluant l’air, la terre et l’eau de ce peuple vivant de pêche et d’agriculture. Malgré une interdiction datant de 1984, Total y pratique encore le « torchage du gaz », lequel consiste à brûler, pour des raisons purement économiques, le gaz s’échappant dans l’atmosphère lors des forages pétroliers, avec pour conséquence d’augmenter les émissions de gaz à effet de serre, de polluer l’air et d’entraîner des pluies acides qui aggravent l’approvisionnement en eau potable du peuple Egi. En réponse à ces accusations, l’entreprise affirme avoir les autorisations nécessaires pour « torcher » son gaz… mais se refuse à les rendre publiques.
Si Tartuffe revenait aujourd’hui, à supposer qu’il parle encore en alexandrin, l’imposteur ne dirait certainement plus « Ah ! pour être dévot, je n’en suis pas moins homme » mais plutôt : « Ah ! je suis pollueur mais non moins écolo » !   

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