La prime municipale, qui donne un avantage certain au maire-candidat de la commune principale du canton, quelle que soit sa couleur politique, fonctionne aussi dans les villes conquises l’an dernier par le FN. Les candidats frontistes y ont obtenu d’excellents scores.
Là-dessus au moins, les sondages ne s’étaient pas trompés ! Le 12 mars, un sondage réalisé par l’Ifop pour iTélé, Sud Radio et « Paris Match » affichait un résultat qui n’était pas forcément celui attendu, ou espéré : dans les neuf communes dirigées par un maire membre du Front national ou soutenu par le parti dans lesquelles l’enquête avait été menée, 73 % des habitants se déclarent « satisfaits » de leur maire. Un score déjà tout à fait significatif en soi, car bien évidemment aucun maire n’a été élu un an auparavant avec un tel score, mais en plus cet indice de satisfaction était supérieur de dix points à la moyenne des autres villes françaises de 10 000 à 100 000 habitants !
Cette satisfaction s’est ressentie, largement, dans les urnes ce dimanche lors du premier tour des élections départementales. Toujours très inspirés, nos collègues de « Libération » ont ainsi titré : « Les villes FN toujours plus à l’extrême droite ». A l’appui de cette présentation manquant un peu de finesse, un graphique démontre que dans les dix communes FN et apparentées, le score des candidats frontistes a largement progressé dans le cadre des élections départementales
De bon augure pour la municipale du Pontet
Le meilleur exemple de cette « prime municipale » est sans aucun doute celui du canton du Pontet (Vaucluse) où l’ancien maire Joris Hébrard (photo) et son binôme sont élus dès le premier tour avec 53,70 % des suffrages et même 58,24 dans la commune. Hébrard tient là sa revanche : l’élection a été annulée suite à une action en justice de son opposant UMP Claude Toutain. Or c’est à ce même Claude Toutain que Joris Hébrard vient d’infliger une cinglante défaite, l’abandonnant à 25 %, loin derrière lui. C’est évidemment de bon augure pour la nouvelle élection municipale qui devrait se tenir avant l’été.
Sur les trois cantons emportés par le FN dès le premier tour, un deuxième est aussi lié à la réussite municipale du parti. A Fréjus (Var), les adjoints de David Rachline, Richard Sert et Julie Lechanteux, ont été élus avec 51,17 % des suffrages, laissant loin derrière eux l’UMP à 18 %.
S’ils ont manqué l’élection au premier tour, des candidats FN dépassent en revanche les 50 % sur les parties de leurs cantons respectifs correspondant aux villes emportées en mars dernier. Il en va ainsi de Beaucaire (Gard), où le FN est à 53,68 % (ratant de peu l’élection au premier tour en réalisant l’excellent score de 49,28 % sur l’ensemble du canton), du Luc dans le Var avec 50,65 % pour le binôme frontiste sur la commune, de Cogolin, toujours dans le Var, avec 53,31 % sur la commune pour le premier adjoint Eric Masson, ou encore d’Hénin-Beaumont, dans le Pas-de-Calais, où les frontistes rassemblent 55 % des électeurs.
Le terrain, mieux que BFM TV
Un brin en dessous, mais toujours avec des scores canon et au-dessus du reste du canton, on peut noter les 48 % obtenus par le maire de Villers-Cotterêts (Aisne), Franck Briffaut, dans sa commune et par le maire d’Hayange (Moselle), Fabien Engelmann, dans la sienne, ou encore les 46 % des candidats soutenus par le FN et Robert Ménard à Béziers (Hérault).
Si les 37,21 % obtenus par Cyril Nauth dans sa commune, Mantes-la-Ville (Yvelines), dans le cadre de sa candidature aux élections départementales peuvent sembler plus faibles, il s’agit tout de même d’une progression de sept points par rapport à son élection dans le cadre d’une triangulaire voici un an.
Cette élection départementale a donc pris la forme d’un plébiscite pour l’anniversaire de la première année de mandat des maires FN. Des résultats qui viennent conforter Marine Le Pen dans sa stratégie de « maillage territorial » et d’« ancrage local » inaugurée à Hénin-Beaumont et mise en œuvre dans le cadre du parti par Steeve Briois et son successeur Nicolas Bay. Une stratégie efficace sur le plan électoral et structurel, mais pour le moment trop limitée dans son expansion géographique pour pouvoir suffisamment porter ses fruits, comme le second tour des élections départementales risque sans doute d’en témoigner.
Si Marine Le Pen a toujours eu horreur des « barons locaux » et des féodalités politiques, il semble pourtant évident que les succès à venir du FN doivent aussi reposer sur une armée de cadres locaux disposant de fiefs électoraux.
Comme l’a déclaré le chercheur Nicolas Lebourg à « L’Obs » : « Là où il y a déjà eu un travail d’implantation, les scores sont nettement supérieurs à la moyenne nationale. Aller sur BFMTV du matin au soir comme le fait Florian Philippot, ça donne une visibilité à l’offre mais ça ne fabrique pas des voix. »
Marc Bertric