Fin 2 013 et début 2014, à Marseille, Kaderi, mineur d’origine maghrébine, a tué deux personnes âgées et violé une troisième. Mais le véritable scandale de cette ignoble affaire, que « Minute » dénonce aujourd’hui, est dans le traitement de faveur qui lui a été réservé. Alors qu’il aurait dû être placé dans un établissement spécialisé, Kader était logé, aux frais du contribuable, dans un hôtel de Marseille !
Et de trois ! Ce 5 décembre 2014 à Marseille, Kader, un beur de 17 ans, a été mis en examen pour le viol et le meurtre d’une octogénaire. C’est le dernier épisode d’une trilogie infâme qui s’est jouée il y a près d’un an à Marseille. Le 20 décembre 2013, Jean-Georges, un homme de 69 ans, est attaqué à son domicile par un individu qui le tue à coups de ciseaux. L’autopsie révélera qu’avant d’être assassiné, Jean-Georges a été sodomisé… Le jour de Noël 2013, c’est Viviane, 88 ans, qui reçoit la visite du monstre. Il la viole, lui fracasse le crâne, l’étrangle et la laisse morte. Enfin, le 19 janvier 2014, Micheline, 77 ans, échappe au pire, mais pas à l’ignoble : son agresseur se contente de la violer…
Quelques jours plus tard, un suspect est arrêté : Kader. Il avait 16 ans au moment des faits. Il est rapidement établi que c’est lui qui a tué Jean-Georges et violé Micheline. Et aujourd’hui, confondu par des tests ADN, il est donc mis en examen pour le viol et le meurtre de Viviane. Depuis son arrestation en janvier 2014, Kader est en prison. Mais avant, lorsqu’il commettait ses forfaits, ce n’était pas le cas. Le délinquant était logé à l’hôtel !
La « spirale de la délinquance »
Kader est issu des quartiers Nord de la ville. A neuf mois, il a reçu sur la cafetière une casserole de lait bouillant. Il a eu le crâne brûlé, la cervelle aussi… Dès l’âge de 6 ans, il est pris en charge par l’Aide sociale à l’enfance, qui le place en foyer. Mais avec le temps, ça ne s’arrange pas. Comme disent les spécialistes, il est pris dans la « spirale de la délinquance » : agressivité contre l’ordre établi, fugues, vols, arrachage de colliers… En 2012, la Protection judiciaire de la jeunesse (institution placée sous l’autorité du garde des Sceaux, Christiane Taubira) est chargée de s’occuper de son cas : Kader est transféré dans un centre spécialisé et surveillé.
Mais soudain, c’est l’incroyable scandale de cette histoire : en novembre 2013, Kader, qui, vu son profil, aurait dû être surveillé comme le lait sur le feu, est autorisé à quitter le foyer. Et il est alors logé, aux frais de l’administration donc à celui des contribuables, dans un hôtel de la rue Mazenod dans le IIe arrondissement de Marseille ! Ça paraît fou, mais c’est pourtant ce qui s’est passé !
Pour obtenir confirmation, « Minute » a joint Me Jean-Marc Montanaro (avocat de Kader dans les dossiers Jean-Georges et Micheline), qui nous a assuré que son client logeait bien dans un hôtel au moment des faits : « La chose est vraie. Pour des raisons de politique d’insertion, pour des raisons de manque de place dans les foyers, il arrive que des jeunes soient placés dans des établissements comme des hôtels. En travaillant sur cette affaire, j’ai appris que ça existait. Ça n’a rien d’illégal et ce n’est pas exceptionnel. »
Mais, comme l’admet Me Montanaro, c’est la porte ouverte à toutes les dérives : « Ces jeunes sont toutefois suivis par des référents, par des éducateurs, mais ils bénéficient d’une certaine autonomie, ils jouissent d’une relative liberté. » Et c’est grâce à cette relative liberté que Kader a pu se livrer à ses mortelles randonnées.
Cela amène à s’interroger sur ces placements en hébergement hôtelier. Car, comme le souligne Me Montanaro, ils ne sont pas exceptionnels. Ils sont même très à la mode. On appelle ça l’« hébergement éclaté ».
En mars dernier, le « Journal du droit des jeunes », revue d’action juridique et sociale, consacrait tout un dossier au sujet. Hélène Cornière, assistante sociale confirmée, écrivait ainsi : « Les jeunes à l’hôtel : innovation ou hérésie ? C’est la question qui se pose face à la montée en puissance de la prise en charge hôtelière de mineurs présentant des profils et des difficultés variés. Ce mode d’intervention “d’un nouveau type” reste indéniablement un tabou. Et si on ouvrait enfin le débat ? » Très bonne idée. Mais il faut inviter à la table madame le ministre de la Justice.
« J’ai rarement rencontré quelqu’un d’aussi dangereux ! »
Pourquoi l’Aide à l’enfance et la protection judiciaire ont-ils relâché dans la nature un jeune aussi violent ? Car Kader est violent. Le docteur Daniel Glezer, expert psychiatre qui l’a examiné, n’en est pas revenu : « J’ai rarement rencontré quelqu’un d’aussi dangereux ! » « Minute » a tenté de joindre Luc Charpentier, le directeur à Marseille de la Protection judiciaire. Il a fait le mort.
En revanche, dans « La Provence », s’il n’a pas présenté ses excuses aux victimes et à leurs familles, le directeur a fait un mea culpa, mais collectif : « Ce cas est un échec pour nous tous, juges, aide sociale à l’enfance et protection judiciaire de la jeunesse. » Et Luc Charpentier d’expliquer que, malgré la bonne volonté de ses services, le cas posé par Kader leur avait échappé : « Notre rôle est de faire réfléchir le délinquant sur ses actes et de faire le maximum pour le diriger vers la réinsertion. On alerte aussi régulièrement les magistrats sur des jeunes que l’on sent basculer dans une certaine dangerosité. Mais lui, on ne l’a pas vu venir. »
Trois personnes âgées, elles, l’ont vu venir, mais à leur domicile. Assassinés, Jean-Georges et Viviane ne l’ont pas vu repartir. Quant à Micheline, violée, c’est au nom de la « réinsertion » qu’on a souillé sa vie.
Pierre Tanger
1. Le tueur étant mineur, la législation nous impose de lui attribuer un prénom fictif.