Le XVe congrès du Front national, qui s’est déroulé à Lyon, a-t-il accouché d’une souris ? Une fois retombée la fièvre du week-end, force est de se poser la question, tant il en est peu sorti. Même le vote des adhérents n’aura servi à rien.
Ce congrès était, selon la formule de Marine Le Pen, « le dernier arrêt aux stands avant la présidentielle » vers laquelle tous les efforts sont tendus. Le principal enjeu était le vote des adhérents pour l’élection au comité central : chacun allait pouvoir mesurer sa popularité dans l’appareil, tant sur le plan personnel que sur celui de l’orientation politique. De la ligne national-républicaine, portée par Florian Philippot, et de celle plus libéral-conservatrice, incarnée par Marion Maréchal-Le Pen (et Louis Aliot), laquelle allait triompher ?
Dans les urnes, les militants ont clairement tranché en faveur de Marion Maréchal. Dans les faits… Le paradoxe est que l’élue du Vaucluse, sortie victorieuse du scrutin et de l’applaudimètre, est repartie comme elle était venue : élue du Vaucluse et rien d’autre. Alors qu’elle est plébiscitée par la base, elle ne pèsera toujours d’aucun poids dans l’appareil, ni au bureau exécutif auquel, par une manœuvre de dernière minute visant à lui en fermer l’accès, elle ne siègera pas, ni au bureau politique, où elle ne disposera pas des renforts auxquels elle était pourtant en droit de prétendre. Le comité central, où elle a tout de même obtenu l’entrée de son suppléant, Hervé de Lépinau, et de Marc-Etienne Lansade, le maire de Cogolin (Var), ne compte pas.
Un renouvellement qui n’en est pas un
Sa jeunesse et le lien de nièce à tante l’auraient-ils empêchée d’exiger, sur la base de son incontestable légitimité sortie des urnes, ce que tout autre qu’elle, dans la même position, aurait obtenu sur-le-champ ? Marion Maréchal a fait les frais de l’incontestable savoir-faire de Florian Philippot qui, une fois l’abattement passé après avoir pris connaissance des résultats du scrutin, s’est ressaisi pour transformer son échec en quasi-vote de confiance (sur Florian Philippot, voir aussi p. 5) et reprendre la main, sans aucun égard pour le vote des adhérents. Dans la logique frontiste – et même dans la logique de tout appareil politique –, Marion Maréchal se doit maintenant, par égard pour ses soutiens à la base et par égard pour ceux qui partagent ses analyses, de trouver d’autres moyens de se faire entendre.
Le renouvellement de l’appareil, pourtant annoncé par Marine Le Pen, n’a pas eu lieu non plus, tant le nombre de nouvelles têtes dirigeantes est marginal : un seul changement au bureau exécutif, avec l’entrée de Nicolas Bay en tant que secrétaire général mais dans une configuration qui le place sous la subordination de l’ancien titulaire du poste, Steeve Briois, promu vice-président avec des compétences sur le domaine normalement réservé au secrétaire général ; et neuf départs, seulement, du bureau politique, dont celui de Fabien Engelmann, qui préfigure un lâchage du maire d’Hayange, et celui de Lydia Schenardi, qui laisse supposer que ses jours à la tête de la fédération des Alpes-Maritimes sont comptés. L’entrée d’Aymeric Chauprade au bureau politique ne compense pas son absence du bureau exécutif auquel il était en droit de prétendre.
Tous ces éléments cumulés amènent à penser que ce congrès a finalement créé plus de problèmes pour les mois et même les années à venir – |e prochain congrès se tiendra après la présidentielle – qu’il n’en a résolus et que les tensions internes, au-delà des discours apaisants – pour ne pas dire lénifiants, – vont perdurer et même sans doute s’amplifier à l’approche de l’échéance de 2 017.
Il reste deux ans et demi
Sur le fond, rien n’est apparu non plus et si l’on ne saurait faire grief à Marine Le Pen d’être constante dans ses constats et solutions, ni de ne pas courir après la nouveauté souvent destinée uniquement à donner du grain à moudre aux médias – elle s’est à ce propos livrée à un fort bel éloge du « temps long » par rapport à l’immédiateté des désirs et des besoins –, elle n’a pas non plus donné le coup d’envoi du nécessaire approfondissement du programme du FN et de l’harmonisation entre celui-ci et celui qu’elle portait à la présidentielle de 2012, qui comportent des différences.
Il est toujours difficile de se faire une idée précise de ce à quoi ressemblerait la France sous une présidence de Marine Le Pen, qui a encore consacré une large partie de son discours à décrire ce dont elle ne veut pas – ce qui fait désormais consensus d’entre un quart et un tiers de l’électorat – mais n’a pas expliqué quel serait le périmètre d’intervention du fameux « Etat stratège », ni comment celui-ci s’articulerait avec la liberté d’entreprendre, non plus qu’elle n’est revenue sur cette question pourtant fondamentale sur le « temps long » justement des rôles respectifs impartis à l’Etat et aux collectivités territoriales, des questions qui, justement, relèvent de la fracture entre « nationaux-républicains » et « libéraux-conservateurs ».
A l’automne 2014, il suffit encore, pour mobiliser militants et médias, de clamer avec assurance que l’on figurera au deuxième tour de la prochaine présidentielle et que si l’on est élue, on est en état de gouverner, sans qu’il soit trop apparent que l’on a (beaucoup) gonflé le nombre d’adhérents et que l’on s’appuie sur un réseau de collectifs qui n’a d’autre existence que celle que l’on veut bien leur accorder.
A l’approche de l’échéance décisive, ce sera plus difficile, tant les machines concurrentes se mettront en branle avec tous leurs relais et tout leur pouvoir de persuasion, tant aussi les coups seront plus rudes et plus précis.
Il reste deux ans et demi, mais plus de congrès, pour répondre à toutes les interrogations.
Antoine Vouillazère