Les violences anarchistes et autonomes sont des leurres exploités avec profit par Manuel Valls. Telle est la thèse de notre collaborateur Antoine Ciney, qui la développe dans cette tribune libre.
Le célèbre « La France a peur… » de feu Roger Gicquel serait-il d’actualité ? C’est du moins ce que veulent nous faire croire certains journaux de droite (que nous ne nommerons pas par charité) en montant en épingle les violences réelles, mais limitées à quelques villes (Toulouse, Nantes, Rennes), des quelques centaines de militants autonomes de gauche radicale qui cassent du mobilier urbain et quelques vitrines d’établissements bancaires. On joue ainsi à faire peur aux bourgeois par l’emploi répété de quelques mots clefs censés lui rappeler Mai 1968 comme « la chienlit » ou « les enragés ». Bientôt on nous ressortira « les katangais » ! De qui se moque-t-on ? Le barrage de Sivens n’est pas la Sorbonne du joli mois de mai.
Du Parti socialiste au Front national en passant par l’UMP, on n’a de cesse de s’indigner de ces casseurs. Bientôt, l’opposition saluera-t-elle le travail répressif du premier ministre oubliant un peu vite qu’en 2013, le même Manuel Valls, alors ministre de l’Intérieur, réprimait avec vigueur les militants, bien plus nombreux, de la Manif pour tous ? L’UMP et le FN oublient un peu vite que faire de la politique, c’est désigner l’adversaire, en l’occurrence le gouvernement socialiste et radical-socialiste, et non pas d’épouser ses leurres.
C’est le « piège de la torpille » : une fois que le coup est lancé (l’antigauchisme primaire), la majorité largue ses contre-mesures (en l’occurrence la répression) et les gesticulations du lanceur se perdent dans l’immensité de l’océan. Il faudra bien renoncer un jour à être la droite la plus bête du monde.
Tout n’est pas à jeter
Mis judiciairement hors de cause dans l’affaire dite de Tarnac, du nom du village de Corrèze où vivaient les principaux protagonistes, Julien Coupat, 40 ans, a fait sa réapparition dans les manifestations qui ont suivi la mort dans le Tarn de Rémi Fraisse, tué par une grenade des forces de l’ordre.
Coupat est l’un des probables animateurs du Comité invisible, auteur en 2007 de L’Insurrection qui vient, pamphlet dissident bien troussé. A la fin des années 1990, on trouvait déjà son nom dans l’audacieuse revue « Tiqqun », dans un esprit alliant les références situationnistes (le mouvement intellectuel de Guy Debord) et non-conformistes (notamment la pensée écologiste décroissante de Jacques Ellul et Bernard Charbonneau).
Le Comité invisible a publié en octobre 2014 un nouveau texte sobrement intitulé « A nos amis ». Visiblement, les derniers mois et les dernières années ont plongé dans un désespoir presque total cette frange intellectuelle de l’ultra-gauche. Ceux que nous avons pu rencontrer semblent atteints de paranoïa aiguë. Ils voient des policiers partout. Pourtant les effectifs de ces derniers n’augmentent pas, bien au contraire. Les violences radicales de la gauche ne sont pas annonciatrices d’une structuration politique d’ampleur nationale (et elles ne peuvent avoir de débouchés électoraux).
Tout ceci nous oblige à conclure, comme les rapports des services de renseignement le font, que nous assistons à une sorte d’été de la Saint-Martin (qui se fête le 11 novembre), ou, pour paraphraser Joe Dassin, d’été indien du gauchisme. Retranchés dans les quelques ZAD (zones à défendre) que sont Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique), Calais (Pas-de-Calais) et Sivens (Tarn), s’opposant tant bien que mal, qui à un aéroport, qui à un centre de rétention, qui encore à un barrage, les derniers bataillons de l’extrême gauche ont le moral à zéro. Infiltrés par la police, visités par les journalistes tels des animaux en cage, épuisés par la vie sauvage (plus que par le travail), ces idéalistes sont au bord de la dépression finale. Qu’il s’agisse d’antifas ou d’écologistes radicaux.
Pour Valls, c’est du pain bénit. Il s’agit d’une affaire assez simple à mener. La seule chose que redoute le ministère de l’Intérieur, c’est un embrasement des banlieues, sur fond d’immigration massive, d’islam conquérant et de misère sociale.
L’ennemi, c’est Valls
Bien au contraire, en 2013, les jeunes de la Manif pour tous, issus des rangs de la droite, avaient le sourire aux lèvres quand ils lançaient leurs maigres projectiles sur les forces de l’ordre. Ils savaient bien que lorsqu’il y a du désordre au sommet de l’Etat, que lorsqu’on promulgue des lois iniques, il ne faut pas s’étonner qu’il y ait du désordre dans la rue. Aujourd’hui, on cherche à faire croire à leurs parents qu’il existe encore un ordre républicain sur lequel Manuel Valls veillerait.
Peu importe que l’immense majorité des gauchistes impliqués soit internationalistes et s’affirment anarchistes. Ils sont très peu. Ils ne représentent pas une force dangereuse. Ils recrutent peu. Ils sont seulement le nouvel alibi répressif du pouvoir socialiste. Les cerveaux de droite bien nés et bien formés ne tomberont pas dans le panneau. L’ennemi, c’est le système socialiste. L’ennemi, c’est le gouvernement de Manuel Valls qui tente de bâillonner toute opposition. Comme disait le président Mao : « Feu sur le quartier général ! »
Antoine Ciney