« Libération » et l’AFP disaient James Wright Foley entre les mains du régime de Bachar Al-Assad. Raté, une fois de plus… C‘est bien sous la lame d’un djihadiste de l’Etat islamique, l’ex-EEIL ayant établi son fameux califat à cheval sur l’Irak et la Syrie, que le journaliste américain a perdu la vie. Egorgé… par un rappeur londonien !
Le photojournaliste free-lance James Foley avait été kidnappé le 22 novembre 2012 à Binesh, en Syrie, alors qu’il sortait d’un cybercafé. Accompagné d’un traducteur qui l’avait aidé à passer la frontière turco-syrienne, il était décidé à couvrir la guerre faisant rage entre « rebelles » et troupes du régime d’Assad. Si son traducteur avait été relâché quelque temps plus tard, c’est après presque deux ans de captivité que James Foley est donc réapparu, pour les dernières minutes de sa vie, l’Etat islamique se servant de lui pour adresser « A message to America » via la vidéo de son assassinat diffusée le 19 août par l’organisation islamiste.
Son assassinat diffusé par vidéo
La séquence de 4,40 minutes s’ouvre sur les déclarations du président américain Barack Obama annonçant les frappes aériennes américaines contre les positions de l’Etat islamique, puis livre des images des bombardements en question. Le message à l’Amérique démarre alors, avec une caméra fixée sur deux hommes au milieu d’une étendue désertique. A genou, dans une tenue de prisonnier orange et le crâne rasé, James Foley, et, debout à ses côtés, un djihadiste intégralement vêtu de noir et le visage masqué, portant un pistolet dans un étui de cuir et un couteau à la main. La tenue orange de James Foley fait évidemment penser à celle de Guantanamo, où sont gardés les terroristes islamistes présumés les plus dangereux, et que Barack Obama avait promis de fermer, sans jamais le faire.
James Foley est le premier à parler, récitant un texte rédigé par ses geôliers. En effet, celui-ci désigne ses « vrais meurtriers » comme étant « le gouvernement US » et met même en cause son propre frère, aviateur dans l’US Air Force. A plusieurs reprises, sa voix s’étrangle. Le djihadiste prend la suite, déclarant que des attaques ont eu lieu ce jour même contre l’Etat islamique, et qu’il s’agit donc d’une agression contre tous les musulmans. Puis, s’adressant à Obama, il l’accuse de nier le droit des musulmans à vivre dans leur propre Etat et déclare que ce comportement fera couler le sang des Américains. Joignant le geste à la parole, l’homme en noir commence à égorger l’otage…
Sur l’image suivante, la tête de James Foley, décapité, est posée sur son dos… Ames sensibles s’abstenir, mais c’est bien là le but de toute la propagande de l’EI : faire peur. En conclusion, le djihadiste présente un autre prisonnier à genou, et s’adressant à nouveau au Président américain, lui dit que la vie de son concitoyen est entre ses mains. Le prisonnier serait Steven Sotloff, un autre journaliste capturé à la frontière turque en 2013.
Un maniaque de la décapitation
La vidéo est très professionnelle, presque hollywoodienne. Mais ce qui a le plus attiré l’attention des analystes, c’est l’accent de l’égorgeur : pas un accent arabe, mais tout au contraire un accent londonien très prononcé ! Interrogé dans « The Guardian », le professeur Paul Kerswill, expert en linguistique à l’université de York, a jugé que l’homme s’exprimait dans un « anglais londonien multiculturel » typique des quartiers Est de Londres, ajoutant : « L’homme semblait avoir une intonation d’origine étrangère que l’on retrouve souvent dans cette partie de la ville chez les habitants issus de divers horizons. »
Un autre universitaire, le professeur Peter Neumann, dirigeant le Centre international pour l’étude de la radicalisation au King’s College de Londres, a estimé que l’État islamique avait délibérément choisi de mettre en scène un djihadiste anglophone, et non un Arabe, pour augmenter l’impact psychologique dans les pays occidentaux. Et cela a fonctionné…
Toute l’Angleterre s’est mise à chercher qui était le mystérieux djihadiste « cockney » (du nom des habitants de l’Est de la ville). L’égorgeur a été identifié comme le membre d’un groupe de djihadistes anglophones chargés de garder les otages à Raqqah, en Syrie, l’un des bastions de l’Etat islamique.
Dimanche, s’appuyant sur des sources des services secrets britanniques, c’est le « Sunday Times » qui a fait des révélations sur l’identité présumée du djihadiste. Il s’agirait d’Abdel-Majed Abdel Bary, un jeune homme de 23 ans d’origine égyptienne ayant quitté le Royaume-Uni l’an dernier pour rejoindre le djihad en Syrie. L’homme avait récemment publié sur les réseaux sociaux une photo de lui tenant la tête d’un homme décapité…
Avant ce départ pour la Syrie, ce sont des vidéos d’un autre genre dont Abdel-Majed Abdel Bary était le protagoniste : on peut retrouver sur la plateforme YouTube plusieurs de ses vidéos en tant que rappeur ! Il était alors L. Jinny ou encore Lyricist Jinn ! Pas encore « Djihadist John » comme le surnomment ses comparses en Syrie…
Abdel-Majed Abdel Bary n’habitait en fait pas dans les quartiers ouvriers de l’Est londonien, dont il a sans doute adopté l’accent pour être un rappeur davantage « street credible », mais à l‘ouest de la ville où il occupait même une luxueuse maison à un million de livres (plus de 1,2 million d’euros), appartenant au Conseil de la commune de Westminster. Il y logeait avec sa maman, qui avait quitté l’Egypte pour l’Angleterre en 1990 après que son mari, Adel Abdel Bary, y eut obtenu le statut… de réfugié politique.
Mais le rappeur-djihadiste était privé de son père depuis octobre 2012 : celui-ci avait été extradé par le Royaume-Uni vers les Etats-Unis ! Le « réfugié », considéré comme un important lieutenant d’Ousama Ben Laden, encourt 18 peines de prison à vie, notamment pour son implication présumée dans les attaques contre les ambassades américaines en Tanzanie et au Kenya en 1998, qui avaient fait un total de 224 morts et 5 000 blessés !
L’imam extrémiste britannique Anjem Choudary, ancien leader de « Shariah for UK » (« La charia pour l’Angleterre ») a été présenté comme le responsable de la radicalisation d’Abdel-Majed Abdel Bary. Sur son propre compte Twitter, Choudary a nié connaître Abdel-Majed Abdel Bary tout en déclarant dans un entretien avec le spécialiste français du djihadisme Samuel Laurent que l’ex-rappeur était bien l’égorgeur et que son action s’inscrivait, selon lui, dans la droite ligne du Coran.
Le même Samuel Laurent, auteur des livres Al-Qaïda en France et Sahélistan, a aussi estimé que le nombre de 900 djihadistes venant du Royaume-Uni était largement sous-évalué, considérant que l’Angleterre est le cœur du salafisme en Europe. La menace est en tout cas prise au sérieux par les autorités britanniques et la mesure de déchéance de la nationalité britannique pour les djihadistes est soutenue par le Premier ministre David Cameron tout autant que par George Carey, ancien archevêque de Canterbury (le second chef de l’église anglicane après le monarque) ou encore par le maire de Londres, Boris Johnson.
Le « Daily Mail » rapportait en février 2013 qu’entre 2002 et septembre 2012, 21 djihadistes (dont 16 nés au Royaume-Uni) engagés dans divers groupes islamistes sur le continent africain s’étaient vu retirer leur nationalité britannique, certains étant même par la suite éliminés lors d’attaques par des drones américains.
A la suite du meurtre de James Foley, le ministre des aAfaires étrangères britannique Philip Hammond a déclaré : « Les djihadistes britanniques qui combattent aux côtés de l’État islamique sont en trahison totale avec ce pour quoi le Royaume-Uni se bat […] Un jour ou l’autre, ils chercheront à nous frapper sur le sol britannique. » Un risque bien réel auquel Aymeric Chauprade, député au Parlement européen et conseiller de Marine Le Pen pour les questions internationales, a proposé dans son récent manifeste d’apporter une réponse radicale : « Il revient la responsabilité à chaque nation européenne (France, Royaume Uni…) d’éliminer ses ressortissants djihadistes avant qu’ils ne reviennent. »
Lionel Humbert