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Le problème, c’est Hollande

Arnaud Montebourg, ministre de l’Economie, était en désaccord avec la politique économique de la France ! Dont acte. Le résultat est un éclatement du PS et un très net raidissement de l’exécutif. Mais le problème majeur demeure : Hollande lui-même.

Arnaud Montebourg aura au moins réussi quelque chose dans sa vie : faire sau­ter un gouvernement de gauche ! Un véritable tour de force, accompli en quelques jours, alors que des millions de Français mobilisés contre le « mariage pour tous » n’y sont pas parvenus en bientôt deux ans de contestation ! Montebourg a même permis à Manuel Valls d’entrer dans le livre des records : si l’on excep­te les « gouvernements provisoires » installés le temps que se déroulent les élections législatives (ainsi que le troisième gouvernement Messmer, écourté en raison du décès de Georges Pompidou), le premier gouvernement Valls aura été le plus court de tous les gouvernements de la Ve République ! Même Edith Cresson, en 1991-1992, avait tenu plus longtemps… Ce devait être un « gouvernement de combat » et voilà qu’on change de combattants en pleine guerre…

Vers les décrets et ordonnances
Face à la fronde menée par Arnaud Montebourg pour exiger un changement de politique (dont celle du ministre de l’Economie qu’il était !), François Hollande et Manuel Valls ont choisi la manière forte, celle que prévoient les institutions de la Ve République ainsi que le chef de l’Etat l’avait d’ailleurs annoncé en janvier par la voix de Najat Vallaud-Belkacem à la sortie du premier conseil des ministres de l’année : le président de la Républi­que, avait-elle dit, a demandé aux mi­nistres « de faire de sorte de ne passer par la loi que quand cela est strictement indispensable, et de veiller pendant ce temps-là à faire avancer les dossiers par d’autres moyens : par des décrets, des ordonnances ». La porte-parole du gouvernement avait ajouté : « Il y a bien d’autres moyens de réformer notre pays et de faire progresser les sujets » que la voie parlementaire.
Le propos, qui aurait fait scandale sous un pouvoir de droite, n’avait guè­re suscité de remous, et c’est bien la seule méthode qui reste à François Hollande, avec l’article 38 de la Cons­titution, qui permet au gouvernement de se passer du vote de l’As­semblée nationale durant plusieurs mois dans des domaines qui sont normalement ceux du pouvoir législatif : « Le gouvernement peut, pour l’exécution de son programme, demander au Parlement l’autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi. »
Le Parlement peut certes lui refuser cette délégation de pouvoir mais Hollande et Valls misent là sur un autre facteur : la peur qui saisirait les députés socialistes, au moment de refuser au gouvernement le pouvoir de gouverner par ordonnances, d’une dissolution de l’Assemblée nationale qui entraînerait des élections législatives anticipées à l’issue desquelles ils seraient balayés. La majorité, de moins en moins majoritaire mais pas encore battue, donnera-t-elle une dernière chance au tandem exécutif ?
Le « vote de confiance » des parlementaires, auquel Manuel Valls s’était soumis après sa nomination, le 8 avril, n’est pas une obligation et il est fort probable que, cette fois, après avoir constitué son gouvernement, il ne s’y prête pas, obligeant les députés socialistes, s’ils ne voulaient plus de lui, à vo­ter une motion de censure… qui entraînerait une dissolution. Retour aux états d’âme alimentaires…
 
La probabilité d’une autre gauche
En somme, plus l’impopularité croît – Hollande est à 17 % d’opinions favorables… –, plus les troupes de fantassins se réduisent, plus les gradés contestent les décisions du haut commandement, plus le pouvoir se bunkerise, s’arc-boutant sur ses certitudes et s’appuyant sur les outils institutionnels dont il dispose pour contraindre la réalité à se plier à ses manies et étouffer la contestation. Après tout, Valls, qui avait obtenu 5,63 % à la primaire socialiste de 2011 (17,19 % pour Montebourg) est bien devenu premier ministre…
Lors du vote de confiance du 8 avril, seuls onze élus socialistes avaient manqué à l’appel, et encore leur opposition à la politique annoncée par Manuel Valls s’était-elle traduite par une abstention. Moins d’un mois plus tard, le 29 avril, appelés à se prononcer sur le pacte de stabilité, les abstentionnistes socialistes étaient devenus quarante et un. Ils seront encore trente-cinq en juillet à refuser de voter la loi rectificative sur la Sécurité sociale. Avec les derniers départs – et notamment celui de Benoît Hamon qui dispose de réseaux au sein du PS –, le nombre a dû doubler.
Hollande est ultraminoritaire dans l’opinion, Valls est minoritaire à l’Assemblée, la politique gouvernementale est tout aussi minoritaire au Parti socialiste… et rien ne change ! Le problème, c’est que « le problème, c’est Hollande », ainsi que n’hésitent plus à le dire les barons du PS, députés, sénateurs, présidents de conseils régionaux… Et que, sous la Ve République, quand le problème, c’est le chef de l’Etat, il n’y a pas de solution.
Une large partie des propos formulés par Arnaud Montebourg sont justes et ceux qui ont entraîné sa chute (« Dans un contexte de reprise, le seul îlot kafkaïen est la zone euro, où les leaders des pays membres s’obstinent à mener des politiques qui bloquent la croissance et empêchent le chômage de baisser ») sont d’ailleurs plus modérés que ceux qu’il avait tenus en juillet (« Le conformisme gouverne »…).
Une partie de ceux avancés par Cé­cile Duflot le sont aussi et on n’a pas assez souligné la concomitance de ses piques contre Hollande avec les propos de Montebourg,. Dans son livre De l’intérieur, voyage au pays de la désillusion (Fayard), paru ce lundi, Cécile Duflot relate les opérations concertées menées, début 2013, entre… Arnaud Montebourg, Benoît Hamon et elle pour tenter d’infléchir Hollande. Puis elle se rend à l’évidence : « Ils croient à la politique qu’ils mènent », écrit-elle en un pluriel qui réunit Hollande et Ay­rault.
Avec le départ du gouvernement de Montebourg, Hollande perd à peu près tout ce qu’il y avait à sauver de son équipe et prend le risque de mettre à mort le Parti socialiste, dans lequel il interdit tout débat – et donc tou­te refondation – depuis dix-sept ans, depuis que, en 1997, il en était devenu premier secrétaire. Tous les facteurs sont réunis pour que naisse, à côté du PS ou de son cadavre, une autre gauche.
Le week-end prochain a lieu la tra­ditionnelle université d’été du PS à La Rochelle. Jean-François Cambadélis, premier secrétaire du PS, voulait en faire « une université pas comme les autres ». Là, c’est réussi.   
Marc Bertric

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