Ils partent par centaines mener leur guerre sainte en Syrie ; ils sont des milliers à afficher leur patriotisme algérien dans nos rues dès qu’un « fennec » envoie un ballon de cuir dans des filets de football ; pourtant nous avons déjà tous entendu quelqu’un nous asséner cette sentence qui se voudrait une vérité définitive : « Ils sont aussi français que vous ! » Et s’il existait dans le dispositif législatif des moyens de rappeler à tous que, non, ce n’est pas exactement le cas ?
Nous constatons depuis des années, et le phénomène ne fait que s’amplifier à travers une communautarisation à vitesse grand V des populations immigrées, l’échec patent tant de l’intégration à la sauce libérale (le simple fait de se tenir à carreau et d’avoir une situation socio-économique stable suffisant à être un « bon Français ») que de l’assimilation républicaine si chère à Eric Zemmour ou à Marine Le Pen. D’ailleurs la présidente du FN elle-même, pourtant la dernière désormais à réellement défendre et prôner cette « tradition », en vient à considérer l’assimilation comme quasiment impossible non seulement face à l’afflux d’immigrés mais aussi, et c’est notable car souvent absent de la rhétorique de nombre de ses lieutenants ou caporaux, face à la trop grande distance existant entre leur culture et la nôtre.
Ainsi, lors du discours de clôture de ses Journées d’été pré-présidentielle tenues à Nice en septembre 2011, Marine Le Pen avait affirmé dans un discours très dur sur la question migratoire : « Cette arrivée massive en un temps très bref, vingt ou trente ans, de femmes et d’hommes ayant pour une grande majorité une culture très différente de la nôtre rend toute assimilation inopérante, voire impossible. »
A l’époque, un de ses proches conseillers nous avait confié qu’elle avait écrit ce discours elle-même. Il est vrai qu’on peine à retrouver dans cette phrase la plume de Florian Philippot, même si on peut toujours espérer qu’à la lumière de certains événements récents, celui-ci se soit enfin départi de ses œillères post-chevénementistes pour accepter, comme sa patronne lors du discours cité, la réalité de quelques considérations et constats d’ordre plus ethno-culturel.
Syriens ? Musulmans ? Français ?
En effet, c’est notamment face au départ de près d’un millier de jeunes « Français » musulmans pour le djihad en Syrie (ce qui en fait le premier pays pourvoyeur de combattants islamistes en Europe, avec près de deux fois plus de départs que le Royaume-Uni par exemple d’après la publication « Foreign fighters in Syria » de l’agence d’intelligence économique et de renseignement privé Soufan Group en juin 2014) que la question du rapport à la nationalité française d’un certain nombre de jeunes d’origine immigrée est revenue dans le débat ces dernières semaines.
Dès le tout début du mois d’avril, le Bloc identitaire qui avait lancé une pétition et une campagne militante pour réclamer la déchéance de la nationalité pour les djihadistes de nationalité française engagés en Syrie face aux troupes du régime de Bachar Al-Assad. Une position reprise par Florian Philippot, puis par Marine Le Pen elle-même, et aussi appuyée par une question au gouvernement du député-maire d’Orange Jacques Bompard.
Dans celle-ci, le leader de la Ligue du Sud, demandait au ministre de l’Intérieur de s’appuyer sur les articles 25 et 25-1 du Code civil permettant la déchéance de nationalité d’une personne s’étant livrée « à des actes incompatibles avec la qualité de Français et préjudiciables aux intérêts de la France » s’étant « produits antérieurement à l’acquisition de la nationalité française ou dans le délai de dix ans à compter de la date de cette acquisition » pour priver de leur nationalité française les djihadistes.
Rappelons en effet qu’en France le droit du sol n’est pas « intégral » et que les enfants d’étrangers nés sur le sol français n’acquièrent pleinement la nationalité française qu’à leur majorité. Ainsi, par exemple, dans le cadre d’un djihadiste de 23 ans, donc Français de plein droit depuis seulement cinq ans, cette solution proposée par Jacques Bompard pourrait s’avérer opérante. Mais cela si, et seulement si, le sympathique djihadiste en question est binational, car les accords internationaux (et la Déclaration universelle des Droits de l’Homme) interdisent de « créer » des apatrides. Pour mémoire, Merah et Nemmouche (photo page 4) cumulaient tous deux nationalités française et algérienne.
On pourrait en venir à considérer que, finalement, ce ne serait pas forcément une si bonne idée d’interdire la binationalité car celle-ci reste un levier d’action à notre disposition. Et si on leur donnait le choix, il est probable que beaucoup de binationaux choisiraient la nationalité qui les arrange le plus sur le plan matériel en n’en pensant pas moins sur le plan affectif. En clair : une nationalité pour les allocations et une autre pour le ballon rond !
Que Manuel Valls aille au bout !
Avec le temps de retard inhérent à la droite hexagonale, dans la foulée de l’affaire Nemmouche, trente-sept députés UMP ou apparentés ont déposé une proposition de loi réclamant expressément la déchéance de la nationalité française pour les djihadistes. L’idée a aussi fait son chemin du côté de la communauté juive, sans doute la plus menacée et concernée par la question aujourd’hui comme la tuerie de Bruxelles l’a bien démontré, et esquissée par la responsable du Crif Midi-Pyrénées Nicole Yardeni puis par son président Roger Cukierman, avant d’être affirmée clairement par l’avocat et essayiste Gilles-William Goldnadel.
En 2010, lorsque Nicolas Sarkozy avait proposé de « réévaluer les motifs pouvant donner lieu à la déchéance de la nationalité française », lors du fameux discours de Grenoble, Manuel Valls avait dénoncé un « débat nauséabond ». Désormais premier ministre, et confronté tant aux événements qu’à la colère populaire, le même Valls déclarait début juin sur RMC : « Nous pouvons déchoir de la nationalité ceux qui s’attaquent aux intérêts fondamentaux de notre pays. Il n’y a pas de tabou. »
Cette « atteinte aux intérêts fondamentaux » est évoquée dans l’article 25 du Code civil déjà mis en avant par le député Bompard, mais notre droit réserve aussi d’autres possibilités. En effet, dans le même Code mais deux articles avant, au 23-7, nous pouvons lire : « Le Français qui se comporte en fait comme le national d’un pays étranger peut, s’il a la nationalité de ce pays, être déclaré, par décret après avis conforme du Conseil d’Etat, avoir perdu la qualité de Français. »
Prendre les armes – que cela soit au sein d’une hypothétique Armée Syrienne Libre ou au nom d’une nation qui s’appellerait l’oumma, la communauté des croyants, et dont l’EEIL serait l’armée – contre un Etat souverain auquel, jusqu’à plus ample information, la France n’a pas déclaré la guerre –, n’est-ce pas se comporter comme le « national d’un pays étranger » ? Ou bien encore s’afficher en tout temps et en tout lieu comme un Algérien – et très fier de l’être de surcroît – alors qu’on a été nourri, logé, blanchi (enfin naturalisé) par la France depuis sa naissance, n’est-ce pas se comporter comme le « national d’un pays étranger » ?
Le courage plus utile que les lois
Un certain nombre de solutions existent donc dans notre Code civil actuel. La question se pose alors : est-ce de nouvelles lois dont nous avons besoin ou plutôt de femmes et d’hommes suffisamment courageux pour les appliquer ? Que l’on parle de juges ou de gouvernants.
En réalité, si Valls et tous les autres allaient au bout – c’est-à-dire faisaient passer la sécurité des Français avant toute autre considération –, cela reviendrait pour eux à remettre en cause une part entière du mensonge idéologique sur lequel ils ont assis leur pouvoir tout en ouvrant notre pays à l’immigration massive et incontrôlée. Car la nationalité ne peut pas se résumer à un acte administratif et est fondamentalement liée à l’identité.
C’est d’ailleurs le message très évident que nous adressaient dimanche soir à l’occasion d’une rencontre footballistique ces « Franco-Algériens » qui ne brandissaient pourtant, sur les Champs-Élysées ou ailleurs en France, qu’un seul drapeau, celui de leur vraie patrie : l’Algérie.
Lionel Humbert