Un défilé de carnaval dans les rues, le Vendredi saint, jour de la crucifixion du Christ ? C’était le programme proposé par les MJC, maisons de la jeunesse et de la culture, d’Annecy. La mobilisation discrète mais efficace des catholiques locaux, relayée par les élus d’opposition, a permis l’annulation des festivités.

Rien n’avait filtré jusque-là. Le 16 avril, deux jours avant l’événement, c’est un tweet inquiet de Denis Duperthuy, conseiller municipal so­cialiste d’Annecy, qui révèle l’affaire au grand public et à la presse. « La présence du FN au conseil se fait-elle déjà sentir ? La ville annule le carnaval des enfants car il tombe un Vendredi saint… Choqué ! »
Les faits sont exacts. Le maire UDI d’Annecy, Jean-Luc Rigaut, a fait annuler le carnaval des jeunes. Celui-ci, pré­vu dans un premier temps le 22 mars, avait été reporté pour cause de mauvais temps. Le choix des responsables des MJC locales s’était donc porté sur le vendredi 18 avril, qui était cette année le Vendredi saint. Les enfants devaient même se rassembler… juste derrière la cathédrale ! Erreur ! Une erreur qui n’est pas due, soyons honnêtes, à une quelconque provocation, mais simplement à une ignorance crasse des traditions religieuses de notre pays…
Face à la polémique lancée par la gau­che locale, le maire a eu du mal à assumer sa décision de reporter le carnaval. Comme le 18 avril est à la veille d’un week-end de trois jours, « les enfants ne seront pas là », affirmait-il sérieusement aux caméras de France 3 ! Cela n’a pas suffi à rassurer les socialistes ni l’extrême gauche, qui n’ont pas cru un instant à l’argumentation de l’édile. Celle-ci était, avouons-le, un peu faible…

Une ville centriste depuis les années 1950
Ainsi, le NPA local a appelé ses sympathisants à se réunir devant la mairie, le jour même du carnaval, « avec des masques, des déguisements, des casseroles pour faire entendre au maire d’Annecy leur refus de l’injustifiable » ! Moins d’une tren­taine de personnes répondront à l’appel… Quant à Denis Duperthuy, il s’est dit « convaincu que cette affaire touche aux principes, et en particulier au principe de laïcité, que nous devons défendre contre toutes les attaques, venues des franges les plus réactionnaires ». Répondant à des con­frères, il reprochait au maire d’avoir cédé devant « une frange radicale du catholicisme » ! Dans le viseur du socialiste : les élus d’opposition Front national et divers droite.
Il est vrai qu’à Annecy, les dernières élections municipales ont été marquées par un vrai séisme. Au soir du premier tour, le 23 mars, le candidat « bleu ma­rine », Thomas Noël (photo), est arrivé en deuxième position, avec plus de 16 % des suffrages. Du jamais vu dans cette ville très centriste depuis les années 1950 ! Or en Haute-Savoie, Thomas Noël, fidèle à son patronyme, s’était fait connaître comme le dynamique porte-parole de… La Manif pour tous. « Il a le don de la réplique et le sens de la formule, comme s’il avait été élevé à l’école Le Pen », avait d’ailleurs noté la presse locale pendant la campagne municipale. Père de six enfants, âgé de 38 ans, il conduisait une liste « bleu marine » très marquée « famille ».
Derrière lui était arrivés la gauche, divisée entre écologistes et socialistes, mais aussi Alain Bexon, à la tête d’une liste divers droite qui regroupait également des responsables et militants de La Manif pour tous ! Au deuxième tour, à eux deux, avec leurs profils très « fa­mille – manif pour tous », Noël et Bexon pèseront presque 30 % ! Ce sont eux qui, pour la première fois, ont obligé Jean-Luc Rigaut, maire depuis 2007, à un deuxième tour dans une quadrangulaire. La gauche, alors réunie, a obtenu à peine plus de 25 % des voix…

« Ça fait 2 000 ans que c’est comme ça »
C’est d’ailleurs Alain Bexon et une élue du groupe « Annecy pour la Vie » qui écriront au maire, le lundi 14 avril, cinq jours avant l’événement, pour lui demander l’annulation du carnaval. « Pour une très grande partie des Annéciens, ce jour est particulier puisqu’ils commémorent la crucifixion de Jésus-Christ avant la fête de sa Résurrection », rappelait le conseiller municipal dans un communiqué. Et il ne sera pas le seul à écrire. A l’hôtel de ville, les courriers et mails afflueront, créant un effet boule de neige. Résultat : le problème sera sou­levé en réunion de majorité UMP-UDI, avec la décision que l’on connaît.
Si la gauche râle, à droite, on se réjouit tranquillement et sans triomphalisme. « Nous approuvons la décision du maire d’Annecy qui a entendu notre supplique et certainement celles d’autres Annéciens indignés par ce choix de date », a ainsi déclaré Alain Bexon. C’est « une bonne nouvelle pour de nombreux chrétiens d’Annecy : l’annulation d’un événement incompatible avec les commémorations du Vendredi saint ! Pour eux, ce vendredi est un jour de deuil, pas de fête. Et cet héritage chrétien appartient au patrimoine culturel de la France », commente, de son côté, Thomas Noël. « Je suis désolé pour les organisateurs, nous confie le conseiller FN, mais ça fait 2 000 ans que c’est comme ça. »
« On n’avait pas pensé à ça ! », regrette un responsable d’une MJC d’Annecy à la presse locale. L’année prochaine, sans aucun doute, ils y penseront…  
Jean Masson