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Le planqué

Depuis quelques semaines, je reçois « L’Express ». « Minute » arri­ve désormais accompagné. Oh, je sais bien comment ça va se terminer. Au bout de trois mois, douze numéros, on va m’envoyer un courrier pour me proposer une offre exclusive personnalisée avec un prix barré, un deuxième prix barré, et un gros prix en rouge comprenant l’abonnement pour un an + l’abonnement web/tablette/mobile + une cafetière électrique + un autoradio + un livre de re­cettes de cuisine du monde + un stylo à encre série limitée si je réponds dans la journée, le tout représentant une réduction exclusive, et pour tout di­re démentielle, de 69 %. Telles sont les lois universelles du commerce qui nécessitent dans un premier temps d’appâter le chaland avant de lui fourguer la camelote, exactement comme une fille de joie dévoile sa jolie cuisse emballée dans un bas résille avant d’annoncer son tarif. L’ennui, c’est que la jo­lie cuisse de « L’Express » a la figure d’un nain de jardin atroce que l’on découvre après les six premières pages de pubs dans l’édito qu’il signe toutes les semaines : Chris­tophe Barbier.
Avec sa bouille de vieux bébé savant trop grande pour son corps d’insecte, l’hybri­de balade sur tous les plateaux télé son horrible écharpe rouge qu’il exhibe fièrement et qui est pourtant à elle seule le plus beau symbole de toutes les compromissions du journalisme à la botte. Celle-ci lui a en ef­fet été offerte par Carla Bruni à son mariage avec Yamini Lila Kumar-Cohen, militante de gauche, ex-communicante politique d’Eu­ro RSCG et directrice actuelle de la communication de la marque de luxe Hermès, qui vient au demeurant de pondre un film grotes­que où elle met en scène son nain de jardin préféré en grande conversation avec Benjamin Biolay ! (Doutes, « un film aussi vain que hautain », selon la critique du « Monde » du 11 novembre dernier).
Show-biz, politique, communication, endogamie, luxe, fric et niaiserie : ce sont toutes les va­leurs de la gauche bourgeoise en phase terminale qui sont inscrites dans cette écharpe rouge, dont certains authenti­ques socialistes du passé se seraient d’ailleurs probablement servis pour his­ser joyeusement son propriétaire à quelques centimètres du sol.
Il y a ceux qui, s’essayant à la synthèse, tentent de combiner le meilleur de la gauche historique (le social) avec le meilleur de la droite traditionnelle (les valeurs) ; Barbier, lui, fait exactement l’inverse. Libéral-libertaire pur jus, il est pour tout mettre à bas, cherchant sans relâche quelque nouvelle voie dans laquelle le capitalisme puisse s’engouffrer. Mariage homo, GPA, PMA, euthanasie active, il est de toutes les « avancées », favorable, bien sûr, à l’immigration massive, « une très bonne chose pour la vitalité française » (13 novem­bre 2012), ainsi qu’à la construction européenne dont il a compris qu’elle n’était que le cheval de Troie de la mondialisation qu’il vénère.
Lors de l‘affaire Léonarda, l’imbécile s’est du reste pris les pieds dans le ta­pis. Après avoir présenté les excuses de la France (!) à la morveuse et esti­mé « nécessaire » son expulsion, il terminait son édito (23 octobre 2013) en lui demandant d’être patiente et d’attendre… que le Kosovo entre dans l’Union européenne ! « Alors, le chemin que vous et vos compatriotes aurez parcouru vous mènera à nouveau, peut-être, vers la France », écrivait-il, sans réaliser qu’il annonçait ainsi aux Français qui ne voulaient pas d’une Léonarda aujourd’hui qu’ils en auraient 300 000 demain grâce à l’Europe !
Barbier est le prototype du planqué ; il est la France de l’arrière à lui tout seul, celle qui envoie les autres au casse-pipe dans les va­peurs de vieux cognac et trouve en sus le moyen de saboter leur boulot. C’est le planqué modèle carriériste pour qui une société n’est rien d’autre qu’un tremplin au service de ses propres intérêts. Protégé des vicissitu­des qu’il préconise pour ses concitoyens, il vit dans les beaux quartiers, dans l’« entre soi » confortable, avec cette conviction qu’entretient la caste de mériter mieux que les autres et de n’être pas soumis à la loi gé­nérale.
En matière économique, Reagan était un plaisantin à côté de lui, Thatcher une étatiste de tendance soviétique. Il est pour la baisse des charges sociales, la révision des prestations sociales, la flexibilité du travail, la fin de l’État providence, le « coup de pied aux fesses » aux assistés d’en bas (mais non aux parasites d’en haut), la jungle économique totale. « Travailler sept jours sur sept, ce n’est pas pour demain… dommage ! », écrivait-il le 4 décembre dernier à propos du rapport Bailly sur le travail du dimanche. Abrutir le peuple de travail : tel est le véritable credo du né­grier pour qui « refuser l’activité dominicale […], c’est oublier que la religion avance dans cette brèche et trouble des politiques à la laïcité déjà chancelante ». Autrement dit : faites-moi bosser ces obscurantistes le dimanche sinon ils iront à la messe et troubleront la laïcité !
À ce prix-là, le planqué peut aussi bien remballer son autoradio : je ne monte pas.  

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