Depuis sa mort, tous ceux qui ne croient ni à Dieu ni à diable se sont trouvés une icône devant laquelle ils brûlent des cierges en déférence : Nelson Mandela. Au point, presque,
de réclamer sa canonisation immédiate. « Santo subito ! » Mais Mandela n’a pas réalisé de miracle. Ni avant,
ni après l’abolition de l’apartheid… qui n’est pas de son fait ! Il est même responsable de crimes de sang.
Si l’Organisation des Nations unies a fixé au 21 mars la Journée mondiale de la lutte contre la ségrégation raciale, c’est en référence à la tragédie qui s’est déroulée le 21 mars 1960 à Sharpeville, en Afrique du Sud. Ce jour-là, la police, assiégée par plusieurs milliers de manifestants réunis à l’appel du Congrès national africain (ANC) et prise de panique, a tiré sur la foule. On relèvera 69 morts.
Nelson Mandela, qui va sur ses 43 ans, est un cadre de l’ANC. Plutôt anticommuniste et plutôt non violent. Cela ne va pas durer. Il considère que la stratégie de l’ANC – qui va être interdite – a échoué. Qu’il faut adopter la stratégie marxiste du cycle provocation/répression, afin d’amener les masses à se soulever contre le pouvoir afrikaner. Qu’il faut donc en venir à la lutte armée…
C’est ainsi qu’en cette année 1960, Nelson Mandela crée la branche militaire de l’ANC – sa branche terroriste –sous le nom de Umkhonto we Sizwe (connu aussi sous le nom de MK), qui signifie « fer de lance de la nation ». MK est codirigée par Mandela et par Joe Slovo, le chef du Parti communiste sud-africain, clandestin, formé à l’université Patrice Lumumba de Moscou, de huit ans son cadet.
La branche militaire de l’ANC fondée par Mandela
C’est Nelson Mandela en personne qui va rédiger le plan de « passage graduel » à la lutte armée. Première étape : les sabotages. Deuxième étape, planifiée en cas d’échec politique de la première : la « guerre de guérilla », théorisée par Che Guevara. L’un de ses camarades de combat décrira la première étape : « Faire exploser des lieux symboliques de l’apartheid, comme des bureaux du passeport interne, la cour de justice pour natifs, et des choses comme ça… Des bureaux de poste et… des bureaux du gouvernement. »
De 1961 à 1964, près de deux cents attentats et sabotages sont perpétrés ! Si Mandela est arrêté en 1962 – et condamné –, ce n’est pas donc parce qu’il s’oppose à l’apartheid. C’est parce que les moyens qu’il emploie et les équipes qu’il commande se livrent au terrorisme. C’est aussi parce qu’il bénéficie d’importantes aides de l’étranger : financières (c’est lui qui est chargé de trouver les fonds) et matérielles. L’Algérie tout juste indépendante l’a accueilli pour le former aux actions militaires…
Umkhonto we Sizwe n’arrête pas ses actions avec l’incarcération de Mandela. Quelques mois après sa condamnation, les dispositions qu’il a prises avant d’être emprisonné permettent à MK de disposer d’un appareil militaire solide. On estime alors ses forces à près d’un millier d’hommes, répartis dans des camps en Angola, en Tchécoslovaquie et en Russie. Dans la guerre entre l’Est et l’Ouest, l’Union soviétique utilise la branche militaire de l’ANC comme une arme de déstabilisation de l’Afrique du Sud.
Et le signal de l’offensive sanglante est donné, depuis Moscou, après les émeutes de Soweto en 1976. En 1977, l’organisation créée par Nelson Mandela fait ses premiers morts sur le sol sud-africain. Des opérations avaient déjà eu lieu en Rhodésie, où les terroristes de MK œuvraient, à la place des Soviétiques, pour renverser le régime. Les attentats feront, au total, plusieurs centaines de victimes si l’on compte les victimes de cette bonne vieille pratique stalinienne : les purges internes à l’organisation. Et Umkhonto we Sizwe regroupera, à son apogée, plusieurs dizaines de milliers de membres.
C’est Frederick de Klerk qui a aboli l’apartheid !
Non seulement cette stratégie n’a servi qu’à tuer des victimes civiles, comme en 1983 à Pretoria (19 morts, 217 blessés !), mais elle n’a pas joué dans le processus qui a abouti à la fin de l’apartheid, l’assassinat répété – systématique dans certaines régions – de fermiers blancs ayant plutôt renforcé la conviction, dans les sphères dirigeantes, qu’on ne pouvait décidément pas laisser ces gens-là s’emparer du pouvoir.
C’est là qu’intervient un homme dont il aurait été à tout moins honnête de rappeler le rôle ces derniers jours, plutôt que d’attribuer à Nelson Mandela un rôle qu’il n’a pas eu : Frederick de Klerk, qui recevra d’ailleurs, en 1993, le prix Nobel de la paix conjointement avec Mandela.
De Klerk, qui a succédé à Pieter Botha à la tête du pays en 1989, est celui qui, en toute discrétion, va aller négocier la paix avec les dirigeants de l’ANC en exil ainsi qu’avec… l’Union soviétique ! Pieter Botha avait commencé à négocier avec Mandela, lui sait bien qui est le donneur d’ordres… Ce n’est qu’après avoir obtenu des Soviétiques, dirigés par Gorbatchev, qu’ils n’interviendront pas dans le processus, que De Klerk se décide à autoriser l’ANC et à libérer Nelson Mandela, dont la première déclaration, le 11 février 1990, est pour dire :
« Notre recours à la lutte armée en 1960 avec la formation de l’aile militaire de l’ANC était purement une action défensive contre la violence de l’apartheid. Les facteurs qui ont rendu nécessaire la lutte armée existent toujours aujourd’hui. Nous n’avons aucune option à part continuer. Nous espérons qu’un climat propice à une solution négociée existera bientôt, ce qui rendra inutile la lutte armée. »
C’est le même jour qu’il déclare : « Je suis là devant vous non pas comme un prophète mais comme un humble serviteur du peuple », la seule phrase – tellement plus conforme à l’icône forgée durant ses années de captivité par Winnie Mandela et par l’appareil de propagande de l’Union soviétique – qui ait été retenue de son discours en Europe. Il faudra attendra le 6 août suivant pour qu’il proclame… la fin de la lutte armée. A l’égard des Blancs mais aussi à l’égard des Zoulous, qui auront payé un très lourd tribut à cette guerre raciale.
En 1992, c’est Frederick de Klerk qui abolira l’apartheid, s’appuyant sur un référendum auprès de la population blanche. Mandela n’avait rien aboli du tout. De même que s’il n’y eut pas de bain de sang, c’est d’abord à Frederick de Klerk qu’on le doit.
La suite est tristement classique. Devenu président de la République d’Afrique du Sud en 1994 – il le restera jusqu’en 1999 –, Nelson Mandela n’aura qu’un pouvoir relatif, étant assisté de deux vice-présidents, Frederick de Klerk et Thabo Mbeki, de l’ANC, militairement et intellectuellement formé… à Moscou, notamment à l’université Lénine ! Et le pays, soi-disant « arc-en-ciel », sombrera progressivement dans le chaos, sur tous les plans. Au point que Frederick de Klerk dénoncera publiquement, quelques années plus tard, le reniement de ses promesses par l’ANC et l’incapacité de Nelson Mandela à contrôler ses troupes.
Un pays ruiné, à feu et à sang et vrai coupe-gorge !
La suite est classique, disions-nous, car Nelson Mandela était aussi peu fait que Lech Walesa pour diriger un pays, et les observations livrées par l’africaniste Bernard Lugan, auteur d’une Histoire de l’Afrique du Sud (Perrin) qui fait autorité, sont sévères : « Nelson Mandela n’a pas apaisé les rapports inter-raciaux. Ainsi, entre 1970 et 1994, en 24 ans, alors que l’ANC était “en guerre“ contre le “gouvernement blanc“, une soixantaine de fermiers blancs furent tués. Depuis avril 1994, date de l’arrivée au pouvoir de Nelson Mandela, plus de 2 000 fermiers blancs ont été massacrés dans l’indifférence la plus totale des médias européens. » (1)
En 2013, poursuit Lugan, « le chômage touchait selon les chiffres officiels 25,6 % de la population active au [deuxième] trimestre […], mais en réalité environ 40 % des actifs. Quant au revenu de la tranche la plus démunie de la population noire, soit plus de 40 % des Sud-Africains, il est aujourd’hui inférieur de près de 50 % à celui qu’il était sous le régime blanc d’avant 1994. En 2013, près de 17 millions de Noirs sur une population de 51 millions d’habitants ne survécurent que grâce aux aides sociales, ou Social Grant, qui leur garantit le minimum vital. »
Et l’on y compte 16 000 meurtres et plus de 50 000 viols par an. 800 000 Blancs, peut-être un million, ont fui le pays.
Le ministère français des Affaires étrangères déconseille fortement de visiter l’Afrique du Sud hors des circuits balisés, car « les agressions contre les touristes, principalement motivées par le vol de leurs biens matériels ou objets de valeur, peuvent s’accompagner de violences graves (vols sous la menace d’armes à feu, piratages de voitures, viols, meurtres, etc.). »
Et les héros sont priés de s’abstenir : « En cas d’agression, ne pas regarder son agresseur dans les yeux et ne jamais tenter de résister ou de se défendre. Les agressions sous la menace d’une arme à feu ou d’un couteau sont courantes ; il s’agit d’assurer à votre agresseur, qui peut être sous l’emprise de l’alcool ou de la drogue, de votre disponibilité à coopérer (sic !) et à lui remettre immédiatement vos valeurs. »
Ame de Mandela, aie pitié : sors de ce pays !
Lionel Humbert