«Le moi, voilà le point noir de la conscience. » Je précise à l’intention de Taubira que cette maxime de Schopenhauer ne recèle aucune intention raciste (« Noir ? Pourquoi noir ? Il a dit noir ! »). Elle-même dotée d’un moi hypertrophié et d’une conscience revendiquée, l’aimable créature qui nous sert de ministre de la Justice en illustre d’ailleurs à merveille le bien-fondé. Puisque je suis en veine de citations, j’en infligerai une autre à mes lecteurs. Elle est de Pierre Assouline et colle aussi merveilleusement à la dame pipeau de la place Vendôme : « Il est bon de débattre avec sa conscience à condition toutefois d’avoir le dernier mot. » Quant à cela, pas besoin de se biler : même Valls, avec toute sa tchatche, n’est pas parvenu à clore le bec de la Guyanaise ; Ayrault, auprès d’elle, fait figure de moule empaillée (pas seulement auprès d’elle, il est vrai) ; et Flanflan lui-même se prend la langue dans le tapis.
Elle ne le leur a pas envoyé dire, le 5 septembre, sur France 2 : « Ayrault n’est pas mon patron, le gouvernement n’est pas une entreprise. J’ai plus qu’un patron : une conscience, avec des règles d’airain. » Elle en avait déjà prévenu des journalistes du « New York Times » auxquels elle avait condescendu à octroyer un entretien début août : « Je ne supporte pas d’avoir un patron. Mon patron, c’est ma conscience. Et ma conscience me dicte des règles qui sont vraiment…, je dirais, grandioses – elles sont rudes, mais belles. »
Comment disait, déjà, ce bon Schopenhauer ? Que la mégalomanie et le narcissisme endémiques sont les trous noirs de la conscience politique ? Il semble que le journaliste américain ait été assez peu à l’aise : « Sa lèvre supérieure tendue contribue probablement à ce qu’on appelle un air de dédain, mais quand elle rit, elle se lève sur ses dents et ses yeux se plissent avec une chaleur qui est peut-être authentique ou pas, mais incontestablement rare parmi les hommes politiques français. » Dieu merci !
Quoi qu’il en soit, on conçoit qu’auprès d’elle, Flanby manque de consistance. En somme, Tauby ne lui envoie pas dire qu’elle ne lui reconnaît pas la moindre autorité : sa seule patronne, c’est elle ! La malheureuse Delphine Batho a perdu son maroquin pour beaucoup moins que ça ; il est vrai qu’elle avait la dent infiniment moins dure. En outre, depuis le vote de la loi qui porte son nom, Tauby est devenue une icône de la gauche. Comment répudier une icône que l’on a installée soi-même dans sa niche, surtout au moment où l’on perd soi-même la face et toute crédibilité aux yeux de la planète entière en se donnant dans l’affaire syrienne des airs de matador pour terminer dans la défroque de matamore ?
Récemment, sur France Inter, un confrère faisait pourtant remarquer que, nonobstant le président de la République et le premier ministre, Taubira a un autre patron, qui est le peuple français.
Mais n’ayant jamais caché son passé indépendantiste (voilà encore pas si longtemps, elle mettait même ce passé au présent), on comprend qu’elle s’en soucie peu.
Reste que cette audacieuse absolutisation de sa conscience peut ouvrir la brèche à certains de ses adversaires : car enfin, pourquoi des maires de villes ou de villages seraient-ils moins tenus et libres d’obéir à leur conscience que Christiane Taubira, ministre de la Justice de la République française ? Si le président de la République n’est pas son patron, à elle qui doit pourtant son poste à une nomination, pourquoi ces édiles lui devraient-ils obéissance, eux qui ont été élus démocratiquement par leurs concitoyens ? En un mot, si le garde des Sceaux excipe des règles que lui dicte sa conscience pour n’en faire qu’à sa tête, pourquoi les maires n’écouteraient-ils pas la leur en refusant de célébrer des mariages invertis ? (Voir à ce sujet le dernier numéro de notre confrère « Monde et Vie ».)
A propos des opposants à sa loi, Tauby, qui ne manque pas d’air, s’est plainte aux journalistes du « New York Times » d’avoir été victime – j’ose à peine l’écrire tant c’est insoutenable – de racisme et d’exclusion ! Elle en veut pour preuve les slogans criés par les manifestants : « Je ne crois pas, dit-elle, qu’il y ait eu d’autres manifestations, ou qu’il serait possible qu’un autre ministre soit ciblé par ce slogan : “T’es foutue, les Français sont dans la rue.“ Il y a un message d’exclusion. Donc, je l’entends ! Voilà tout. Je veux être lucide. »
Hélas, le complexe de persécution (ne parlons pas de paranoïa) cousine souvent avec la mégalomanie. Si j’ai bonne mémoire, j’ai crié pour la première fois ce slogan lors des manifestations contre la loi Savary sur l’école, au début du premier septennat de Mitterrand. Les Français étaient déjà dans la rue et je ne sais pas si Savary était foutu, mais je suis sûr qu’il n’était pas noir. Le peuple estimant sans doute que c’est avec les vieux slogans qu’on fait les meilleures manifs, celui-ci a, je crois, beaucoup servi depuis, y compris contre Sarkozy. Dans les pages jaunes de l’annuaire, l’aimable Christiane devrait trouver sans peine quelques adresses de psys.
• Où le Panthéon a besoin d’une gardienne
A propos de psy, entre Tauby, Poupoule et Ségo, ce pauvre Flanflan a décidément bien du mal avec les femmes. Je me demande si sa récente volonté d’en faire entrer une au Panthéon, qui pour être dédié aux grands hommes (au sens générique du terme…) n’en reste pas moins un cimetière, ne trahit pas une misogynie subconsciente. L’idée n’est cependant pas mauvaise, s’il y loge Taubira : non pas, bien sûr, dans une tombe (où l’œil de la Conscience pourrait la regarder, comme Caïn, ou Hugo lui-même, panthéonisé dans le coin) ; mais la transformation du garde des Sceaux en gardienne des os ne pourrait-il pas apporter une solution à l’un de ses problèmes ?
• Où Bayrou manque de Pau
Outre ses défunts célèbres, la République a aussi ses revenants. L’un d’entre eux revient même avec insistance, à dates électorales fixes : il s’agit de François Bayrou. En manque de Pau depuis un certain temps, il envisage de faire une réapparition sur la scène des municipales, en quémandant au besoin le soutien de son rival Borloo. Ce dernier lui fait risette, mais il est à craindre qu’au fond, l’homme de Pau ne le gave un peu.
Toujours à propos des municipales, Nathalie Kosciusko-Morizet est rentrée de ses vacances en Normandie en en rapportant quelques habitudes locales, qui l’ont conduite à déclarer avec un rare bon sens : « Il y a des quartiers de Paris où il y a vocation à avoir moins ou pas de voitures et d’autres qui doivent être circulants. » Et puis, p’têt ben qu’il faut qu’une porte soye fermée, mais p’têt ben qu’faut qu’elle soye ouverte, non ?
• Où Flanflan s’en va quand même en guerre
Il semble que le « bis » de la colonne de la Légion étrangère avançant dans le bled en Syrie, comme dans le chant du 1er REC, ne soit pas pour demain. Il est vrai qu’il n’a jamais été question, dans l’esprit prudent de Flanflan-la-Tulipe, que de bombarder ce pays de loin pour « punir le régime ».
Hollande, qui a connu au G20 un grand moment de solitude, risque d’en connaître un plus grand encore si les affirmations d’un otage belge des gentils rebelles, qui vient d’être libéré, sont exactes : à l’en croire, l’attaque au gaz sarin reprochée à Bachar el-Assad devrait être imputée à la rébellion. Faudra-t-il « punir » les Qataris ?
Quoi qu’il en soi, Flanflan peut se consoler à la pensée qu’il va bientôt pouvoir faire la guerre en France, ce qui coûtera moins cher en carburant. Que ce soit à Marseille ou à Colombes, la situation devient de plus en plus explosive. Et à propos de Colombes, celle de la paix civile a du plomb dans les plumes.