Le député UMP de la Drôme Hervé Mariton avait été médiatiquement proclamé « héraut des anti-mariage pour tous ». Durant des mois, les qualificatifs guerriers ont fusé. Le mousquetaire de l’opposition ! Le député qui mène la guérilla ! Et puis ? Rien. Au premier froncement de sourcil de la presse, il s’est couché. En fait, il l’avait déjà fait.
De Jacques Chirac, Marie-France Garaud disait : « Je pensais qu’il était du marbre dont on fait les statues, mais il n’est en fait que de l’émail dont on fait les bidets. » Qu’on produit maintenant en série… La semaine dernière, le site « Médiapart » a ordonné une mise à mort. Et Mariton, le fier-à-bras, s’est exécuté.
Le site a découvert que l’assistante parlementaire de Mariton avait des accointances avec l’extrême droite. Horresco referens ! Pensez donc ! Elle a été candidate, il y a sept ans, sur une liste étudiante du Rassemblement des étudiants de droite ; elle a mis une citation de l’historien Dominique Venner sur sa page Facebook après que celui-ci s’est suicidé ; elle serait amie avec Me Frédéric Pichon, l’un des avocats défendant… les militants anti- « mariage homosexuel » victimes des brutalités policières.
Comble de l’horreur, elle aurait facilité, le 23 avril dernier, l’entrée à l’Assemblée nationale des adversaires du « mariage pour tous » qui ont pu y déployer une banderole. Trop, c’est trop ! Mariton a congédié sa collaboratrice. Avec une rare inélégance : « J’étais loin d’imaginer tout cela… Je suis assez effondré de tout cela. Si j’avais su le reste de son background (sic), je ne l’aurais pas recrutée. Elle m’avait annoncé son souhait de partir, je n’en suis pas fâché… C’est strictement impossible pour moi de travailler avec quelqu’un qui a ces idées-là, que je condamne. »
Zut, les gouines n’ont pas voulu de lui !
Retour au 8 février dernier, à l’Assemblée nationale. Ce jour-là, Mariton est tout sourire. Il est fier de lui. Un de ses amendements au projet de loi qui ouvre le mariage aux couples de même sexe vient d’être adopté à l’unanimité. Mariton est salué par Erwann Binet, le rapporteur du projet de loi, et par Christiane Taubira, le garde des Sceaux. Que contient l’amendement qui satisfait tant la gauche ? Mariton s’est aperçu que le texte du gouvernement contient un article sous-entendant que la loi s’appliquerait de manière différente en métropole et dans les départements d’outre-mer, ce qui est contraire à l’article 73 de la Constitution. Il a donc déposé un amendement pour sauver l’article incriminé… de l’inconstitutionnalité !
Certes, celle-ci aurait eu une portée restreinte. Le Conseil constitutionnel aurait pu retirer un membre de phrase sans prononcer l’inconstitutionnalité du texte. Mais il est surprenant que l’avocat du mariage se porte au secours, en plein combat, de ceux qui s’acharnent à la dénaturation du mariage. Ça va pourtant continuer.
Le 24 mars, Mariton va à la rencontre des milliers de manifestants qui, ne pouvant plus tenir serrés comme des sardines sur l’avenue de la Grande-Armée, ont gagné la place de l’Etoile et les Champs-Elysées pour crier leur exaspération. Que fait Mariton ? Il les encourage à continuer, dans le calme et la sérénité, à investir les Champs, ultime recours pour humilier Hollande et faire plier l’exécutif ? Non. Il leur intime de renoncer, « de ne pas tomber dans le piège du gouvernement ». Aujourd’hui, nous savons que la dernière chance de succès de la Manif pour tous se trouvait sur les Champs-Elysées le 24 mars et qu’elle n’a pas su la saisir…
Le passif du héraut ne s’arrête pas là. La loi est votée. Certains maires affirment qu’ils ne célèbreront pas les parodies de mariage entre homosexuels. Mariton, lui, n’a pas de problème de conscience. Il regrette même que deux lesbiennes de sa commune refusent qu’il les marie ! Mariton ou vive le mariage pour tous ! Ce comportement ne surprendra pas ceux qui ont eu l’occasion de débattre avec lui.
Il aurait tant voulu voter pour le Pacs
Quelques mois avant l’élection présidentielle de 2012, il est invité par un club de réflexion, rassemblant une centaine de « décideurs » d’Aquitaine. Persuadé d’être face à un public conquis d’avance, il se lance dans un discours aussi surréaliste que démagogique sur la politique familiale de Nicolas Sarkozy. Mal lui en prend.
Une fois son intervention terminée, un convive se lève pour égrainer, dans un inventaire à la Prévert, toutes les mesures prises par le gouvernement démontrant l’inanité de ses propos : remboursement à 65 % de la nouvelle pilule abortive dite « du surlendemain » et la pilule abortive, dite « de troisième génération » ; revalorisation du forfait IVG ; absence de ministère dédié à la famille ; malus écologique pour les familles nombreuses ayant un véhicule adapté à leur taille ; fin du droit au repos dominical ; suppression de l’avantage fiscal pour les nouveaux mariés ; fin de la retraite à taux plein à 65 ans pour les femmes ayant élevé trois enfants ; simplification de la procédure de divorce ; dépsychiatrisation de la transsexualité.
Mariton est blême. Durant quelques instants, il reste muet avant de tenter une réponse évasive : « Il s’agit de mesures prises par le gouvernement, pas de lois votées par le parlement. » L’intervention du contradicteur a désinhibé l’assistance. Les reproches envers la politique du gouvernement fusent. Mariton tente de ne pas perdre pied. Mais il s’enfonce. Et révèle, sous les apostrophes de l’assistance, la fragilité de ses convictions.
Ce soir-là, Mariton déclare que, s’il avait été député en 1998, il aurait probablement voté la loi instaurant le Pacs et que – il le déclarera à « Têtu » –, « si le Pacs avait été réservé aux homos, on aurait pu le faire progresser davantage » ! Puis il soutiendra que la présence d’un char de l’UMP à la Gay Pride ne le gêne pas ! « Je ne suis pas, comme certains le voudraient, la nouvelle Christine Boutin », se défendra-t-il à « Têtu ». C’est rien de le dire…
Ainsi est le plus virulent adversaire du « mariage pour tous ». On comprend pourquoi la loi est passée.
Thierry Normand