On a d’abord cru à un poisson d’avril anticipé de quarante-huit heures. Hélas non… Samedi dernier, Frigide Barjot, qui avait conseillé la veille à ses ouailles de La Manif pour tous de se préparer à la Résurrection, s’est rendue en terre d’islam – à savoir au Bourget, où se tenait la 30e Rencontre annuelle des musulmans de France organisée par l’UOIF, l’Union des organisations islamiques de France, proche des Frères musulmans. Et pas pour les convertir… Pour lancer aux musulmans : « Vous êtes notre espérance ! » Tel que.
On appréciera le choix du mot « espérance », par une Barjot de plus en plus déjantée, plutôt que du mot « espoir ». Ceux qui pensaient que l’espérance est une vertu théologale un tout petit peu liée au Christ et à l’Esprit saint peuvent récrire leur catéchisme, fiche en l’air en même temps l’encyclique Spe Salvi de Benoît XVI – consacrée, justement, à l’espérance –, et brûler tout un tas de textes ringards comme l’Epître aux Corinthiens, la Lettre aux Ephésiens, etc. Le concile Vatican II, à côté de la Barjot, c’était d’un réac…
Il faut croire que pour la pasionaria des beaux quartiers, la fin justifie les moyens. Et peu importe ce qui se passera après, quand les musulmans présenteront la note, par exemple en exigeant le droit à la polygamie ou à la lapidation des femmes infidèles. Notez que si la Barjot, avec ses airs hallucinés, ses tenues bariolées et ses T-shirts débiles, se voyait imposer le port de la burqa à chacune de ses sorties de son duplex parisien, il n’y aurait pas foule pour s’en plaindre et l’esthétique y gagnerait ce que la liberté y perdrait.
600 000 musulmans, ça va plaire à Madame Michu…
En ce samedi saint donc, la Barjot n’a rien trouvé de mieux que d’aller chercher du renfort, pour lutter contre le mariage des homosexuels, chez les musulmans. Une démarche faite avec « émotion », leur a-t-elle publiquement confessé. Un peu plus et elle en chialait. Après ce grand moment de télé-réalité fortement déconseillé aux moins de dix ans, elle s’en est remise aux musulmans pour que le succès de la prochaine mobilisation nationale de La Manif pour tous soit plus important que le 13 janvier et le 24 mars ! Elle l’a dit texto : « On sera deux millions, mais on ne le sera pas sans vous ! Vous êtes ceux qui feront basculer la loi ! »
Là, c’est sublime. Les musulmans de France – on entend par là les musulmans français ainsi que les musulmans vivant en France et n’ayant pas forcément vocation à y rester – n’ont jamais été fichus de s’organiser, et voilà que c’est une « catho branchée » (1) qui se propose de les fédérer ! S’ils répondaient à son appel, faudra pas venir s’étonner, ensuite, s’ils y prennent goût… Et si, Algériens, Maliens, Qataris ou Afghans, ils réclament le droit de vote qu’il sera compliqué de leur refuser puisqu’on aura fait appel à eux pour « faire basculer » une loi sur laquelle – allô Frigide – ils n’ont pas à donner leur avis !
On voit d’ici, dans la France profonde, l’effet que produirait la manifestation rêvée par la Barjot. Si l’on se fie à ses chiffres, il y avait 1,4 million de personnes à Paris le 24 mars. Elle en veut deux millions la prochaine fois. Différentiel : 600 000. M’est avis qu’en voyant 600 000 musulmans défiler dans les rues de Paris au journal de 20 heures, Madame Michu, son mari, leurs enfants, petits-enfants et neveux vont plutôt se dire qu’il y a moins péril à ce que les tarlouzes se marient qu’à laisser les barbus faire la loi. Le seul avantage, en ces temps de restrictions budgétaires, est qu’on fera l’économie du coût d’organisation du second tour de la prochaine présidentielle, puisque Marine Le Pen aura été élue dès le premier tour.
« Le Fabuleux Destin d’une ispice di counasse »
Tant qu’à câliner les musulmans de l’UOIF dans le sens du poil de la barbiche, la Barjot leur a aussi annoncé, sans en avoir parlé à personne d’autre, la date de la prochaine manifestation ! Ce sera le dimanche 26 mai, a-t-elle décrété.
Pour les musulmans, c’est impec, il n’y a rien à leur calendrier ce jour-là. C’est du pot, non ? Pour les catholiques, ça va être un peu plus compliqué. Le dimanche 26 mai, c’est le jour de la Sainte Trinité. C’est vrai que le 23 mars, c’était le jour des Rameaux. Quand on a dû sécher l’évangile de la Passion du Christ, on n’est certes plus à ça près. Encore une chance qu’on ne soit pas en décembre…
Le 26 mai, c’est aussi la Fête des mères. Bien vu pour le symbole. Pour le cadeau des enfants, y’a plus à redire. « Vous venez les enfants, on va emmener maman chialer sur les Champs-Elysées » On dit ça, on dit rien…
A propos de symbole, quand la Barjot parlait, au Bourget, derrière elle s’étalait une grande banderole sur laquelle était écrit : « Au service des musulmans de France ». Beau coup de com’… pour les musulmans, monté grâce à l’intercession de Camel Bechikh, président de l’association Fils de France, membre assumé de l’UOIF et l’un des porte-parole de La Manif pour tous – alors que la catholique Béatrice Bourges, présidente du Collectif pour l’enfant, qui était elle aussi porte-parole, a été sèchement débarquée par la Barjot.
Pour ceux qui voudraient écrire la biographie de Virginie Merle, épouse Tellenne, alias Frigide Barjot, on a déjà le titre, emprunté aux Guignols de l’info d’après une œuvre de Jean-Pierre Jeunet : Le Fabuleux Destin d’une ispice di counasse.
Antoine Vouillazère
1. Frigide Barjot est l’auteur de Confessions d’une catho branchée (éd. Plon, 2 011).