Il y a des jours où l’on a envie d’ouvrir la boîte à gifles. C’était le cas dimanche et ce ne sont pas les nécessiteux qui manquaient, à commencer par Frigide Barjot. Entendons-nous bien : la très médiatique humoriste – infiniment moins drôle quand même, sauf à son corps défendant, que son mari, Bruno Télenne, fondateur du groupe Jalons –, a eu le courage et l’audace de se placer aux avant-postes de la lutte contre le mariage et l’adoption pour les couples homosexuels et, en partie grâce à l’inconscience qui la caractérise, elle a réussi le pari insensé de faire descendre dans la rue des dizaines de milliers, puis des centaines de milliers, puis un million et demi de Français. Lorsque à l’automne dernier, germa l’idée d’une mobilisation populaire, nul n’aurait parié qu’elle y parviendrait.
Elle a juste oublié deux ou trois petits détails. Par exemple que Frigide Barjot, toute seule, ça ne met pas une balle dans le panier ; que sans l’appui, entre autres, des très puissants réseaux des Associations familiales catholiques, elle n’aurait mobilisé personne. Elle a oublié qu’un porte-parole, ça porte la parole de ceux que l’on représente ; ça ne cherche pas, sans cesse, à imposer sa vision très personnelle de la société aux millions de personnes qui vous ont fait l’honneur de vous déléguer leur maigre temps d’antenne – voire à leur cracher dessus.
La liste serait longue, beaucoup trop longue mais venons-en à l’une des imbécillités majeures qui ont présidé à l’organisation de la manifestation de dimanche dernier. Celle-ci avait pour principal but de rattraper le ratage de la manifestation du 13 janvier, tellement mal fichue qu’il avait été impossible de compter sérieusement le nombre de manifestants. Etaient-ils 340 000 comme le disait la préfecture de police, un million comme l’affirmaient les organisateurs ? Le véritable chiffre se situait-il entre les deux ? Cette fois, promis juré, « toutes les dispositions [avaient] été prises pour que l’importance de la mobilisation soit visible et incontestable » garantissait « La Manif pour tous » dimanche après-midi par un tweet.
Formidable ! Regardez donc les images, avec cette foule serrée du pont de Neuilly à la place de l’Etoile et ayant envahi aussi l’avenue Foch et l’avenue Carnot ! Vous les voyez ? Ah ben non, zut, y’en n’a pas… Ce que l’on voit, c’est une foule dense de la place de l’Etoile au bas de l’avenue de la Grande-Armée ; puis un gigantesque mur de haut-parleurs ; et derrière, au fond, jusqu’à la Seine, on devine qu’il y a beaucoup de monde.
La Barjot, soi-disant une pro de la communication, fortiche côté « poids des mots », n’a pas pensé au « choc des photos ». De vues d’ensemble de ce qui fut, presque à coup sûr, l’une des deux plus importantes manifestations de l’histoire de France, avec celle du 24 juin 1984 pour la défense de l’école libre, il n’y a pas. Il n’y avait ni caméraman ni photographe autres que ceux de la police, au sommet de l’Arc-de-Triomphe ; ni sur le toit de la Grande Arche de la Défense ; ni tout en haut des tours de La Défense ! C’était interdit ? Et alors ! Soit on fait de la politique, soit on organise une kermesse !
Quand on fait de la politique, qu’on a un peu de moyens et qu’on veut prouver qu’on est plus d’un million, on ne se contente pas de faire réaliser par quelques bénévoles une estimation au doigt mouillé.
Et quand on fait se déplacer un million de personnes ou plus, en famille, à leurs frais et le dimanche des Rameaux – parce que, ne lui en déplaise, la foule était à 99 % catholique et pas « Black, blanc, beur » et « multiconfessionnelle » comme elle a osé le dire après être allée faire des risettes aux islamistes de l’UOIF ! –, la moindre des choses est d’avoir la courtoisie de ne pas les déranger pour rien.
Maintenant, Frigide, t’es bien gentille, mais laisse faire les grands. Maintenant, on va faire de la politique. Avec des politiques.
Antoine Vouillazère