A l’approche des élections municipales de 2014, les candidats comme les électeurs liront avec profit la biographie de Karl Lueger (1844-1910), « maire rebelle de la Vienne impériale », écrite par le journaliste Laurent Glauzy.
Plus d’un siècle après sa mort, Lueger, avocat des pauvres engagé en politique pour défier les accapareurs et la classe dominante archi-corrompue de sa ville, reste l’une des personnalités préférées des Viennois et incontestablement « le plus considéré des maires de la capitale viennoise ».
Parti à la conquête de la mairie, il s’en empare en 1 897 et la garde jusqu’à sa mort, en 1910. Loin de notre fumeuse politique de la ville, ce représentant du parti chrétien-social, qui a mis fin à quatre décennies de règne des libéraux, s’applique à mettre en œuvre la doctrine sociale de l’Eglise catholique. Son action reçoit même le soutien public du pape Léon XIII.
Précurseur, il pose les bases de la modernisation de sa ville, grâce à la construction d’un des premiers tramways électriques. Il fait bâtir des écoles, des théâtres, des hôpitaux et des orphelinats. « Constatant que l’expansion industrielle conduit les ouvriers à s’entasser dans des logements insalubres, note Glauzy, il édifie des habitations au milieu d’espaces verts. » Autrement dit, il prend un demi-siècle d’avance sur l’urbanisme social des pays scandinaves, qui sera ensuite maladroitement copié par la gauche française. Il assure également la gratuité des repas pour les étudiants les plus modestes et étend le droit de vote aux classes populaires (assurant en grande partie sa réélection). A travers un ouvrage certes apologétique, Glauzy brosse le portrait réaliste d’un incorruptible chrétien, défenseur sincère des opprimés et précurseur qui, face au « courtermisme » politicien, eut le courage de prendre des initiatives ambitieuses sur le long terme et profitables pour le plus grand nombre.
Patrick Cousteau
Laurent Glauzy, Karl Lueger, le maire rebelle de la Vienne impériale, éd. La Maison du Salat, 155 p., 18 euros.